M. Armand Jung attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le projet de réforme des missions, des conditions d'exercice et des objectifs de la médecine du travail. Les médecins du travail craignent que ce projet ne fasse disparaître les acquis médicaux, scientifiques et sociaux concernant les liens entre la santé et le travail. Leurs inquiétudes reposent sur le contenu des propositions formulées par le Medef lors de la négociation qui s'est déroulée de janvier à septembre 2009. L'intention du Gouvernement d'imposer par la loi des textes unanimement rejetés par l'ensemble des organisations syndicales confirme leurs craintes. Il lui rappelle qu'actuellement, l'article L. 4622-2 du code du travail confie aux médecins du travail la mise en oeuvre de la prévention médicale des risques professionnels. Les employeurs ont l'obligation de rendre possible cet exercice médical, au bénéfice de tous les salariés, dans des conditions respectant les règles déontologiques et selon les besoins de la prévention, dans le but exclusif d'éviter l'altération de la santé des salariés du fait de leur travail. Le code du travail prévoit le financement intégral de la médecine du travail par les employeurs et l'organisation de son accès pour tous les salariés. Un contrôle des Services de santé au travail (SST), par les représentants des salariés, est explicitement prévu. Le projet de réforme, qui prévoit de transférer aux directeurs des SST (c'est-à-dire aux employeurs), les responsabilités légales actuellement dévolues aux seuls médecins du travail, inquiète profondément les médecins du travail. Il serait déraisonnable que les salariés doivent s'en remettre à leurs employeurs pour la préservation de leur santé au travail. La démédicalisation de la prévention médicale des risques professionnels est également envisagée. Sous prétexte de la pénurie organisée de médecins du travail, ce serait une nouvelle augmentation de l'espacement entre deux visites périodiques bien au-delà des deux ans actuels et la délégation des tâches médicales à des infirmières. Cette délégation de compétences impliquerait une innovation en matière de responsabilité médicale et des modifications médicolégales importantes. Elle aurait pour conséquence la suppression, de fait, de l'aptitude médicale au poste de travail, condition de la validité du contrat de travail, et de la responsabilité des employeurs en matière de protection vis-à-vis des risques professionnels. C'en serait fini de la possibilité légale de modifier un contrat de travail, sur proposition du médecin du travail, afin de préserver l'emploi, en rendant les postes compatibles avec l'état de santé des salariés concernés. La réforme de 2004 permettant le passage d'une visite annuelle à une visite tous les deux ans a déjà dégradé les conditions de l'exercice et de la prévention médicale : les médecins du travail connaissent moins bien les salariés, leurs problèmes de santé et leurs conditions de travail. L'actualité nous rappelle quotidiennement l'importance d'un suivi médico-professionnel individuel, et confirme le bien-fondé des principes d'une loi issue du programme du Conseil national de la résistance, votée à l'unanimité le 11 octobre 1946. Une médecine du travail praticienne, de terrain, pour tous les salariés avec des moyens correspondant aux besoins, doit être maintenue et renforcée. Il lui demande comment elle peut justifier la disparition programmée d'une telle spécialité.
Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question de la réforme de la médecine du travail. Les perspectives d'évolution démographiques des médecins du travail sont préoccupantes et imposent de poursuivre une réforme de la médecine du travail. Au-delà des difficultés liées à la pénurie démographique, la réforme doit aussi intégrer les mutations importantes qu'a connues le tissu économique. Certaines activités ont en effet disparu, d'autres se sont développées ou ont évolué avec l'externalisation d'une partie de leur activité ; les formes d'emploi se sont transformées avec l'apparition massive de contrat à durée déterminée ou d'intérim et les attentes et besoins, tant des salariés que des employeurs, se sont également diversifiés. À partir d'un document d'orientation transmis aux partenaires sociaux le 25 juillet 2008, ces derniers ont été réunis au cours de sept séances de négociation au terme desquelles aucun accord n'a toutefois pu être trouvé. Néanmoins, sur la base de ces réflexions le ministre du travail a présenté aux partenaires sociaux, le 4 décembre 2009, les grandes orientations de la réforme envisagée. Parmi ces orientations, les pistes suivantes ont été évoquées : la mise en place d'équipes pluridisciplinaires de santé au travail constituées autour du ou des médecins du travail et comprenant des infirmiers, des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) et les assistants des services de santé au travail. La mise en convergence de compétences et de métiers différents doit en effet permettre une meilleure répartition des actions et une optimisation des temps médical disponible ; la prise en compte des spécificités territoriales avec la mise en place du schéma régional d'organisation de la santé au travail (SROST) ainsi que la possibilité de moduler la fréquence des visites médicales du travail par le biais de conventions passées entre les services de santé au travail et l'État, au niveau local ; l'augmentation du nombre des médecins du travail et des professionnels de la santé au travail et une l'amélioration de la formation tout au long de la vie des acteurs de la santé au travail. Dans ce cadre, M. Christian Dellacherie, le professeur Paul Frimat et le docteur Gilles Leclerc, chargés d'analyser et de formuler des propositions sur les évolutions nécessaires en la matière ont présenté, lors de la réunion du conseil d'orientation du 11 mai 2010, leur rapport. Ces propositions ont été mises en ligne sur le site « www.travailler-mieux.gouv.fr ».
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