M. Bernard Carayon attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les sociétés militaires privées. Il appelle son attention sur le recours systématique aux sociétés militaires privées par les Américains et les Britanniques afin de protéger leurs ressortissants et leurs intérêts économique en Irak et en Afghanistan. Alors que la France s'est interdite le recours à de telles sociétés, il lui demande si cette situation déséquilibrée ne pèse pas sur nos intérêts et nos choix politiques.
La France est très attentive à la question du recours aux entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP). Dans notre pays, les missions relevant du pouvoir régalien sont assurées par l'État et ne peuvent pas être déléguées, conformément à l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 et à la jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel. Au plan national, s'il n'y a pas de dispositif juridique spécifique sur les entreprises militaires et de sécurité privées, il existe un ensemble de règles juridiques étoffées qui encadrent strictement leurs activités. Ainsi, le droit des sociétés et le droit du travail imposent que l'objet social d'une société soit licite, que ses activités ne contreviennent pas à l'ordre public et respectent les réglementations concernant la protection des biens et des personnes. La loi n 83-629, du 12 juillet 1983, qui réglemente les activités privées de sécurité a été complétée par la loi n° 2003-239 sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, et la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance. Les législations françaises de contrôle des exportations d'armement et de respect des embargos contribuent aussi à l'encadrement de l'activité des EMSP, en particulier à travers l'examen des contrats de fourniture à des États étrangers, avec une vigilance très stricte sur le respect des embargos des Nations unies et de l'Union européenne. Par ailleurs, la loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 réprime le mercenariat. Cette activité est définie et punie par le code pénal, d'autant plus efficacement que les juridictions pénales françaises sont compétentes aussi bien pour les crimes et délits commis sur le territoire français, que pour les crimes et délits commis par un Français à l'étranger, ou lorsque la victime est un ressortissant français. Au plan international, la France a ratifié les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977. Le projet de loi portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale transpose, en droit interne, les incriminations de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de crimes de génocide. La responsabilité pénale individuelle des membres des entreprises militaires et de sécurité privées qui auraient violé le droit international humanitaire pourrait donc être engagée devant les juridictions françaises. La responsabilité des entreprises militaires et de sécurité privées pourrait, elle aussi, être engagée au même titre que toute autre entreprise en vertu du droit français, la législation française allant d'ailleurs au-delà des prescriptions du statut de la Cour pénale internationale. Ces entreprises pourraient ainsi être reconnues civilement responsables des faits commis, en leur nom, par leur employé, et leur dissolution pourrait être prononcée en cas de violation du droit applicable. La législation française n'interdit donc pas le recours aux services d'« entreprises militaires et de sécurité privées », par des sociétés ou des ressortissants français, sous réserve que ces services portent sur des activités licites et ne contreviennent pas au dispositif juridique strict prévu en France. Sans s'interdire de façon systématique le recours à ces entreprises, notre pays, comme d'autres États, a cependant jusqu'à présent fait le choix de privilégier l'utilisation de ses propres moyens, y compris dans les domaines non régaliens. Par ailleurs, il faut rappeler que la France a soutenu l'initiative du gouvernement suisse et du Comité international de la Croix Rouge, dite de Montreux, sur les entreprises militaires et de sécurité privées. En septembre 2008, 17 États, dont la France et les États-Unis, ont signé la Déclaration de Montreux, qui reprend le droit existant tel qu'il s'applique aujourd'hui aux activités des EMSP, et recommande aux États des « bonnes pratiques » concernant les activités de ces entreprises en zone de conflit. Cette déclaration propose un document de base pour le développement de futures réglementations nationales. Elle précise également que les États doivent s'assurer que les sociétés militaires privées, avec lesquelles ils contractent, respectent les règles du droit international humanitaire et des droits de l'Homme, et qu'il leur appartient d'adopter les mesures nécessaires afin de prévenir ou de punir toute violation de ces règles. Les États signataires s'engagent également à prendre des mesures afin que les employés de ces compagnies connaissent les règles du droit international applicables lors de conflits armés.
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