M. Raymond Durand attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur le principe de précaution, quatre années après sa constitutionnalisation. En effet, la conclusion de la synthèse d'une audition publique organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur le principe de précaution note que, si le principe de précaution répond à une demande, il n'en demeure pas moins que les bénéfices à attendre du progrès ne doivent pas être réfrénés. Le principe de précaution ne doit pas s'opposer au devoir d'innovation. Force est de constater l'influence décisive du juge sur la portée réelle du principe de précaution. Si les responsabilités en matière d'application du principe de précaution ont été clarifiées, les juges ont estimé qu'il revenait à l'État, qui dispose des pouvoirs de police spéciale, et non aux maires qui ont des pouvoirs de police générale, de prendre des mesures invoquant le principe de précaution (utilisation de pesticides, OGM, antennes-relais...). Alors que le législateur a souhaité limiter le champ d'application du principe de précaution à l'environnement, le juge ne l'a que peu utilisé dans ce domaine mais s'en est saisi dans les secteurs de l'urbanisme et de la santé entraînant ainsi une confusion entre la prévention et la précaution mais aussi entre le risque potentiel et le risque avéré. Pour mieux organiser la mise en oeuvre du principe de précaution, plusieurs pistes ont été avancées lors de l'audition menée par l'OPECST, notamment dans l'utilisation du principe de précaution. Alors que nos concitoyens sont de plus en plus sensibles aux risques environnementaux et sanitaires, la confusion actuelle trouble totalement la capacité d'analyse de la population et des élus locaux. Il souhaiterait donc savoir quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour encadrer le principe de précaution depuis la mise en place de l'instruction jusqu'à la prise de décision.
Le principe de précaution s'inscrit dans un cadre juridique précis, fondé dès l'origine sur le souci de séparer la démarche de précaution de l'action préventive et d'éviter d'instituer un frein pour la recherche scientifique. Le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur ce sujet, publié en 2009, a en effet constaté des difficultés d'application du principe de précaution à la suite de son adossement à la Constitution en 2005. En de nombreuses circonstances récentes, le principe de précaution a, par ailleurs, été improprement évoqué entraînant une confusion entre risques avérés et risques potentiels et donc entre prévention et précaution. Le secrétariat d'État chargé de l'écologie a rendu public, le 21 juin 2010, l'avis du comité de la prévention et de la précaution (CPP), instance d'expertise indépendante placée auprès du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, portant sur « La décision publique face à l'incertitude : clarifier les règles, améliorer les outils ». Cet avis insiste sur la nécessité de distinguer, d'une part, le régime de prévention, où une évaluation du risque est possible en présence d'un danger clairement identifié, et, d'autre part, le régime de précaution qui correspond à des situations où de fortes incertitudes sur les dangers ou leurs conséquences ne permettent pas à la décision publique de s'appuyer sur une évaluation définitive du risque. De son côté, au printemps 2010, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale (CEC) a préparé un rapport d'étape sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 5 de la charte de l'environnement relatif au principe de précaution suivi d'un débat en séance publique avec le Gouvernement, le 22 juin 2010. Dans son rapport définitif, le CEC estime que la mise en oeuvre du principe de précaution n'a pas constitué un obstacle au progrès et aux investissements et ne s'est pas traduite par un ralentissement des activités de recherche dans notre pays. Cependant, il souligne des questions ouvertes sur les conditions de sa mise en oeuvre. Tous ces travaux convergent donc pour réaffirmer que le doute étant un élément indissociable de toute démarche scientifique, le principe de précaution, qui est lié à l'incertitude, ne s'oppose pas au progrès de la connaissance ou à l'innovation. Les décisions prises en application de ce principe doivent cependant être adaptables et réversibles et s'inscrire dans une dynamique indissolublement liée à l'évolution des savoirs. L'impératif d'innovation ne saurait donc être menacé par une mise en oeuvre appropriée du principe de précaution, à laquelle le Gouvernement est particulièrement attaché. Les principales recommandations du rapport du CEC, rendu public le 8 juillet 2010, ont été transmises aux ministres concernés. Le Gouvernement ne manquera pas, dans les mois à venir, de rendre compte des suites qu'il compte donner aux recommandations des députés, à la lumière de l'importante réflexion menée parallèlement par les experts du CPP, afin d'envisager, si nécessaire, en liaison avec le Parlement, les moyens d'affiner, de préciser et d'encadrer les conditions de cette mise en oeuvre.
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