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Patrice Martin-Lalande
Question N° 66235 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 8 décembre 2009

M. Patrice Martin-Lalande attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le problème du délai mis par la justice pour traiter les recours systématiquement déposés par les opposants à certains projets publics de développement économique et de création d'emplois, comme on le vit en Loir-et-Cher dans trois situations de recours multiples. D'abord, la création du village de vacances de Dhuizon : 35 emplois sont menacés et la construction d'une piscine pour les besoins de la population et des touristes est remise en cause, les délais de recours ayant fait perdre les subventions de l'État dans le cadre du pôle d'excellence rurale. Bien qu'ayant été déboutés par le tribunal administratif d'Orléans sur les 32 points de contestation de la décision, les requérants font appel auprès de la cour administrative d'appel de Nantes ! Ensuite, la création à Romorantin-Lanthenay du « Carré des marques » : 300 emplois dans un premier temps, et 600 à terme, sont remis en cause ; la ville et la communauté de communes ont dépensé 7 millions d'euros pour les 30 hectares réservés à la sortie d'autoroute A 85. Enfin, la création de la plateforme logistique de Salbris sur l'ancien site GIAT : 600 emplois sont menacés et 25 millions d'euros ont été dépensés (dont une partie vient de l'État pour la dépollution historique du site). Se présente une série de quatre questions sur la manière de mieux concilier le légitime droit de chacun à contester à tous les niveaux de juridiction une décision publique et la nécessité de pouvoir mener à bien des projets d'intérêt général dans un délai compatible avec le temps économique. Premièrement, comment assurer un meilleur fonctionnement de la justice en raccourcissant les délais de traitement des recours, au moins pour certains types de projets ? Deuxièmement, comment sanctionner de manière plus dissuasive les recours abusifs qui peuvent bloquer, au nom d'intérêts particuliers, la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt général ? Troisièmement, en cas d'échec du projet en raison des délais de décision de justice, comment obtenir, de la part des requérants abusifs ou de la part de l'État, une juste réparation du préjudice subi par la collectivité du fait des frais engagés, des pertes de subventions et du manque à gagner en termes d'activité, d'emplois et de recettes ? Enfin, quatrièmement, le bassin de Romorantin-Lanthenay a déjà été si lourdement frappé en 2003 par la disparition brutale des 2 200 emplois de Matra-Auto que le Gouvernement avait décidé, sur sa demande, de mettre en oeuvre un des premiers « contrats de site » ; face au risque de perdre jusqu'à plus de 1 200 emplois programmés, il lui demande comment l'État compte agir pour éviter ou compenser cette nouvelle épreuve.

Réponse émise le 16 février 2010

Les contentieux auxquels fait référence l'honorable parlementaire relèvent de la compétence du juge administratif. Des éléments de réponse sont contenus dans le rapport public 2009 du Conseil d'État portant bilan d'activité du Conseil d'État et de la juridiction administrative en 2008. Dans ce rapport, le Conseil d'État souligne, malgré une nouvelle augmentation (bien que plus modérée qu'au cours des dernières années) du nombre d'affaires nouvelles enregistrées (+ 3,70 % devant les tribunaux administratifs et + 4,70 % devant les cours administratives d'appel), les efforts accomplis par toutes les juridictions administratives pour réduire les stocks de dossiers en attente d'être jugés et, en même temps, réduire les délais de jugement. Ils ont permis d'atteindre ces objectifs devant les tribunaux administratifs (réduction du stock global de 3,82 % ; réduction du délai moyen de jugement qui passe de 14 mois et 4 jours en 2007 à 12 mois et 29 jours en 2008). Devant les cours administratives d'appel, le stock a certes progressé de 2,72 %. En revanche, l'objectif lié à la réduction des délais de jugement a été également atteint avec une réduction de 15 jours, faisant ainsi passer le délai moyen à 12 mois et 21 jours. Devant le Conseil d'État, malgré une augmentation sensible du nombre de recours, le stock a été réduit ainsi que le nombre de dossiers anciens, de l'ordre de quelques dizaines en voie de résorption. Les moyens mois en oeuvre pour assurer un meilleur fonctionnement de la justice et réduire notamment le délai de traitement des dossiers, par notamment l'augmentation du nombre d'affaires jugées à juge unique ou par la mise en place d'un recours préalable obligatoire (objet d'une étude récente de la section du rapport et des études) ne sont toutefois pas transposables à tous types de contentieux, en particulier à ceux plus techniques en droit de l'urbanisme. Néanmoins, le traitement de ces dossiers profite des progrès généraux accomplis, tels que rappelés ci-dessus, dans le fonctionnement des juridictions administratives. C'est ainsi que le délai de traitement moyen constaté, pour les affaires d'urbanisme et d'aménagement, a été ramené d'environ 20 mois en 2002 à 17 mois en 2008. Sauf lorsque le juge administratif est saisi en référé urgence, il est difficile de poser une règle qui inviterait le juge à statuer plus rapidement dans tel domaine du contentieux administratif dès lors que, dans la plupart des cas, son office consiste à juger des affaires qui concernent un intérêt public par définition général et qu'il doit s'attacher en priorité à juger les affaires les plus anciennes. C'est par exemple le cas dans en matière de police administrative, de marchés publics, de santé publique, d'environnement, de responsabilité des personnes publiques. Le code de justice administrative contient déjà des dispositions permettant au juge de sanctionner les recours abusifs par le paiement d'une amende (art. R. 741-12 du code de justice administrative), y compris en référé (CE 23 janvier 2008, n° 308591). Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire du juge administratif, toute demande à cet égard formée par l'administration étant irrecevable (CE, 27 février 1987, n° 38482 ; CE, 20 juin 1990, n° 90021). L'amende actuellement encourue par chaque auteur d'une requête collective est de 3 000 euros (CE, 14 octobre 2009, n° 322164). La responsabilité de l'État ne saurait être engagée si le retard pris - voire l'échec - par un projet de développement en raison des délais de décision de justice, est imputable au caractère abusif du recours formé par un tiers. En revanche, la responsabilité de l'État est susceptible d'être engagée si le retard est imputable à un délai excessif de jugement par le juge administratif, hypothèse toutefois étrangère à la question posée par l'honorable parlementaire (CE, 28 juin 2002, n° 239575 ; CE, 19 octobre 2007, n° 296529 ; CE, Sect., 17 juillet 2009, n° 295653).

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