Le financement de la décentralisation est un sujet important qui inquiète les élus. Chacun reconnaît que le principe de compensation intégrale lié aux transferts de compétence est très délicat à mettre en oeuvre. C'est pourquoi M. Jean-Pierre Giran demande à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État de bien vouloir lui indiquer ce qu'il pense des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son dernier rapport public thématique consacré à la conduite par l'État de la décentralisation.
Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique, consacré à la conduite par l'État de la décentralisation, publié en octobre 2009. Ce rapport est construit autour de quatre thèmes : le financement de la décentralisation ; les transferts de compétence ; les transferts de personnels ; la réorganisation de l'État consécutive à la décentralisation. Au travers de huit recommandations, la Cour cible le financement de la décentralisation et prône à son égard une démarche de simplification, de stabilisation et davantage péréquatrice. Par ailleurs, elle invite l'État, s'agissant du pilotage de la décentralisation, à s'inscrire dans une vision prospective. Ces recommandations appellent principalement les observations ci-après : À titre liminaire, l'article 72-2 de la Constitution pose les principes fondateurs de l'autonomie financière des collectivités locales et oblige ainsi l'État à compenser à l'euro près les compétences qu'il transfère. Dans ce cadre, l'ensemble des transferts de compétences aux collectivités a été compensé sur la base de la dépense que supportait l'État au préalable. Chaque compensation a en outre été validée par la commission consultative sur l'évaluation des charges, placée auprès du comité des finances locales. Le Gouvernement est même allé au-delà de ses obligations légales en acceptant, par exemple, de déroger à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. En effet, il a déterminé, dans plusieurs cas, et au profit des collectivités locales, le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées, non pas sur la base de la moyenne des dépenses de l'État constatées sur les trois années précédant le transfert, conformément à l'article 119 de la loi précitée, mais en se référant à la dernière année précédant le transfert (notamment dans les domaines des formations sociale et sanitaire). Dans son rapport, la Cour s'interroge tout d'abord sur le recours à des impôts nationaux fractionnés pour financer les transferts. Sur ce point, les transferts de compétence ont principalement été financés, conformément à l'objectif d'autonomie financière, par des transferts de recettes fiscales. La compensation sous la forme du produit d'un impôt partagé respecte cet objectif, dans la mesure où une fois défini le taux par le législateur, l'impôt partagé évolue selon des critères économiques indépendants. Par ailleurs, cette fiscalité fractionnée répond à l'exigence d'attribution de ressources propres pour compenser les charges transférées. En effet, depuis 2006, le Gouvernement a obtenu auprès du Conseil de l'Union européenne une dérogation visant à ouvrir la possibilité pour les régions de moduler le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP). En outre, la réforme de la taxe professionnelle devrait renforcer le lien entre la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et les départements dans la mesure où la quasi-intégralité de cette recette sera attribuée à ce niveau de collectivité. Enfin, chaque année, le Gouvernement présente précisément les composantes du montant de la fiscalité transférée à chaque région et à chaque département dans une circulaire qui recense les mesures inscrites dans chaque loi de finances. Ensuite, afin de réduire les inégalités face à l'évolution des compétences décentralisées, la Cour préconise l'introduction de la péréquation dans la compensation financière des transferts de compétence. Même si la réduction des inégalités en fonction des richesses est une préoccupation partagée par le Gouvernement, cette proposition n'est pas conforme au principe constitutionnel de neutralité budgétaire qui guide le processus de décentralisation : les transferts de compétence doivent s'accompagner de ressources équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l'État à l'exercice des compétences transférées. Le rapport s'inquiète également de ce que l'État ne s'inscrirait pas, s'agissant du pilotage de la décentralisation, dans une vision prospective et notamment de ce que les transferts de personnels aux collectivités n'emporteraient aucune réduction d'ensemble des effectifs. À cet égard, il convient de rappeler que la révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2007 sous l'impulsion du Président de la République, a permis d'identifier les réformes autorisant une évolution profonde des effectifs de la fonction publique. Par ailleurs, l'ensemble des mesures RGPP adoptées en conseil de modernisation des politiques publiques sous-tendent le budget pluriannuel 2009-2011 adopté dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009. La mise en oeuvre de ce premier budget pluriannuel permet d'inscrire dans la durée les politiques gouvernementales et les décisions de la RGPP. Au total, sur la période 2007 à 2010, le nombre de postes non remplacés sera supérieur à 100 000. Pour réaliser dans de bonnes conditions des suppressions de postes d'une telle ampleur, les ministères sont tenus de passer en revue l'ensemble de leurs missions et la manière dont ils les mettent en oeuvre. Les ministères concernés sont donc incités à tirer toutes les conséquences de la décentralisation, d'autant que la réforme de l'administration territoriale de l'État se traduit par une restructuration et un resserrement de grande ampleur des services déconcentrés de l'État. Le nombre de directions est réduit : de 18 à 8 au niveau régional, et de 13 à 4 ou 5 au niveau départemental. Cette réforme d'envergure se traduira par une plus grande efficience dans la mise en oeuvre des politiques publiques, notamment, par le caractère interministériel des nouvelles directions départementales. Cette réforme permet de réduire le nombre d'interlocuteurs pour les collectivités territoriales, ce qui traduit la volonté de l'État d'adapter son organisation déconcentrée à la décentralisation. En septembre 2009, la RGPP est entrée dans une nouvelle phase, qui doit permettre de poursuivre la démarche engagée en 2007 et, notamment, d'identifier les réformes nécessaires à l'atteinte de l'objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Enfin, les recommandations de la Cour relatives à la nécessité d'une clarification de la répartition des compétences entre échelons territoriaux sont partagées. Conscient de la nécessité de réformer l'organisation territoriale de la France, le Président de la République a confié à l'ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur, le soin de présider un comité pour la réforme des collectivités locales. Les conclusions de ce rapport, remis en mars 2009, forment le point de départ du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales actuellement en débat au Parlement. Ce projet vise ainsi à simplifier et clarifier le paysage institutionnel français ainsi que les compétences des différents niveaux de collectivités, mais également à encadrer la pratique des cofinancements. Ainsi, après la réforme de l'État territorial, engagée dès 2007 dans le cadre de la RGPP, ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales constitue la deuxième étape de la modernisation des structures administratives locales de la France. Le cas échéant, les observations du Gouvernement annexées au rapport de la Cour des comptes, disponible sur le site internet de cette dernière, pourront utilement être consultées.
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