M. Jean-Jacques Candelier interroge M. le Premier ministre sur la possibilité que la France se dote d'une défense antimissile face à la prolifération d'armes de destruction massive et de missiles balistiques dans le monde. Des députés ont rendu publique une étude sur le sujet. Dans celle-ci, ils estiment qu'une défense antimissile autonome est une idée qui prend tout son sens dans un contexte géopolitique instable et pour se protéger contre des éventuelles attaques terroristes. Celle-ci coûterait plusieurs centaines de millions d'euros tous les ans pendant dix ans. Il lui demande son avis sur l'opportunité de la mise en place d'une défense antimissile, que certains réclament dans le cadre du prochain sommet de l'OTAN prévu fin 2010 ou début 2011 à Lisbonne.
La menace représentée par les missiles balistiques est une préoccupation majeure soulignée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et prise en compte dans la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Au-delà de la réflexion nationale actuellement menée, sous la direction du secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale, sur cette menace et les modes de réponses possibles, la dissuasion nucléaire a vocation à demeurer la pierre angulaire de notre politique de défense. Comme le préconise le Livre blanc, la France a d'ores et déjà décidé de se doter d'une capacité de détection et d'alerte avancée, qui doit être interopérable avec les moyens de nos alliés et partenaires, ainsi que de moyens de protection de nos forces déployées sur des théâtres d'opérations contre des missiles balistiques de courte et de moyenne portée. Le Livre blanc n'écarte pas la possibilité que la France ait à recourir à terme à des moyens de défense active (interception de missiles balistiques menaçant le territoire ou les centres de populations) qu'elle pourrait partager avec des partenaires européens ou de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). La capacité d'alerte avancée vise à détecter et à caractériser le tir d'un missile balistique le plus tôt possible après son départ. Un système de détection et d'alerte avancée a quatre objectifs : surveiller la prolifération des missiles balistiques, déterminer l'origine des tirs, fournir une première évaluation de la zone d'impact estimée et favoriser l'alerte aux populations. Plus précisément, l'alerte avancée permettra de détecter la chaleur émise par la phase propulsée avec des capteurs infrarouges à bord de satellites, caractériser la menace par l'analyse de sa signature infrarouge et diffuser l'alerte ; détecter le missile par un radar longue portée qui assurera la collecte et le suivi des informations fournies par le satellite. Ce radar permettra d'affiner la trajectoire et de prévoir la zone d'impact du missile, et de confirmer l'alerte aux populations. Cette capacité de détection et d'alerte reposera sur une composante spatiale et un segment terrestre. La composante spatiale bénéficiera du retour d'expérience des deux satellites démonstrateurs Spirale lancés en février 2009, avant la livraison d'un satellite géostationnaire prévue en 2019. Le segment terrestre reposera pour sa part sur un radar de très longue portée (TLP) capable de détecter des missiles balistiques en vol à plus de 3 000 kilomètres. Ce segment terrestre devrait être livré en 2018. Pour ce qui concerne la protection de nos forces déployées, le système sol-air moyenne portée-terrestre (SAMP-T), en cours de réception par l'armée de l'air, permettra de prendre en compte les menaces aériennes aérobies dites « classiques », ainsi que celles provenant des missiles de croisière et des missiles balistiques de théâtre dits « rustiques » d'une portée inférieure à 600 kilomètres. Les performances du SAMP/T dans le domaine de la défense anti-missiles balistiques de théâtre ne pourront cependant être exploitées en autonome que lors de la mise en service du radar M3R (radar modulaire, mobile et multifonctions), qui permettra d'allonger la distance d'acquisition du missile assaillant. La livraison du M3R est prévue en 2021. D'ici là, la capacité anti-missiles balistiques du SAMP/T pourra être exploitée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, comme contribution au programme de défense anti-missiles de théâtre (ALTBMD) engagé par l'OTAN afin d'acquérir une capacité collective de commandement et de conduite d'un système de défense anti-missiles pour protéger les troupes déployées. Les États-Unis poursuivent activement le développement de leurs programmes de défense anti-missiles qui confirment leur intention de développer une architecture globale. Ce pays a proposé une approche progressive qui s'appuie sur le programme ALTBMD développé par l'OTAN. La France a marqué son accord de principe à l'évolution de ce programme ALTBMD pour une étude vers une défense anti-missiles balistiques des territoires de l'Alliance qui ait un niveau d'ambition réaliste, en particulier sur le plan financier. Le caractère transnational de la menace inhérent aux menaces balistiques et aux conséquences des interceptions, l'interdépendance dans laquelle se trouveront les États pour y répondre, ainsi que les contraintes budgétaires pour le développement et l'acquisition de systèmes complexes et coûteux, conduisent à renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Il s'agit donc pour la France de prendre en compte la menace liée à la prolifération balistique et de marquer notre solidarité avec nos alliés et partenaires, sans toutefois s'engager dans un programme coûteux et placé en financement commun, sans remettre en cause notre souveraineté et sans fragiliser la dissuasion nucléaire. Pour la France, la défense anti-missiles balistiques ne peut être en effet qu'un complément à la dissuasion.
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