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Rudy Salles
Question N° 69357 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 26 janvier 2010

M. Rudy Salles attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs. En effet, cette période au-delà de laquelle toute poursuite judiciaire est impossible, s'étend au maximum sur vingt ans, à compter de la majorité de la victime. Aussi, la révélation de tout acte pédophile se fait dans l'immense majorité des cas très tardivement. Les victimes refoulent leurs traumatismes : l'amnésie ou le déni est la seule réponse de survie à l'horreur de l'abus sexuel, et que ce refoulement dans l'inconscient se prolonge chez un grand nombre de victimes jusqu'à un âge avancé, conduisant au-delà du délai de prescription... Ainsi, comme le précisent les chiffres de l'observatoire décentralisé d'action sociale (ODAS), sur 5 500 signalements d'abus, moins de 1 % finissent devant les tribunaux. Cette situation est scandaleuse car elle entraîne l'impunité de nombreux pédophiles, protégés par un certain milieu social ou familial, et parce que la parole de l'enfant, quand elle est possible, est fréquemment mise en doute. Dès lors, il lui demande d'une part les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour renforcer l'aide et le suivi de ces victimes, notamment dans leur parcours judiciaire et d'autre part, de donner le caractère de « crime contre l'humanité » à ces actes afin de les rendre imprescriptibles ou, à défaut, d'aligner la fin de la durée de prescription au décès du principal suspect.

Réponse émise le 23 mars 2010

Il est actuellement procédé à l'aide et au suivi des victimes d'infractions sexuelles tout au long de la procédure judiciaire. Au moment du dépôt de plainte tout d'abord, il n'est pas rare que des psychologues soient présents dans les commissariats ou brigades de gendarmerie pour apporter un premier soutien aux victimes. En outre, à l'issue de leur audition, la loi prévoit que leur sont systématiquement délivrées les coordonnées d'une association d'aide aux victimes. Dès lors que le plaignant saisit une telle association, celle-ci est en mesure de l'accompagner jusqu'à l'audience de jugement. Un dispositif spécifique d'audition des victimes est également mis en place pour les mineurs dénonçant des abus sexuels, puisqu'ils sont entendus par des enquêteurs spécialisés, dans des locaux spécifiques, éventuellement au sein d'unités médico-judiciaires et au besoin avec l'assistance d'un administrateur ad hoc ou d'un psychologue. En outre, leurs auditions sont filmées afin d'éviter la répétition de la relation des faits. Il ressort des rapports de politique pénale pour l'année 2008 que ces dispositifs d'accompagnement des victimes sont mis en place dans la plupart des tribunaux. En outre, au-delà de l'enquête et de l'audience, l'assistance aux victimes s'exerce également en cas de classements sans suite, souvent notifiés au plaignant par un magistrat du parquet ou une association d'aide aux victimes éventuellement assistée d'un psychologue. S'agissant de la question de la prescription des infractions sexuelles, un régime dérogatoire favorable aux victimes a été introduit par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ainsi, le délai de prescription du crime de viol commis sur un mineur est porté à vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de là victime. De même, la prescription des délits d'atteintes et d'agressions sexuelles est de dix ou vingt années révolues à compter de la majorité de la victime. Il en résulte que, dans les cas les plus graves, les victimes peuvent dénoncer les faits jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de trente-huit ans, ce qui correspond à une période de leur vie où leur maturité et leur évolution leur permettent enfin de dénoncer des faits jusque-là indicibles. À l'heure actuelle, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. Ces crimes constituent les atteintes les plus élevées à l'encontre de l'espèce et de la dignité humaines. Au regard de leur définition même et de leur spécificité, il apparaît inopportun, et non conforme aux accords internationaux, d'y inclure les crimes et délits d'infractions sexuelles commis en dehors de ce contexte. Il importe de maintenir une répression particulière aux crimes contre l'humanité et ainsi de limiter à ces infractions le caractère imprescriptible. Enfin, aligner la fin du délai de prescription au décès du principal suspect revient à rendre l'infraction sexuelle imprescriptible, puisque intervient en tout état de cause au moment du décès de la personne visée l'extinction de l'action publique. En conclusion, le ministère de la justice et des libertés estime que le système juridique actuel tient compte de la spécificité des infractions de nature sexuelle, que ce soit sur le plan de la prescription ou sur celui de la prise en charge des victimes.

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