M. Laurent Hénart attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les préoccupations des membres de l'ACAT-France sur la mise en conformité du droit pénal français avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), ratifiée en 2000. L'ACAT-France s'interroge sur l'application des engagements de la France qui en découlent. Le projet de loi adopté par le Sénat, en juin 2008, tend apparemment à limiter les dispositions du statut. En effet, le Sénat a accepté de donner les compétences aux tribunaux français de juger des crimes commis à l'étranger contre des étrangers, par des étrangers. Mais cette "compétence universelle" est entourée de conditions si restrictives qu'elles la vident de substance. Le texte adopté ne permet de juger les suspects de crimes internationaux que s'ils résident habituellement sur le territoire français. Il introduit aussi une condition de double incrimination ; les crimes ne peuvent être poursuivis en France qu'à condition d'être incriminés par la loi pénale du pays où ils ont été commis. Il confie le monopole des poursuites au ministère public, et violerait ainsi le principe d'égalité des citoyens devant la loi. Enfin, il inverse le principe de complémentarité défini par le statut de la CPI, en subordonnant les poursuites en France à la condition que la Cour ait décliné expressément sa compétence. L'ACAT-France note que si le projet est adopté en l'état, les victimes des crimes internationaux les plus graves risquent de ne pas obtenir justice dans notre pays. Les possibilités de poursuites à l'encontre des auteurs présumés de ces crimes seraient restreintes et feraient de la France une terre d'impunité. Alors que la plupart des membres de l'Union européenne a déjà procédé à une harmonisation de leur législation, la France semble isolée. Dès lors, il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur le sujet.
En adoptant la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale. En effet, cette convention n'impose aux États qui y sont parties ni la création d'incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de ladite cour, ni la reconnaissance d'une compétence juridictionnelle élargie. Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi, adopté à l'unanimité par le Sénat, comportant toutes les dispositions nécessaires pour incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment crimes ou délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies. L'avancée réalisée en ce qui concerne l'instauration d'une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français est indiscutable : aucune disposition du statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis à l'étranger, par des étrangers, à l'encontre des victimes étrangères. La France n'a jamais instauré une telle compétence sans y être expressément engagée par une convention internationale. Néanmoins, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle. Depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l'auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette cour. En outre, en application des dispositions votées par le Sénat, la France pourrait juger elle-même de tels criminels, dès lors qu'ils résideraient habituellement sur le territoire français. La législation française est donc, dès à présent, en parfaite conformité avec les obligations résultant du statut de Rome de la Cour pénale internationale.
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