M. Frédéric Reiss interroge M. le Premier ministre sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Suite à plusieurs années de débat autour de la mention des langues régionales dans la Constitution, le texte fondamental de la Ve République a finalement été modifié en juillet 2008 de manière à intégrer un article 75-1 stipulant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». L'obstacle juridique majeur à une ratification française de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires semble ainsi levé. L'engagement de la procédure de ratification pourrait permettre un débat sur la place des langues régionales en France, leur enseignement et leur utilisation dans les médias. La France met apparemment déjà en oeuvre suffisamment de mesures puisque l'application de 35 parmi les 98 listées de la charte suffit à permettre la ratification. Une telle ratification constituerait un acte symbolique fort, notamment dans la mesure où la France est aujourd'hui l'un des derniers grands pays concernés par cette charte à ne pas l'avoir ratifiée. Membre de l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe et sensible au maintien des langues régionales, notamment l'alsacien, il souhaite connaître sa position sur la possibilité d'une ratification de la charte européenne des langues régionales et minoritaires.
La modification constitutionnelle de juillet 2008, au terme de laquelle « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », ne lève pas les objections énoncées en 1999 par le Conseil constitutionnel contre la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le Conseil faisait valoir en effet que, dans son préambule, la charte reconnaît à chaque personne un droit imprescriptible à pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique ; que, par ailleurs (art. 7, § 1), elle se donne pour objectif l'usage oral et écrit des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée, et vise à prendre en considération les besoins et les voeux exprimés par les groupes pratiquant ces langues, en créant, si nécessaire, des organes chargés de conseiller les autorités sur ces questions. Le Conseil a estimé qu'il résulte de ces dispositions combinées que la charte confère des droits spécifiques à des groupes de locuteurs à l'intérieur de territoires particuliers, ce qui porte atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français (« ces principes fondamentaux s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance »). Ces obstacles ne sont pas effacés par le nouvel article 75-1, lequel ne peut donc avoir pour effet de conduire à la ratification. Cependant, aucun des engagements concrets que la France s'apprêtait à souscrire au titre de la charte n'ayant été jugé contraire à la Constitution, ils ont depuis été mis en oeuvre et l'État, tout en consacrant des moyens importants à l'enseignement des langues régionales, poursuit une politique linguistique qui encourage leur expression dans les médias et leur créativité dans tous les champs de la production artistique, de la littérature à l'audiovisuel et au spectacle vivant.
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