M. Maxime Gremetz attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le projet de loi d'orientation pour la sécurité. En effet, parmi les principales mesures qui ont été présentées jusque-là, une d'entre elles mérite que des précisions soient apportées afin de rassurer nos concitoyens quant au respect des libertés publiques et de leur droit à la vie privée. Cette mesure concerne la création d'une carte d'identité biométrique pour tous. En effet, recueillir l'image numérisée du visage et les empreintes digitales du demandeur, afin d'alimenter un fichier informatique national chargé de conserver les photos et les empreintes de tous les citoyens n'est pas anodin. En France, cet enregistrement biométrique est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Or il apparaît que la CNIL privilégie le stockage des données sur un rapport individualisé, la carte nationale d'identité ou le passeport eux-mêmes, et non sur une base de données centralisée qui comporte pour elle "des risques sérieux d'atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles". Dès lors, on peut légitimement s'interroger de la pertinence de ce fichage généralisé et systématique des citoyens, qui est effectué en dehors de toute infraction pénale, pour obtenir un simple document administratif national, d'autant qu'il convient de préciser que dans un arrêt "S. et Marper c. Royaume-uni" du 4 décembre 2008 de la Cour européenne des droits de l'Homme (requêtes n° 30562-04 et n° 30566-04), la grande chambre de la Cour a conclu, à l'unanimité, à la violation de l'article 8 de la convention, concernant la conservation permanente et illimitée dans le temps d'empreintes digitales, d'échantillons cellulaires et de profils ADN. La Cour a également estimé que "le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes non condamnées ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, et que l'État défendeur a outrepassé toute marge d'appréciation acceptable en la matière. La conservation en cause s'analyse en une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique", en rappelant que, dans ce contexte, il est essentiel de fixer des règles claires et détaillées régissant la portée et l'application des mesures et imposant un minimum d'exigences. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend assouplir les textes réglementaires concernant les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité des citoyens français et s'il entend présenter au législateur un projet de texte conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le projet de création de la carte d'identité électronique est encore à l'étude et ne fait donc pas l'objet de dispositions dans le projet de loi d'orientation pour la sécurité intérieure qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 février 2010. S'agissant de la délivrance des passeports biométriques, il est exact qu'une base centralisée de traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « TES » contient des données biométriques, telles que l'image numérisée du visage et celle des empreintes digitales. Cette base de données a été créée par le décret n° 2008-426 du 30 avril 2008 modifiant le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, qui a reçu un avis favorable du Conseil d'État. L'existence de cette base centralisée de données dénommée « Titres électroniques sécurisés » (TES) se justifie par le souci d'améliorer la mise en oeuvre des procédures d'établissement, de délivrance, de renouvellement et de retrait des passeports, d'une part, ainsi que par la nécessité de mettre à la disposition des services et agents spécialement et individuellement habilités à y accéder, des données fiables tendant à faire obstacle à toute tentative de fraude lors d'une demande de renouvellement de passeport, d'autre part. La base « TES » constitue ainsi une réponse mesurée et adaptée à la nécessité de protéger les titulaires de passeport contre les usurpateurs d'identité et les faussaires dont les actes peuvent avoir des conséquences désastreuses pour leurs victimes. Le fonctionnement de cette base de données est entouré de garanties concernant la nature des données collectées, leur conservation, la traçabilité des consultations, ou encore le droit des personnes concernées à l'information et à rectification. L'éventuelle utilisation non autorisée des données, qu'elles soient nominatives ou biométriques, est sanctionnée, dans les conditions prévues au chapitre VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. La base de données TES, constituée exclusivement pour établir des documents d'identité et de voyage, n'est pas comparable à celle qui a fait l'objet de la décision rendue le 4 décembre 2008 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire « S. et Marper c/Royaume », laquelle avait pour objet de conserver, sans limitation de durée, les empreintes digitales et génétiques des personnes ayant fait l'objet d'une enquête relative à la commission d'une infraction pénale. Les données recueillies dans la base de données TES sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités de la base, à savoir la délivrance du passeport, la durée de conservation des données n'excède pas la durée nécessaire à la poursuite de ces finalités et les données sont protégées efficacement contre des usages impropres ou abusifs. Les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont donc pas méconnues.
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