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Michel Pajon
Question N° 64910 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 24 novembre 2009

M. Michel Pajon interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le rapport remis au Sénat par la Cour des comptes sur « les crédits de la présidence française de l'Union européenne ». Outre le montant exorbitant des dépenses engagées dans un contexte de crise économique et de forte contrainte budgétaire, le rapport pointe des écarts fréquents aux règles comptables et au code des marchés publics dans le paiement et le recrutement de prestataires. Le président de la Cour des comptes rapporte des « procédures souvent dérogatoires » et des « accommodements avec les règles de mise en concurrence », à tel point que le ministère se serait trouvé contraint de procéder à la réquisition du comptable public, devant son refus de procéder au paiement de dépenses engagées « de façon irrégulière ». Il s'interroge sur les raisons qui ont conduit le ministère à s'affranchir des règles élémentaires de la comptabilité publique et qui ont, selon le rapport de la Cour des comptes, nui à l'efficacité de la dépense publique. Par conséquent, il lui demande de confirmer la réquisition du comptable par le ministère et de lui exposer les motifs de cette procédure. Il aimerait aussi connaître les mesures qu'il entend prendre pour garantir, à l'avenir, le respect des procédures comptables et assurer une meilleure utilisation des deniers publics.

Réponse émise le 19 janvier 2010

1. Sur le « montant exorbitant des dépenses » : l'honorable parlementaire fait allusion au constat par la Cour des comptes que les « présidences française et allemande ont été les deux présidences les plus coûteuses, en valeur absolue, de ces dernières années. [...] Une nette différence se fait jour entre le budget consacré à la présidence de l'Union par des États de taille petite ou moyenne (Autriche, Finlande, Portugal, Slovénie etc.) et celui engagé par des pays comme la France ou l'Allemagne ». Une présidence française de l'Union européenne (PFUE) est toujours très attendue à Bruxelles et dans les pays membres. Cela tient à la qualité de notre pays de grand État membre fondateur : la Cour écrit d'ailleurs elle-même que « chacun comprendra que la France, comme l'Allemagne, pays fondateurs, exercent des responsabilités d'une importance particulière au sein de l'Union. À ce titre et compte tenu à la fois de leur taille et de leurs poids politique et économique respectifs, il ne paraît pas anormal que cette situation leur impose des charges plus lourdes ». Nos partenaires ont le souvenir de « grandes présidences françaises » telles que celle du premier semestre 1984, lors de laquelle la réforme de la PAC et le rabais britannique avaient été réglés. L'attente que suscitait la présidence française s'inscrivait également dans un contexte où les deux précédentes présidences avaient pu décevoir : celle de 1995 avait coïncidé avec l'élection présidentielle ; celle de 2000, exercée en période de cohabitation, avait abouti au traité de Nice. La dernière PFUE a dû gérer plusieurs crises, qui ont généré un surcroît d'activité : le référendum négatif intervenu le 12 juin 2008 en Irlande sur le traité de Lisbonne, qui a conduit à initier une réflexion sur la relance du processus de ratification ; la crise géorgienne du mois d'août 2008 ; enfin et surtout la crise financière et économique, qui a amené la présidence à multiplier initiatives et rencontres. Ce contexte explique le nombre important de manifestations organisées autour de la présidence française, supérieur de 20 % au nombre de manifestations de la dernière présidence allemande, pour une dépense sensiblement inférieure. Nombre de ces manifestations visaient aussi à sensibiliser les Français aux questions européennes sur l'ensemble du territoire national, à un moment où le caractère jugé trop technocratique de la construction européenne était souvent stigmatisé. En outre, comme l'indique la Cour des comptes elle-même, la PFUE a permis « de prendre la mesure de l'absence d'un véritable centre de conférences internationales. Le manque d'infrastructure permanente expose dorénavant l'État à des coûts très élevés pour l'aménagement ponctuel de locaux dont ce n'est pas la vocation première ». Le ministère des affaires étrangères et européennes a dû procéder, pour sa part, au renforcement de certains services de son administration centrale, et surtout des postes multilatéraux, où les enjeux de la coordination européenne sont les plus lourds. Plus de 30 postes de renfort ont ainsi été pourvus fin 2007 et jusqu'à 80 postes au plus fort de la PFUE : le ministère n'a pourtant bénéficié d'aucune création nette d'ETP sur son plafond d'emplois, mais a, au contraire, continué à baisser ses effectifs (244 ETP en LFI 2008). 