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Bernard Carayon
Question N° 64744 au Ministère de l'Enseignement


Question soumise le 24 novembre 2009

M. Bernard Carayon interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le bilan, dans son domaine, de l'application de la stratégie de Lisbonne en 2000.

Réponse émise le 23 février 2010

Dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche, où l'Union européenne exerce donc seulement une compétence d'appui, un premier bilan de la stratégie de Lisbonne peut s'établir ainsi : I-Enseignement supérieur. Dans le secteur de l'éducation et de la formation tout au long de la vie, les trois objectifs généraux de la stratégie de Lisbonne étaient les suivants : améliorer la qualité et l'efficacité des dispositifs ; en faciliter l'accès à tous ; renforcer leur ouverture, notamment par la mobilité, les langues et l'échange de bonnes pratiques. Dans cette perspective, l'Union européenne s'est dotée de cinq « critères de référence » qui ont fixé des objectifs éducatifs chiffrés à l'horizon 2010. Seul l'un d'entre eux - l'augmentation de 15 % du nombre de diplômés en sciences et mathématiques, conjuguée à la réduction de l'écart entre diplômés hommes et femmes - concernait directement l'enseignement supérieur. Dès 2006, cet objectif a été atteint (+ 26 % de diplômés par rapport à 2000, avec une progression de 30,7 % à 31,6 % de la part des femmes). La France se situait alors au second rang après l'Irlande pour la proportion de ces diplômés parmi les 20-29 ans (20,7 pour 1 000, contre une moyenne européenne de 13 pour 1 000). Quant à la construction proprement dite de l'espace européen de l'enseignement supérieur, elle relève principalement du processus intergouvernemental de Bologne qui, au-delà de l'Union européenne, rassemble 46 pays. En ce domaine, des avancées significatives se sont produites depuis dix ans, tant en Europe qu'en France, où on relèvera notamment : la mise en place de la réforme dite « LMD » (Licence/Master/Doctorat) ; le développement de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ; la création de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur qui constitue une autorité administrative indépendante ; le renforcement des dispositifs ouvrant l'université à la démarche d'éducation et de formation tout au long de la vie (publics adultes, liens avec la formation professionnelle, validation des acquis de l'expérience, orientation active...) ; la loi « liberté et responsabilité des universités », dite loi « LRU » du 10 août 2007, qui a permis à 60 % des universités d'accéder à l'autonomie au 1er janvier 2010 ; l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche qui, en 2010, pour la troisième année consécutive, constituera la première priorité budgétaire du Gouvernement (+ 1,8 milliard d'euros). De surcroît, dans le cadre du grand emprunt, l'enseignement supérieur bénéficiera de 11 milliards d'euros, dont 8 milliards seront destinés à faire émerger une dizaine de campus d'excellence ; la hausse de la mobilité internationale étudiante, notamment grâce au programme européen Erasmus, qui pourrait être encore renforcé (notamment en augmentant le montant des bourses d'études qui, en France, oscille entre 150 et 200 EUR par mois), mais constitue déjà un outil remarquable (en 2007-2008 : 182 000 mobilités d'études et de stage à l'échelle de l'Union, dont 26 000 ont bénéficié à des étudiants français). II-Recherche. En matière de recherche, les objectifs de la stratégie de Lisbonne, tels qu'énoncés dans les conclusions de la présidence à l'issue du Conseil européen de mars 2000, étaient les suivants : 1. Faire en sorte que les activités de recherche au niveau national et au niveau de l'Union soient mieux intégrées et coordonnées, afin d'être aussi efficaces et novatrices que possible pour que l'Europe offre des perspectives attrayantes à ses meilleurs cerveaux. Dans cette perspective, exploiter pleinement les instruments prévus par le traité et tous les autres moyens appropriés, y compris des accords volontaires ; 2. Établir des mécanismes permettant de mettre en réseau les programmes nationaux et communs de recherche, à titre volontaire et en fonction d'objectifs librement choisis, de manière à mieux mettre à profit les ressources consacrées aux actions concertées de R&D dans les États membres et assurer la présentation de rapports périodiques au Conseil sur les résultats obtenus ; établir d'ici à 2001 une cartographie des centres d'excellence pour la recherche et le développement dans tous les États membres de manière à favoriser la diffusion de l'excellence ; 3. Rendre l'environnement plus propice à l'investissement privé dans la recherche, aux partenariats de R&D et aux jeunes sociétés spécialisées dans la haute technologie, en recourant à des mesures fiscales, au capital-risque et au soutien de la Banque européenne d'investissement. La fragmentation de l'effort de recherche européen