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Jean-Claude Fruteau
Question N° 70411 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 2 février 2010

M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le fléau des suicides en milieu carcéral. Selon une récente étude de l'Institut national d'études démographiques (INED), le taux de suicide dans les prisons françaises a quintuplé en 50 ans alors qu'il a dans le même temps peu évolué dans la population générale. Pour l'année 2009, ce sont 115 personnes qui sont décédées dans leur cellule ou à l'hôpital après une tentative de suicide. Si l'évolution du taux d'occupation des prisons peut constituer un facteur explicatif de cette triste tendance, la surpopulation en milieu carcéral ne constitue probablement pas l'unique raison de cette augmentation. En effet, les prisons hébergent de plus en plus des personnes psychologiquement vulnérables, sujettes au suicide, que l'institution peine à prendre mieux en charge. Par ailleurs, cette étude démontre que les suicides interviennent en majorité en début de détention. Les prévenus se suicident deux fois plus que les condamnés et la fréquence des suicides varie en fonction de la gravité de l'infraction commise. L'étude de l'INED indique que « le suicide plus fréquent des prévenus pourrait s'expliquer par le choc psychologique de l'incarcération, la fuite face aux jugements moral et judiciaire qu'elle représente, ou par un effet de sélection, les détenus « vulnérables » s'étant suicidés au début de l'incarcération, il ne resterait que les plus résistants ». Enfin, comparativement, cette enquête démontre, qu'avec 20 suicides annuels pour 10 000 détenus en 2002-2006, la France présente le taux de suicide carcéral le plus élevé de l'Europe des quinze. Face à la gravité de ce problème, il souhaite connaître les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre à court, moyen et long terme pour endiguer cette triste tendance.

Réponse émise le 20 avril 2010

Le phénomène du suicide dans les prisons françaises constitue une des préoccupations principales du ministre d'État. L'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination les personnes incarcérées depuis de nombreuses années. Le 18 août 2009, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a clairement affirmé sa volonté d'action afin de ne pas relâcher les efforts et poursuivre la lutte contre ce fléau, avec une mise en oeuvre immédiate et renforcée des vingt recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention des suicides en milieu carcéral rendu en, avril 2009. Au-delà de ces mesures, le ministre d'État a souhaité développer une politique pluridisciplinaire avec l'ensemble des personnels pénitentiaires et médicaux, ainsi qu'avec tous les acteurs de la vie carcérale : bénévoles, intervenants divers, familles et codétenus. Ce plan d'actions s'ordonne autour de cinq grands axes : la formation du personnel pénitentiaire face au risque de suicide (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifiques) ; l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec la mise en oeuvre généralisée de matériel adapté (cellules de protection d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones) ; l'humanisation de l'univers carcéral avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone notamment) ; le développement des expérimentations (les « codétenus de soutien » et la vidéosurveillance) ; le développement des activités en détention. Les dispositifs retenus tiennent compte d'expériences d'autres pays européens qui ont démontré leur efficacité à l'aune de la baisse du nombre de suicides en détention. Ils correspondent à la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue présentant un risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale ». Par ailleurs, les premiers jours de l'incarcération sont une phase identifiée au cours de laquelle le risque de passage à l'acte suicidaire est très important. Aussi, dans une logique d'atténuation du choc carcéral, l'accueil des arrivants fait l'objet d'un dispositif particulier. Ainsi, la première partie du référentiel d'application des règles pénitentiaires européennes (RPE) y est consacrée. Elle se compose de trois engagements : la mise en place d'un dispositif particulier d'accueil, la prise en charge individuelle et l'observation des détenus arrivants ainsi que l'établissement d'un bilan personnalisé effectué par la commission pluridisciplinaire unique. Les circuits arrivants des établissements pénitentiaires font l'objet d'une évaluation dans le but d'aboutir à leur labellisation par un organisme certificateur extérieur. S'agissant d'une zone de détention sensible, les agents pénitentiaires qui y sont affectés, sont prioritairement formés (formation sous le format TERRA) ou sensibilisés sur la thématique de prévention des suicides. En outre, le plan d'actions prévention suicide prévoit l'utilisation de la grille d'évaluation du potentiel suicidaire. Cet outil est systématiquement employé dans tous les établissements, dotés ou non de quartier arrivants, et permet de repérer la vulnérabilité de la personne détenue face au risque suicidaire. Cette grille a vocation à être actualisée tout au long de la détention et notamment à d'autres moments clefs pouvant entrainer une fragilisation de la personne détenue face au risque suicidaire, tel que l'approche du procès ou la libération de personnes soumises à une longue incarcération. Dans ces cas, une nouvelle évaluation est encouragée.

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