M. Jean-Louis Gagnaire attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur l'enlisement du projet de création d'un cinquième risque de la sécurité sociale pour la dépendance. Présenté, au début du mandat présidentiel, comme la principale réforme sociale avec le RSA, l'avenir du projet semble de plus en plus incertain. En 2008, le Président de la République annonçait la prise en charge du cinquième risque à la conférence sur la protection sociale. L'année sera par la suite consacrée aux consultations, négociations avec les partenaires sociaux et à la publication de rapports sur le sujet. Le cinquième risque aurait dû prendre consistance en 2009. Mais on attend toujours du Gouvernement la définition du calendrier, du périmètre de la réforme, des moyens financiers à y consacrer et de son financement. Les partenaires sociaux et les acteurs de la prise en charge de la dépendance s'inquiètent légitimement de la discrétion gouvernementale sur le cinquième risque. Le vieillissement de la population s'accélère. Plus qu'une nouvelle prestation, le cinquième risque doit apporter une réponse à un défi démographique et social pour lequel les branches actuelles de la sécurité sociale seront inadaptées et insuffisantes. Le pays compte aujourd'hui plus de 1,3 million de personnes de plus de 85 ans. Les projections démographiques prévoient plus de deux millions de personnes dès 2015. Le nombre de personnes en situation de dépendance, en raison de l'âge ou d'un handicap, croît à un rythme très soutenu. Dans l'incertitude actuelle, il est légitime de craindre une réforme a minima et une simple refonte de l'aide personnalisée d'autonomie (APA). On peut également redouter que le risque dépendance ne fasse pas l'objet d'une véritable branche de la sécurité sociale fondée sur les principes d'accès universel aux prestations et d'égalité de traitement pour tous mais de la création d'un cinquième risque ayant pour corollaire un recours croissant à l'assurance individuelle. Il lui demande donc de bien vouloir lui communiquer l'état du projet gouvernemental et le calendrier de mise en oeuvre de ce projet. Considérant l'importance du défi, il lui demande d'ouvrir un grand débat national qui permettrait aux Français de se saisir du sujet en toute connaissance de cause.
Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la dépendance et au financement du cinquième risque. La perte d'autonomie, qu'elle soit liée au grand âge ou au handicap, touche aujourd'hui un nombre croissant de familles et les perspectives démographiques montrent que les enjeux les plus importants sont à venir. Le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans passera de 1 500 000 aujourd'hui à 2 000 000 d'ici à 2015, du fait de l'augmentation de l'espérance de vie et notamment de l'augmentation de la durée de vie en bonne santé. À partir de 2025, l'arrivée au grand âge des générations issues du baby-boom donnera une dimension encore plus importante à la question de leur prise en charge. Or, les quatre risques couverts par la sécurité sociale - maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille et vieillesse - n'ont pas été conçus pour apporter une réponse adaptée à ce défi. Entre les prestations liées à l'état de santé et celles liées à une perte de revenu, un maillon fait défaut dans notre système de protection sociale. Les hypothèses techniques sur lesquelles travaille le Gouvernement en ce qui concerne le financement de la dépendance sont celles annoncées en mai 2008. La première est celle d'une garantie sur la prise en charge par la solidarité nationale. L'évolution des besoins sociaux doit être accompagnée d'une meilleure répartition des financements au sein de notre système solidaire de protection sociale. Le champ de la politique publique en faveur des familles devra s'élargir pour répondre à de nouvelles exigences de solidarité entre les générations. Le redéploiement progressif de l'offre de court séjour vers les établissements et services d'aval, notamment médicosociaux, fait partie des axes forts de restructuration de l'hôpital dans les années qui viennent. La seconde hypothèse est le développement d'un véritable partenariat public-privé avec les organismes de prévoyance individuelle et collective pour la prise en charge de la perte d'autonomie liée à l'âge. Il sera fait appel aux acteurs de la prévoyance pour s'investir aux côtés des pouvoirs publics dans la prise en charge de la perte d'autonomie. Cela implique notamment de mener une réflexion sur les référentiels communs, les mécanismes de reconnaissance de la dépendance, le droit à l'information des personnes en âge de s'assurer et une gouvernance commune associant l'ensemble des acteurs à ces enjeux. C'est l'objet des groupes de travail techniques animés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la direction de la sécurité sociale et la direction générale du Trésor et de la politique économique. La troisième hypothèse technique concerne la meilleure prise en compte des capacités contributives des personnes, en particulier de leur patrimoine. Ce sujet ne constitue qu'une piste de travail. Toute participation des bénéficiaires ne pourrait être que volontaire en contrepartie d'une prestation améliorée. Enfin, concernant la mise en place d'une convergence des champs de vieillissement et du handicap, la création de la CNSA en février 2005 a déjà permis de rassembler les financements consacrés à la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées quel que soit l'âge des personnes concernées. Cependant convergence ne signifie pas confusion et réponse identique quel que soit l'âge, mais approche qui ne privilégie pas l'âge en tant que tel, mais considère prioritairement l'expression des besoins de vie concrète des personnes. À ce titre, si des convergences certaines existent entre les besoins des personnes handicapées et ceux des personnes âgées, qui par ailleurs n'ont pas les mêmes parcours de vie et ne sont pas confrontées à des risques de même nature, ces convergences se concentrent principalement sur la nécessité d'une prise en charge individualisée et sur la mise au point de méthodes d'évaluation des besoins et d'élaboration des plans d'aide relativement proches. Conformément à la volonté du Président de la République, il y aura en 2010 un rendez-vous sur le grand âge et la perte d'autonomie. Il est en effet nécessaire d'aborder les problématiques du vieillissement dans leur ensemble : si, comme c'était le cas dans les années cinquante, la retraite n'est plus un « risque » au sens strict mais une nouvelle période de la vie, la perte d'autonomie liée à l'âge, qui touche une personne sur quatre, représente désormais un risque social nouveau. Il s'agit d'un défi majeur au coeur de grands enjeux de société qui appelle une mobilisation du corps social et un grand débat au sein de la société civile sur la place des aînés dans la société afin de faire émerger les solutions de demain, adaptées à la nouvelle donne démographique de notre pays. Les concertations qui auront lieu sur le cinquième risque permettront d'explorer d'autres pistes qui pourraient être proposées par les acteurs du secteur.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.