en politiques nationales non coordonnées constitue l'une des principales faiblesses de la recherche européenne. La réponse à cette lacune s'est tout d'abord traduite par une réforme des instruments d'intervention de l'Union européenne en faveur de la recherche (réseaux d'excellence, projets ERA-NET, création du Conseil Européen de la recherche...). De surcroît, au-delà du programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRD), les échanges entre les acteurs de la recherche ont été mieux structurés : création d'une feuille de route européenne sur les infrastructures de recherche grâce au forum ESFRI, ou encore élaboration d'agendas de recherche stratégique partagés entre les principaux industriels européens dans les principaux secteurs clefs pour la compétitivité du continent. C'est également sur la base de ce constat de fragmentation que le Conseil et la Commission européenne ont engagé au printemps 2008 une réforme profonde de la politique de recherche, pour fonder un nouveau partenariat désormais connu sous le nom de « processus de Ljubljana ». Il s'agit de doter l'Union européenne d'une vision précise et partagée de l'espace européen de la recherche à l'horizon 2020 et d'en adapter la gouvernance en ce sens. À ce titre, le processus de Ljubljana est devenu le pilier « recherche » de la stratégie de Lisbonne depuis dix-huit mois et fixe une perspective commune. Dans cette perspective, la Commission européenne a proposé en 2008, de lancer cinq grandes initiatives : des programmes conjoints de recherche, entre États membres volontaires, en réponse aux grands défis sociétaux de l'Union européenne. Cette initiative s'est d'ores et déjà traduite par le lancement d'un projet pilote porté par la France sur les maladies neuro-dégénératives (en particulier Alzheimer), qui vient d'être officiellement adopté le 3 décembre 2009. La programmation conjointe constitue une démarche extrêmement prometteuse pour surmonter la fragmentation des efforts nationaux de recherche et donner à l'Europe une masse critique de moyens au service d'un objectif commun : elle repose sur la définition par les représentants des États membres d'un agenda de recherche partagé et la mobilisation complémentaire des programmes nationaux ; un « partenariat pour les chercheurs » afin de développer les carrières et la mobilité des chercheurs en Europe ; une recommandation et un code de bonne conduite sur la gestion de la propriété intellectuelle dans le transfert de connaissance à destination des acteurs publics de la recherche ; une stratégie de coopération internationale de l'UE dans le domaine scientifique et technique ; la mise au point d'un cadre juridique européen pour les infrastructures de recherche européennes. À l'occasion de la présidence française, le Conseil a lancé une nouvelle forme de collaboration reposant sur la programmation conjointe de la recherche en réponse aux grands défis de société auxquels fait face l'Union européenne ; 4. Encourager l'élaboration d'une méthode ouverte de coordination destinée à évaluer les performances des politiques nationales de recherche et de développement ; la méthode ouverte de coordination (MOC) appliquée à la recherche a été lancée en 2003. Elle a permis d'aborder par cycles annuels des questions telles que les mesures fiscales en faveur de la R&D, la propriété intellectuelle, la recherche universitaire ou encore l'internationalisation de la R&D. À ce titre, elle contribue à dégager collectivement des solutions adaptées au contexte européen, à favoriser une meilleure connaissance réciproque des systèmes de recherche nationaux et à diffuser des bonnes pratiques. Elle a généré un processus d'apprentissage entre États membres qui induit un processus progressif d'adaptation mutuelle. À ce stade, même si la MOC se caractérise plus par une « coordination non concertée » que par des orientations positive et explicites, son impact est visible. Reste que les États membres n'ont pas l'obligation de prendre en compte les préconisations du comité de la recherche scientifique et technique (CREST) et que les bénéfices tirés de cette coopération relèvent plus d'opérations ponctuelles sectorielles que d'une harmonisation effective des politiques nationales. En effet, les limites actuelles de la MOC recherche sont notamment les suivantes : les procédures de travail ne sont pas toujours bien définies et explicitées ; les ressources humaines au niveau national sont parfois trop limitées pour assurer une large diffusion et l'utilisation la plus efficace des résultats ; certains participants ne sont pas en position d'influencer la conception de la politique de R&D dans leur propre pays ; les recommandations sont trop générales ; les États membres se situant à des niveaux de développement socio-économique différents, leurs intérêts et leurs approches diffèrent souvent ; 5. Favoriser la création, pour la fin de 2010, avec le soutien de la Banque européenne