Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Joëlle Ceccaldi-Raynaud
Question N° 71655 au Ministère de la Santé


Question soumise le 16 février 2010

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les effets toxiques du bisphénol A (BPA). En effet, les récentes études sur ce composé chimique présent dans les plastiques alimentaires, notamment les biberons, ne mettent pas clairement en évidence d'effet néfaste sur la santé, du fait de faiblesses méthodologiques. Elles comportent toutefois des "éléments nouveaux" et des "signaux d'alerte", notamment de troubles du comportement et de la reproduction après une exposition in utero et postnatale : tel est l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) sur les effets du BPA, rendu public vendredi 5 février 2010. Ces signaux "méritent attention", affirme le directeur général de l'Afssa. Selon l'agence, des études supplémentaires, menées selon une méthodologie repensée, devront être menées. "Dans l'attente, et compte tenu de l'incertitude de leur signification chez l'homme, la pertinence d'augmenter le facteur de sécurité de la dose journalière tolérable [aujourd'hui fixée à 50 microgrammes/kg/jour] devra être discutée", écrivent les experts. Les scientifiques recommandent aux "consommateurs inquiets" de "ne pas utiliser de récipients en polycarbonate [le plastique qui contient du BPA] pour chauffer les aliments à forte température". C'est aujourd'hui la principale voie identifiée de contamination du corps humain. Le BPA est présent aussi dans les boîtes de conserve et canettes de boisson. Les effets de la substance, que l'on retrouve dans les urines de plus de 90 % des Américains, font l'objet d'interrogations dans plusieurs pays. Au Canada, son usage est banni depuis octobre 2008. La food and drug administration américaine a rendu, en janvier, un avis dans lequel elle fait état d'une "préoccupation" sur les effets potentiels du bisphénol sur le foetus et les jeunes enfants. "Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, qui a un impact sur tous les systèmes hormonaux, même à faible dose, affirme le toxicologue président du réseau environnement santé, qui milite en faveur de son interdiction en France. De très nombreuses études chez l'animal mettent en évidence son impact sur les troubles du comportement, la fertilité, le développement de cancers, le diabète, l'obésité". Une étude, publiée dans la revue environmental health perspectives d'octobre 2009, établit un lien entre l'imprégnation de femmes pendant leur grossesse et une agressivité accrue de leurs fillettes de deux ans. Selon lui, les études scientifiques sur lesquelles est fondée la dose journalière tolérable (DJT) actuelle sont "obsolètes", car elles ne tiennent pas compte des risques liés aux faibles doses de BPA. Plusieurs élus de gauche réclament l'interdiction de cette substance. Pour l'AFSSA, les études récentes comportent cependant des biais méthodologiques importants (données trop peu nombreuses, quantité d'animaux insuffisante, absence de groupe témoin, non-prise en compte de l'exposition à d'autres perturbateurs endocriniens via l'alimentation, la litière ou les cages des animaux) qui ne permettent pas de conclure à des effets néfastes sur la santé humaine. L'agence, qui concluait à l'innocuité de la molécule en 2008, remet pour la première fois en cause les méthodes utilisées pour caractériser les risques des perturbateurs endocriniens, qui "pourraient agir à très basse dose, et avoir des effets différents à forte dose et à faible dose". La DJT "n'apparaît pas comme l'approche d'évaluation des risques la mieux adaptée" aux perturbateurs endocriniens, soulignent les experts. Les scientifiques formulent des recommandations : élaborer une méthodologie pour évaluer les risques des perturbateurs endocriniens ; acquérir des données françaises sur la présence de BPA dans le lait maternel, chez le nourrisson et dans les laits maternisés ; étudier d'autres sources d'exposition que les matériaux au contact des aliments (eau, poussières). L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) prépare pour mai un rapport sur le BPA. Au regard de ces nouvelles données scientifiques, elle l'interroge sur les mesures de gestion qu'elle compte prendre et suivant quels délais.

Réponse émise le 11 janvier 2011

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux effets de l'exposition et de l'imprégnation de la population française au bisphénol A (BPA), d'une part, et, d'autre part, aux teneurs maximales de ce composé chimique dans les aliments. La loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 suspend la mise sur le marché de biberons produits à base de BPA jusqu'à l'adoption d'un avis motivé en ce sens de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devenue l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), depuis le 1er juillet 2010. La loi prévoit également que le Gouvernement soumette au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. L'extension de cette interdiction à l'ensemble des matériaux en contact des denrées alimentaires fabriqués contenant du BPA se heurte à des difficultés méthodologiques. En effet, le BPA est présent dans les résines recouvrant l'intérieur de nombreux contenants métalliques (boîtes de conserve, canettes) destinées à protéger le matériau métallique de la corrosion et à garantir l'étanchéité indispensable à la bonne conservation des aliments. Il n'existe pas à ce jour de substitut universel au BPA dans cet usage. Par ailleurs, l'innocuité des rares résines disponibles reste à prouver. Dans son dernier avis du 7 juin 2010, l'ANSES recommande que la limite de migration spécifique du BPA soit réévaluée en s'alignant sur de meilleures technologies actuellement disponibles. Elle préconise un étiquetage systématique des ustensiles ménagers en contact avec les aliments et contenant du BPA, afin d'éviter leur utilisation pour un chauffage excessif des aliments pendant une longue durée. Une demande en ce sens a été portée par la France, le 8 octobre 2010, auprès de la Commission européenne. Les signaux d'alerte identifiés par l'ANSES en juin 2010 sont des points de vigilance. Ces signaux ont été confirmés par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) dans son rapport préliminaire paru également en juin 2010 qui comporte une analyse critique de la littérature scientifique internationale publiée sur ce sujet par un groupe pluridisciplinaire d'experts. L'INSERM préconise de compléter ces données par un certain nombre de recherches sur le sujet. Il convient donc de poursuivre le travail d'expertise afin de mieux caractériser le risque et de proposer de nouvelles méthodologies pour l'évaluation des risques liés aux très faibles doses de BPA. Il convient également de mener des études pour mieux caractériser les expositions alimentaires et non alimentaires de la population générale, ainsi que les niveaux d'imprégnations. Enfin, l'ANSES exploitera les données de la cohorte ELFE (étude longitudinale depuis l'enfance) afin de produire une estimation de l'imprégnation de la mère et de l'enfant. L'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur le BPA est paru le 30 septembre 2010. Le groupe scientifique, qui a procédé à une nouvelle analyse dans le courant de l'été 2010, a déclaré que « sur la base de son examen de la littérature existante, il ne considère pas les données disponibles actuellement comme des preuves convaincantes que le BPA ait des effets indésirables sur certains aspects du comportement, comme l'apprentissage et la mémoire ». Cet avis est consultable sur le site Internet de l'EFSA. À la suite des interdictions provisoires du BPA dans les biberons en France et au Danemark, la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs (DG SANCO) de la Commission européenne a proposé un amendement à la directive n° 2002/72/CE relative aux matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Cet amendement suspend l'utilisation de BPA dans les biberons en plastique, en vue de réduire l'exposition au BPA des nourrissons. Cette proposition a été adoptée lors du Comité européen permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CP CASA), toxicologie de la chaîne alimentaire, du 25 novembre 2010. Le Gouvernement reste fortement mobilisé sur le sujet du BPA et s'assurera que les informations les plus récentes puissent être transmises au Parlement en janvier 2011 afin qu'il puisse décider des mesures les plus pertinentes pour protéger le consommateur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion