M. Daniel Goldberg attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'équilibre du fonds d'épargne. La Cour des comptes fait observer dans son rapport public annuel 2010 qu'il est à craindre « qu'à compter de 2012 ou 2013, le fonds [ne] soit confronté à un dangereux mécanisme de ciseaux entre les prêts en forte progression et les ressources à vue disponibles ». Elle rappelle à ce sujet que « le plafonnement de la centralisation du livret A et du livret de développement durable à 160 milliards d'euros dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie constitue d'ores et déjà une contrainte jusqu'en 2012, qui laisse au fonds d'épargne une marge de manoeuvre de seulement 10 milliards d'euros ». Elle souligne en fin que même dans le cas de prévisions qui sont « effectuées sous l'hypothèse conservatrice de stabilité des encours de dépôts et si la croissance des prêts au logement repose sur des hypothèses volontaristes et sur la capacité des organismes de logement social à mettre en place les programmes de construction, [...] à partir de 2013, l'ensemble des ressources du fonds ne permet plus de couvrir les prêts ni de respecter le ratio minimum de liquidité ». Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les estimations du Gouvernement en la matière et lui indiquer les dispositions qu'il envisage d'adopter, notamment le relèvement du plafonnement de la centralisation du livret A et du livret de développement durable.
La loi de modernisation de l'économie prévoit qu'une « quote-part des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable [...] par les établissements distribuant l'un ou l'autre livret est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu à l'article L. 221-7 » (art. L. 221-3 du code monétaire et financier). Le décretn° 2008-1264 dispose en outre que cette quote-part est fixée à 160 MdEUR pour l'année 2009, ce montant étant indexé en 2010 et 2011. Au cours des dernières années, l'activité de prêts du fonds d'épargne a été marquée par une forte hausse des volumes de prêts nouveaux à destination du logement social, et les évolutions prévisionnelles effectuées par la Caisse des dépôts et consignations plaident en faveur d'une confirmation du dynamisme actuel. Il convient néanmoins de mettre les éléments suivants en regard de ce constat : l'année 2008 a été exceptionnelle pour le livret A, avec une collecte nette de plus de 20 MdEUR sur l'année (hors intérêts capitalisés), ce qui a permis au fonds d'épargne d'élargir de façon très significative la base des dépôts qu'il centralise (à titre comparatif, l'encours sur livret A s'est accru en moyenne entre 1997 et 2007 de + 1,9 MdEUR par an, capitalisation des intérêts comprise) et d'afficher un encours des livrets A et des livrets de développement durable de 159 MdEUR au 31 décembre 2008, soit un niveau historique sans précédent. Par ailleurs, l'année 2009 a confirmé l'engouement des Français pour le livret A, puisque l'encours a progressé de 19,9 MdEUR en 2009, et les premiers mois de 2010 confirment cette tendance, avec 1,8 MdEUR de collecte supplémentaire en janvier-février ; sur les 220 MdEUR de bilan du fonds d'épargne (dépôts centralisés au fonds d'épargne sur les encours de livrets A, de livrets de développement durable et de livrets d'épargne populaire), l'encours total de prêts s'établit à fin 2009 à environ 111 MdEUR, le différentiel étant placé en actifs financiers, dont la grande majorité dans des actifs extrêmement liquides ; le plafonnement à 160 MdEUR du montant centralisé au fonds d'épargne résulte d'un arbitrage macroéconomique entre le fonds d'épargne et le secteur bancaire : les sommes sur livrets A et livrets de développement durable non centralisées doivent être utilisées par les banques pour le financement des petites et moyennes entreprises et pour le financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens. Il faut en conséquence veiller à ne pas centraliser au fonds d'épargne davantage de ressources que strictement nécessaire, dans la mesure où tout excès de centralisation pénaliserait la liquidité des banques et réduirait leurs capacités à financer l'économie, notamment via des crédits aux PME ; la quote-part centalisée au fonds d'épargne a été plafonnée, uniquement sur les années 2009-2011, à un montant fixé en niveau absolu (jugé préférable par rapport à un raisonnement en taux de centralisation) en raison de la généralisation de la distribution du livret A et de la forte volatilité anticipée sur les encours. La détermination d'un montant centralisé en volume présente en effet des avantages réels pour le fonds d'épargne, dans la mesure où celui-ci se voit garantir un niveau de ressources qui n'est pas affecté par les évolutions mensuelles (collecte ou décollecte) significatives que l'on a pu observer au cours des derniers mois de la part des épargnants ; par ailleurs, aucune décision n'a pour l'heure été prise sur le niveau de centralisation à compter de 2012. La loi prévoit la fixation d'une règle pérenne de centralisation une fois passée la phase de transition, et le décret n° 2008-1264 indique que les modalités de centralisation valables à compter du 1er janvier 2012 devront être définies au plus tard par décret avant le 30 septembre 2011. Les débats à venir concernant le niveau adéquat de ressources centralisées au fonds d'épargne devront prendre en compte tant les besoins du fonds d'épargne pour les missions qui lui sont confiées (à titre prioritaire le financement du logement social) que ceux du secteur bancaire pour le financement des PME (à partir des ressources non centralisées). L'Observatoire de l'épargne réglementée, institué par la loi de modernisation de l'économie, aura notamment vocation à réfléchir au niveau adéquat de centralisation au fonds d'épargne, en intégrant à sa réflexion les différents acteurs prenant part à l'ensemble du dispositif et à la lumière notamment des dernières évolutions des encours de prêts au logement social constatés en 2010-2011 et des besoins de financement des PME. Il semble en tout état de cause nécessaire, ainsi que le préconisait le rapport Camdessus, de continuer d'associer les banques à la collecte, en envisageant un partage raisonnable des encours de livrets A et de livrets de développement durable entre les banques et le fonds d'épargne. La détermination du niveau adéquat de centralisation à compter de 2012 devra prendre en compte l'ensemble des paramètres mentionnés précédemment pour identifier le juste équilibre permettant de concilier les différents objectifs poursuivis.
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