2. Sur les « écarts fréquents aux règles comptables et au code des marchés publics ». De nombreux marchés à procédure adaptée (MAPA) ont été passés, dans le respect des seuils prévus par le code des marchés publics. Dans l'ensemble, les MAPA qui, par exception, n'ont pas fait l'objet d'une mise en concurrence, dans le domaine de l'hôtellerie, ont été passés avec des établissements identifiés par le service de protection des hautes personnalités (SPHP) comme correspondant au besoin, au regard de leur capacité d'accueil et de leur niveau de gamme. La Cour précise d'ailleurs que « les services du Protocole sont pour beaucoup dans le fait qu'aucun incident majeur ne soit à déplorer en matière d'organisation. Ces services ont supporté, sans pratiquement aucun renfort, une surcharge de travail hors du commun avec une addition sans guère de précédent d'opérations à hauts risques sur une très courte période de temps : on ne saurait dès lors s'étonner que les principes qui fondent la gestion publique n'aient pas toujours été respectés ». Et plus loin : « De manière générale, les partis d'organisation et l'architecture budgétaire retenus ont permis une gestion efficace de la PFUE et une maîtrise de l'exécution budgétaire ». 3. Sur les motifs de la réquisition du comptable public. L'Union pour la Méditerranée a constitué l'une des principales priorités de la présidence française de l'Union européenne. Toutefois, le sommet de Paris n'a pu être d'emblée inscrit dans le cadre de la PFUE tant que ses contours restaient évolutifs, s'agissant notamment de son format géographique et du nombre de pays appelés à y participer. Quarante-trois chefs d'État et de gouvernement, dont certains n'avaient eu précédemment, entre eux, aucun contact (Syrie, Liban, Israël, Territoires palestiniens), ont en effet été rassemblés pour la première fois autour de la même table. Plusieurs indicateurs témoignent de l'ampleur exceptionnelle de l'événement : interprétation simultanée des travaux en vingt-neuf langues actives, présence de plus de mille neuf cents journalistes, durée effective de trois jours, utilisation de plusieurs sites à aménager en plus du Grand Palais. La principale facture du sommet, celle de l'aménagement événementiel d'un montant finalement négocié en dessous de 10 millions d'euros HT, a dû être traitée en régularisation, les contours de la manifestation évoluant jusqu'à la tenue du sommet. Dans des délais aussi contraints, il a été fait appel au groupement Jaulin-Décoral, qui avait été retenu quelques semaines auparavant comme le titulaire du marché d'aménagement événementiel de la PFUE, à l'issue d'un appel d'offres concurrentiel. L'architecte recruté comme expert technique pour la PFUE a certifié le service fait. Une remise exceptionnelle de 1,3 million d'euros, soit près de 10 % de la facture TTC, a été négociée en plusieurs étapes avec l'aménageur. La réquisition du comptable public par le ministre des affaires étrangères et européennes, à la fin du mois de décembre 2008, pour le paiement de la facture du groupement Jaulin-Décoral a été rendue nécessaire par le refus du comptable de payer la facture concernée dans la mesure où le devis en était parvenu postérieurement à la tenue du sommet. Comme l'a écrit le ministre du budget dans la lettre qu'il a adressée au ministre des affaires étrangères et européennes, le 23 décembre 2008, « il importe en conséquence que l'entreprise soit désintéressée du montant des prestations accomplies. À cet effet, je vous confirme que la réquisition du comptable par vos soins apparaît comme la seule voie possible ». Il convient enfin de rapporter les dépenses de ce sommet à celles, généralement supérieures, d'événements internationaux d'importance comparable, en particulier les derniers sommets de l'OTAN, le G20 de Londres, ou encore le récent G8 en Italie.

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