Mme Colette Le Moal appelle l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la question du prix des aliments peu transformés. Une enquête nationale déconcentrée d'une association de consommateurs vient de mettre en cause une nouvelle fois les marges réalisées par les intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Cette enquête portait spécifiquement sur les prix d'aliments peu transformés et entrant dans des circuits assez courts, et dont la matière première agricole constitue une part prépondérante : les côtes de porc et les escalopes de poulet conditionnées par deux, et sur le lait demi-écrémé. Alors qu'en septembre, les prix de la volaille, du porc et du lait étaient respectivement de 2,11 €, 1,34 € et 0,29 €, les prix moyens en rayon de l'escalope de poulet, de la côte de porc et de la brique de lait dans la zone de Versailles étaient de 12,08 €, 6,84 € et 0,75 €. Il s'agit de différentiels importants qu'un défaut de transparence et de données publiques semble empêcher d'expliquer. Les prix à la consommation suivent et amplifient manifestement l'évolution des prix agricoles dans leurs envolées plus que dans leurs baisses. Alors que des marges excessives semblent être pratiquées par les industriels et distributeurs, elle souhaite attirer son attention sur l'opportunité d'une l'extension du dispositif de coefficient multiplicateur en vigueur pour les fruits et légumes à d'autres produits bruts ou peu transformés. En effet, l'article 23 de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux a créé ce coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables. Par conséquent, dans cette filière, le prix au détail ne peut dépasser un montant calculé par un coefficient multiplicateur appliqué au tarif agricole. Quand les prix agricoles sont inférieurs de plus de 10 % à 256 % par rapport aux dernières années, une alerte est lancée. Si les producteurs et la grande distribution ne se mettent pas d'accord sur des prix, ce système peut être imposé. Le prix de vente maximal auquel un produit peut être légalement commercialisé est alors calculé en multipliant le prix agricole par ce coefficient multiplicateur. Par ailleurs, un observatoire de marges a été mis en place en 2008, qui doit effectivement jouer le rôle de la transparence dans le domaine. Ce dispositif récent doit être soutenu. Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour élargir le champ de la lutte contre les marges excessives, et notamment sa position sur l'extension du coefficient multiplicateur aux produits alimentaires peu transformés.
La question de l'impact des prix agricoles dans la formation des prix alimentaires est sensible et complexe. Cette question, si elle revient à l'actualité avec la crise économique et la volatilité des prix des matières premières agricoles, a toujours fait l'objet d'études et de suivis réguliers par les experts et les pouvoirs publics. Les efforts spectaculaires de productivité tant de l'agriculture que de l'industrie ont permis une baisse importante des prix agricoles et alimentaires depuis des décennies. D'une manière générale, les produits alimentaires consommés sont de plus en plus transformés, avec une valeur ajoutée croissante. Cette tendance de fond, qui consiste pour l'industrie alimentaire à créer toujours plus de valeur, se traduit par un impact généralement plus faible du prix de la matière première agricole dans celui du produit consommé. Toutefois, le poids des produits agricoles est encore très significatif dans l'ensemble des filières des produits frais, et certaines variations de prix méritent des explications. Les filières alimentaires sont nombreuses et diversifiées : elles font intervenir plusieurs intermédiaires et possèdent chacune leurs spécificités. Dès lors, l'étude des mécanismes de formation des prix au sein de la chaîne alimentaire ne fait de sens qu'à travers une approche différenciée. C'est pourquoi l'Observatoire des prix et des marges, qui a pour mission d'établir une plus grande transparence dans la formation des prix, a été doté en novembre 2008 d'un comité de pilotage spécifique pour les produits alimentaires. Ce comité de pilotage a pour mission la mise en place d'outils opérationnels de suivi des prix et des marges sur l'ensemble des maillons des filières alimentaires, grâce à une meilleure coordination des données existantes. Ces méthodes d'analyse permettent de comparer valablement les prix constatés à chaque stade des filières étudiées. Les travaux de l'Observatoire ont été publiés tout au long de l'année 2009 sur la viande de porc, les produits laitiers et les fruits et légumes frais. Accessibles à tous sur Internet, ils sont régulièrement mis à jour. Chacun peut constater que les courbes d'évolution des prix à chaque stade de la filière considérée suivent, avec certains écarts et retards, à la hausse comme à la baisse, les variations des prix des matières premières agricoles, pour autant que le coût de cette matière première ait un poids significatif dans le prix du produit final. Par ailleurs, il convient de rappeler que les marges observées sont des marges brutes. L'observatoire publie en outre une ventilation de ces marges brutes selon les charges supportées par les entreprises. Il est proposé de renforcer l'action de l'Observatoire des prix et des marges dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui sera discuté en 2010 au Parlement. Enfin, l'article L. 611-4-2 du code rural introduit, en périodes de crise conjoncturelle, la possibilité d'instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables, par la limitation du rapport entre le prix d'achat et le prix de vente. Ce mécanisme ne garantit pas le relèvement mécanique des prix à la production, mais peut conduire à une meilleure répercussion de la baisse des prix à la production auprès du consommateur final et favoriser ainsi l'écoulement des marchandises et la régulation des marchés. L'extension du coefficient multiplicateur à l'ensemble des produits agricoles n'a pas été prévue jusqu'à ce jour par la loi.
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