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Jean-Jacques Urvoas
Question N° 68683 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 12 janvier 2010

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'étude consacrée au suicide en prison publiée dans le numéro de décembre 2009 de « Population et sociétés », le bulletin d'information de l'institut national d'études démographiques (INED). Il en ressort, entre autres, que le taux de suicide en milieu carcéral a augmenté dans notre pays de manière exponentielle ces cinquante dernières années, passant de 4 à 19 pour 10 000 détenus entre 1960 et 2008. Il lui demande son sentiment sur cette évolution dramatique, et les raisons qui, à ses yeux, peuvent l'expliquer.

Réponse émise le 20 avril 2010

Les suicides des personnes détenues constituent une des préoccupations majeures du ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. L'étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) a été sollicitée par la direction de l'administration pénitentiaire, le ministre d'État souhaitant mieux connaître le phénomène du suicide en détention afin de mieux le combattre. L'article paru dans la revue « Population et sociétés » en décembre dernier, constitue un premier bilan. Des résultats plus complets seront publiés à la fin de l'année 2010 par l'INED. Le ministre d'État, très attaché à la transparence en la matière, favorise ce travail en mettant à disposition des chercheurs, toutes les données nécessaires. Concernant l'augmentation du taux de suicide en milieu carcéral sur les cinquante dernières années, il convient de rappeler que la population carcérale, mais aussi le tissu social, ont considérablement évolué : plus de violences (majorité de personnes incarcérées aujourd'hui pour des faits de violences), moins d'atteinte aux biens, plus de personnes fragilisées (sur le plan social, familial, psychologique). En outre, la population carcérale cumule tous les facteurs objectifs de risque de passage à l'acte suicidaire identifiés par l'ensemble des études : population masculine, troubles de la personnalité et pathologies psychiatriques, conduites additives, conditions dégradées de vie (antécédents de violence, isolement affectif et familial), absence d'insertion professionnelle. Par conséquent, la lutte en est rendue plus complexe et doit nécessairement mobiliser l'ensemble de la société, au-delà des personnels pénitentiaires. Par ailleurs, l'étude de l'INED met en exergue deux enseignements. Le premier est que si le taux de suicide en détention (nombre de suicides rapporté à 10 000 personnes) en France est l'un des plus importants d'Europe, ce constat doit toutefois être corrigé en prenant en considération plusieurs facteurs : la définition d'un suicide en milieu carcéral n'est pas la même pour l'ensemble des pays européens (pour l'année 2005 par exemple, seuls cinq pays présentaient une définition similaire, c'est-à-dire large, à celle de la France) ; le taux de suicide dépend bien évidemment du nombre de suicides constatés, mais aussi de la base à laquelle ce chiffre est rapporté (ainsi, le taux serait différent et moins défavorable pour la France si le nombre de suicides était rapporté au nombre de séjours en détention effectués au cours d'une année et non au nombre moyen de détenus) ; la prison n'est pas une institution « hors sol » ; elle s'inscrit dans un contexte et une culture spécifiques à chaque pays. La population française se suicide notamment plus que les populations européennes voisines ; dès lors, la sursuicidité carcérale en France est plus faible que celle constatée en Italie, au Portugal ou au Royaume-Uni, pays connaissant un taux de suicide en population générale plutôt bas ; enfin, pour être encore plus pertinente, la comparaison devrait s'effectuer à partir de populations présentant les mêmes caractéristiques sociales, familiales et médicales. Le second enseignement de l'étude de l'INED est que si le taux de suicides en milieu carcéral a fortement augmenté depuis 1960, le pic est atteint à la fin des années 90 (avec un taux de 24,4/10 000 en 1996), mais une baisse est notable et doit être soulignée depuis une dizaine d'années. Cette baisse est due à une mobilisation résolue de l'administration pénitentiaire qui mène une véritable politique de prévention des suicides à destination des personnes incarcérées depuis 1998. L'administration pénitentiaire a surtout renforcé considérablement son action depuis 2002, date de la première circulaire interministérielle et 2004, à la suite du rapport du professeur Terra, missionné par le garde des sceaux et le ministre chargé de la santé. Les efforts réalisés, notamment en matière de formation, ont permis à l'administration pénitentiaire de connaître en 2006, 2007, 2008 et 2009 ses quatre meilleures années en termes de taux de suicide depuis 1991, même si l'année 2008 marque le retour à la hausse après deux années précédentes de baisses successives avec un nombre de suicides inférieurs à 100. Le 18 août 2009, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a clairement affirmé sa volonté d'action afin de ne pas relâcher les efforts et poursuivre la lutte contre ce fléau, avec une mise en oeuvre immédiate et renforcée des 20 recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention des suicides en milieu carcéral rendu en avril 2009.

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