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Jean-Luc Pérat
Question N° 68951 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 19 janvier 2010

M. Jean-Luc Pérat attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les très vives inquiétudes suscitées actuellement par l'annonce du dépôt d'un projet de loi visant à introduire un « contreseing d'avocat » tel que préconisé par le rapport sur les professions du droit remis au Président de la République. Cette mesure, particulièrement controversée avant même que l'équilibre général des préconisations de ce rapport ne soit discuté, apparaît dommageable à plusieurs titres, aux yeux des professionnels qui font part de leurs légitimes préoccupations. Tout d'abord, ce projet aboutirait à leurs yeux à conférer aux avocats un avantage compétitif en leur accordant, seuls et à l'exclusion de tout autre rédacteur d'actes juridiques, la possibilité de contresigner un acte sous seing privé. D'autre part, cette nouvelle faculté aura pour conséquences de complexifier l'environnement du chef d'entreprise, en introduisant une nouvelle catégorie d'acte juridique générant ainsi une confusion dans les esprits sur leur force contraignante ou leur validité. En déniant la capacité de contreseing aux rédacteurs habituels d'actes intervenant auprès des TPE et PME, cette évolution de la législation entraînerait l'intervention d'un professionnel supplémentaire, sans véritable valeur ajoutée pour le client. Ainsi, si le contreseing symbolise l'attestation de la régularité de l'acte rédigé ou du respect d'un devoir de conseil entourant l'échange des consentements des parties, il apparaîtrait légitime que tout professionnel habilité à rédiger des actes juridiques puisse affirmer, de la sorte, sa responsabilité professionnelle. Par ailleurs, l'ouverture prochaine de nos frontières, à tous les professionnels européens du conseil, constitue un élément majeur à prendre en compte avant d'envisager une modification des rôles respectifs des différentes professions qui oeuvrent à ce jour auprès des chefs d'entreprises. Par conséquent, si chacun reconnaît aujourd'hui la nécessité de voir évoluer l'articulation actuelle, il la remercie de bien vouloir lui préciser quelles mesures elle entend prendre pour répondre aux inquiétudes que suscite un tel projet, discriminatoire envers nombre de professionnels des métiers du droit.

Réponse émise le 25 mai 2010

L'acte contresigné est issu des travaux de la commission présidée par Me Darrois, qui a remis son rapport au Président de la République le 8 avril 2009. Cette commission a proposé que le contreseing de l'avocat confère une efficacité juridique renforcée à l'acte sous seing privé qui en est l'objet. En particulier, l'acte fera pleine foi de la signature et de l'écriture des parties. Par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, le législateur a estimé qu'il convenait que l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé soit exercée sous le statut d'avocat, compte tenu des exigences de ce dernier tant en termes d'expérience et de déontologie que de responsabilité. L'avocat, en tant que professionnel du droit pratiquant une activité contentieuse, est, en outre, le mieux placé pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution d'un acte, ce qui lui confère une expérience et une compétence particulières. À l'inverse, il résulte de l'article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable et de l'article 59 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que les experts-comptables peuvent seulement, et sous-certaines conditions, donner des consultations et effectuer des études et des travaux d'ordre juridique, lesquels doivent conserver un caractère accessoire. Les seuls actes sous seing privé qu'ils sont autorisés à rédiger sont ceux qui constituent l'accessoire direct de la prestation comptable fournie. Les nouvelles dispositions relatives au contreseing ont vocation à s'appliquer aux actes les plus complexes, pour lesquels l'intervention du spécialiste du droit qu'est l'avocat s'avère nécessaire. Elles n'imposeront aucunement aux entreprises de faire appel à un avocat et ne feront en rien obstacle à la possibilité pour les experts-comptables d'effectuer des travaux d'ordre juridique au profit des entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où ces travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés. Les entreprises pourront ainsi bénéficier de l'expertise de chacune des professions du chiffre et du droit en fonction de leurs besoins. S'agissant de l'interprofessionnalité capitalistique, la possibilité de constitution de sociétés de participations financières communes qui sera ouverte à plusieurs professions du droit représente une étape importante pour habituer ces professions à travailler ensemble, au profit des particuliers et des entreprises. L'idée d'ouvrir une même possibilité entre professionnels du droit et professionnels du chiffre mérite une concertation approfondie entre les différentes professions concernées. Elle suppose également de prendre en considération ses différentes implications, notamment en ce qui concerne l'exercice en qualité de commissaire aux comptes. C'est pourquoi un groupe de travail spécifiquement consacré à cette question, qui réunit les expert-comptables avec les professions du droit, a été mis en place le 17 mars 2010. D'ores et déjà, les débats ont permis de faire émerger un consensus général en faveur de l'engagement d'une réflexion sur l'ouverture de l'interprofessionnalité capitalistique à la profession d'expert-comptable par le biais des sociétés de participation financière des professions libérales, ce qui répond aux attentes de cette profession.

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