Mme Danielle Bousquet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les portraits des chefs de l'État apposés dans les mairies. En effet, une coutume républicaine, généralement bien respectée par les maires, consiste à accrocher le portrait du Président de la République dans les mairies. Certaines mairies affichent également les anciens présidents de la République. Mais le maire d'une commune a placé dans la salle des cérémonies de sa mairie un portrait de Philippe Pétain aux côtés du général de Gaulle et d'autres présidents de la République française ou présidents de conseil, en semblant omettre les condamnations et les pertes de tous titres qui ont frappé Philippe Pétain. Cet acte pourrait passer pour une atteinte au respect de la mémoire des victimes et de leurs familles qui ont eu à souffrir de décisions politiques prises par Philippe Pétain sous le régime de Vichy. Elle lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions le Gouvernement entend prendre, afin de mettre fin à ce qui est manifestement un trouble à l'ordre public qui nuit à la République.
L'apposition dans les mairies du portrait des chefs d'Etat n'est prévue par aucun texte législatif ou réglementaire. Il s'agit d'un usage qui relève de la tradition républicaine. Cette pratique témoigne du respect qu'appellent les hautes fonctions exercées par le chef de l'Etat. Quelques communes ont conservé les portraits officiels des anciens Présidents de la République et les exposent. L'une d'elles y avait ajouté le portrait du maréchal Pétain. Or, celui-ci a cessé d'être chef de l'Etat au moment du rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire national par l'ordonnance du 9 août 1944 et la Haute cour de justice l'a,par son arrêt du 15 août 1945, condamné à mort pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison et l'a frappé d'indignité nationale, ce qui entraîne la perte de la qualité de chef d'Etat. Afficher son portrait parmi les Présidents de la République n'est donc pas conforme à la tradition républicaine.Sur déféré préfectoral, le tribunal administratif de Caen s'est prononcé sur l'apposition du portrait du maréchal Pétain dans la salle des délibérations du conseil municipal d'une mairie (TA Caen, 26 octobre 2010, préfet du Calvados contre commune de Gonneville-sur-mer, n° 1000282). Il a jugé que le refus de la commune de déférer à la demande du préfet de décrocher ce portrait constituait une atteinte au principe de neutralité du service public. Ce principe a été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 septembre 1986, Liberté de communication (n° 86-217 DC) qui mentionne,parmi les principes fondamentaux du service public, le principe d'égalité et son corollaire, le principe de neutralité du service. Il s'oppose, par exemple, à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques (CE, 27 juillet 2005,commune de Sainte-Anne, n° 259806).Si des mairies exposent encore le portrait du maréchal Pétain en mairie, il revient donc aux maires de procéder à son retrait et aux préfets de veiller au respect de cette neutralité en appréciant la voie la plus opportune et au besoin,en saisissant le juge administratif.
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