M. Bernard Depierre appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution du 10 décembre 2009. Cette loi ouvre aux justiciables un droit nouveau puisque désormais le Conseil constitutionnel pourra être saisi, à l'occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité de dispositions législatives promulguées vis-à-vis droits et libertés constitutionnellement garantis. Avec la question prioritaire de constitutionnalité, on permet ainsi aux citoyens de se réapproprier la Constitution mais aussi de replacer la loi fondamentale au sommet de l'ordre juridique. Dès qu'une question de constitutionnalité aura été renvoyée par le Conseil d'État ou la Cour de cassation au Conseil constitutionnel s'engagera une procédure contradictoire à l'issue de laquelle le Conseil constitutionnel se prononcera sur la constitutionnalité de la législation en cause. Le Conseil constitutionnel, par la voie de son président, a d'ailleurs insisté sur la nécessité de garantir ce principe du contradictoire. C'est à ce stade que la procédure peut paraître ambiguë puisqu'il n'existe pas de ministère public près du Conseil constitutionnel. Une question se pose alors : qui sont les contradicteurs ? Il souhaiterait savoir s'il ne serait pas opportun d'instaurer un ministère public auprès du Conseil constitutionnel afin de parfaitement garantir le principe du contradictoire lors de cette procédure.
La mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, prévue à l'article 61-1 de la Constitution, marque une avancée considérable en ce qu'elle ouvre un droit nouveau des justiciables à invoquer la méconnaissance par une disposition législative des droits et libertés que la Constitution garantit. La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, en ajoutant un chapitre II bis à l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, précise les conditions d'application de cette nouvelle procédure, notamment devant le Conseil constitutionnel. Aux termes de l'article 23-10 de cette ordonnance, les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. En outre, dès la saisine du Conseil constitutionnel, ce dernier en avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que, s'il y a lieu, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président du congrès et les présidents des assemblées de province, qui peuvent lui adresser leurs observations sur les questions prioritaires de constitutionnalité qui leur sont soumises (art. 23-8 de l'ordonnance). En pratique, le Premier ministre, représenté devant le Conseil constitutionnel par le secrétariat général du Gouvernement, intervient systématiquement dans les instances renvoyées par le Conseil d'État ou par la Cour de cassation afin de faire connaître le point de vue du Gouvernement. Le règlement intérieur du Conseil constitutionnel, en date du 4 février 2010, sur la procédure suivie devant lui pour les questions prioritaires de constitutionnalité, précise les modalités suivant lesquelles le principe du contradictoire est mis en oeuvre. Il organise, à l'article 1er, une procédure écrite, par laquelle les parties et les autorités mentionnées à l'article 23-8 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 peuvent présenter des observations avant une date fixée par le Conseil constitutionnel ; les observations produites en temps utile sont communiquées à toutes les parties et autorités en cause, qui peuvent y répondre avant une nouvelle date fixée par le Conseil constitutionnel. En outre, l'article 6 précise que, si le Conseil constitutionnel décide de recourir à une audition, les parties et autorités précitées peuvent y assister puis présenter des observations en réponse dans le délai qui leur est imparti. Enfin, l'article 10 prévoit que, lors de l'audience et à l'instar des avocats représentant les parties, les agents désignés par ces autorités peuvent faire valoir leurs observations orales. Dans ces conditions, outre que le caractère contradictoire de la procédure est assuré, la création d'un ministère public auprès du Conseil constitutionnel, dont la mission serait d'assurer la défense de la loi lors de l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité, ne paraît pas nécessaire. Ce rôle incombe au secrétariat général du Gouvernement, auquel il revient, comme dans le cadre du contrôle a priori prévu par l'article 61 de la Constitution, de préparer les observations du Gouvernement au soutien de la loi.
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