d'investissement (BEI), d'un réseau transeuropéen à très haut débit pour les communications scientifiques sous forme électronique qui reliera les instituts de recherche et les universités, ainsi que les bibliothèques scientifiques et les centres scientifiques et, progressivement, les écoles ; le réseau GÉANT, est soutenu de manière continue par l'Union européenne et les États membres pour offrir une infrastructure à très haut débit dédiée à la recherche et à l'éducation. Il regroupe 34 partenaires nationaux et sert plus de 30 millions d'utilisateurs ; 6. Prendre des mesures pour éliminer, d'ici à 2012, les obstacles à la mobilité des chercheurs en Europe et pour attirer et retenir en Europe des chercheurs de haut niveau. Plusieurs initiatives ont été prises en matière de mobilité et d'attractivité des chercheurs : les crédits consacrés au programme « Marie-Curie », qui finance au titre du PCRD des bourses de mobilité, sont passés de 1,28 milliard d'euros entre 1998 et 2002, à 4,75 milliards d'euros entre 2007 et 2013, au titre du 7e PCRD ; le Conseil a adopté en 2005 une directive sur les procédures d'admission spécifique des chercheurs des pays tiers, destinée à faciliter les conditions d'accès et de séjour des chercheurs étrangers au sein de l'Union européenne ; la Commission a publié en 2005 une « charte européenne du chercheur » et un « code de bonne conduite en matière de recrutement des chercheurs » définissant les droits et obligations des chercheurs et de leurs employeurs. À ce jour, cette charte a recueilli l'adhésion de près de 150 institutions à travers l'Europe ; Par ailleurs, l'Union européenne a adopté en 2008, sous présidence française, un « partenariat pour les chercheurs » qui fixe pour objectifs l'ouverture systématique du recrutement ; la satisfaction des besoins en matière de sécurité sociale et de retraite complémentaire des chercheurs mobiles ; l'amélioration des conditions d'emploi et de travail, afin de rendre les carrières scientifiques plus attractives ; l'approfondissement de la formation, des compétences et de l'expérience des chercheurs. Ces objectifs doivent être mis en oeuvre à travers un partenariat entre la Commission et les États membres, travaillant désormais au sein d'une structure dédiée : le groupe permanent pour les ressources humaines et la mobilité. Ils reposent sur la préparation de plans d'action nationaux et de rapports annuels sur les mesures prises dans chaque État membre ; 7. Veiller à ce qu'un brevet communautaire soit disponible d'ici à la fin de 2010, ainsi qu'un modèle d'utilité, de manière à ce que, dans l'Union, la protection par brevet devienne simple et peu coûteuse à obtenir et ait une portée aussi large que la protection assurée par nos principaux concurrents. À ce jour, le brevet communautaire n'a toujours pas fait l'objet d'une décision. Cela constitue l'un des échecs de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne et reste un objectif pour la future stratégie de l'Union. En 2002, lors du Conseil européen de Barcelone, ces objectifs ont été complétés par un objectif quantitatif : augmenter l'ensemble des dépenses en matière de R&D et d'innovation dans l'Union, pour approcher 3 % du PIB d'ici 2010. Les deux tiers de ce nouvel investissement devraient provenir du secteur privé. Malgré une augmentation en valeur de l'ordre de 15 % des dépenses de R&D au sein de l'Union européenne, l'intensité de R&D a stagné depuis le lancement de la stratégie de Lisbonne en deçà de 2 % du PIB. Le dernier chiffre disponible fait état d'un niveau d'investissement de 1,84 % du PIB, contre 2,61 % aux États-Unis et 3,39 % au Japon. Cette différence s'explique principalement par un déficit d'investissement privé, qui n'est que de l'ordre de 1 % du PIB au sein de l'UE au lieu des 2 % nécessaires. Plusieurs études mettent en évidence deux principaux facteurs d'explication : les investissements en R&D des entreprises européennes ne sont pas nécessairement inférieurs à ceux de leurs concurrentes internationales dans un secteur donné. En revanche, l'Europe dispose de moins d'entreprises dans les secteurs à forte valeur ajoutée technologique que les États-Unis ou le Japon. C'est donc la structure industrielle de l'Union européenne, plutôt spécialisée dans les secteurs de moyenne ou faible technologie qui expliquerait le différentiel d'investissement dans la R&D ; les PME innovantes rencontrent plus de difficultés pour leur développement et leur croissance que leurs homologues américaines. La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche a sensiblement progressé, en particulier grâce aux impulsions et aux coopérations générées par le processus de Bologne et le processus de Ljubljana. Plus que jamais, les défis induits par la crise économique actuelle en font un enjeu majeur. Plus que jamais, il est essentiel que la France continue à y jouer un rôle de premier plan.

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