M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur le récent rapport de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) concernant l'industrie aéronautique. Il lui demande de bien vouloir préciser les grandes lignes dudit rapport et les évolutions que ce dernier pourrait inspirer.
Le pôle « Prospective » de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services a coordonné, en 2008 et 2009, une étude relative aux chaînes de valeurs dans l'industrie aéronautique. Cette étude, menée en collaboration avec les services du ministère des transports et du ministère de la défense, s'est attachée à prendre en compte l'ensemble de la filière, constructeurs et compagnies aériennes. L'étude, disponible sur le site internet du ministère en charge de l'industrie (http://www.industrie.gouv.fr/p3e/etudes/aeronautioue/etudes3.php), examine dans un premier temps le contexte du transport aérien et son évolution puis analyse l'industrie aéronautique par la méthode des chaînes de valeur pour localiser la création de valeur dans la filière, identifier les ressources mobilisées et examiner les conséquences des évolutions économiques, sociales et environnementales. L'étude a mis en évidence les évolutions du contexte dans lequel évolue le secteur : mondialisation de l'économie ; montée de la concurrence industrielle des pays émergents ; contraintes environnementales et énergétiques ; exigences des consommateurs. Les principales contraintes et exigences du transport aérien ont été précisées : activité du transport aérien globalement connectée avec le PIB mondial alors que l'activité industrielle est directement liée aux lancements de programmes transport ; compagnies aériennes à la recherche de baisse des coûts d'exploitation ; report des risques d'obsolescence des compagnies vers l'industrie à travers de nouveaux modes de contractualisation ; coût du poste carburant devant être contenu par une réduction des consommations (qui passe par la réduction des masses, l'efficacité aérodynamique et les performances des systèmes propulsifs) ; compagnies aériennes à la recherche d'une garantie de la valeur d'usage des avions. Les analyses ont souligné plusieurs spécificités propres au secteur : le développement d'un nouvel avion est très long, alors que les besoins des compagnies évoluent plus rapidement, notamment sous l'effet du contexte économique ; les retards de certains programmes (A400, Boeing 787), qui consomment de ce fait des moyens supplémentaires au détriment des autres programmes ; l'introduction de nouvelles technologies dans les avions (par exemple : composites) qui impose aux acteurs de la filière de développer de nouveau savoir-faire, y compris s'agissant des activités de maintenance ; sur certains segments, les choix d'investissement des avionneurs se font en réaction aux initiatives du concurrent plutôt qu'en réponse aux besoins du marché. Plusieurs réponses techniques ont été relevées : le développement des systèmes électriques au détriment des systèmes hydrauliques ou mécaniques constitue un enjeu stratégique pour l'industrie ; la disponibilité des moteurs cadence le rythme de lancement des nouveaux programmes ; le développement de l'emploi des composites nécessite d'organiser et de structurer une filière industrielle spécialisée ; l'évolution de la segmentation-produit des avions pourrait entraîner une segmentation dans les architectures d'avion, s'accompagner de nouvelles spécialisations industrielles et modifier les relations hiérarchiques dans la filière, le segment long courrier restant celui qui tire la technologie et peut permettre à l'industrie occidentale de conserver son avance. Les travaux ont souligné l'enjeu des nouveaux systèmes d'interface avion-sol et de la gestion du trafic qui sont riches d'opportunités industrielles. La percée industrielle de pays à bas coût a été examinée et l'apparition d'avions low cost n'est pas écartée, mais l'étude remarque que le coût d'exploitation est, et sera de plus en plus, primordial par rapport au coût d'acquisition. Il n'est pas exclu que la nouvelle segmentation en cours aboutisse à des spécialisations par avionneur, voire à une juxtaposition d'oligopoles/duopoles. De manière complémentaire, courant 2010, une étude spécifique à l'activité de maintenance aéronautique a été publiée (http://www.industrie.gouv.fr/p3e/etudes/etudesprosp.php). Elle présente les perspectives de ce secteur face à l'évolution de la demande et met en évidence le déplacement géographique des grands centres de maintenance vers la Chine, Singapour et la Malaisie. L'évolution du modèle économique conduit à des concentrations pour faire baisser les coûts, proposer des services intégrés et gérer des bases de données mondiales. L'étude envisage le futur positionnement des acteurs européens selon trois scénarios susceptibles de servir de référence : développement d'opérateurs de maintenance universels : les exigences des compagnies et la complexité des opérations entraîne l'émergence d'opérateurs mondiaux très puissants qui se constituent par concentration horizontale rapide et organisent des partenariats plus ou moins développés avec des acteurs locaux, dans le cadre de marchés largement ouverts dans les pays émergents. Dans ce scénario, les acteurs actuels qui réussissent leur concentration récupèrent la croissance du marché, sous réserve de la délocalisation de certains emplois, développement d'opérateurs de maintenance universels mais localisés, issus de la volonté des États émergents de privilégier des opérateurs régionaux. Dans ce scénario, la croissance du marché est captée par de nouveaux acteurs de dimension régionale qui ont pu se constituer en profitant de transferts de technologie des acteurs existants. Les acteurs existants restent concentrés sur les marchés européen et nord-américain en développement modéré, les acteurs européens, regroupés, se spécialisent sur la maintenance la plus sophistiquée (moteurs...) qu'ils assurent pour l'essentiel et sur la gestion de bases de données globales, avec recours à des partenaires locaux pour la réalisation. Dans ce scénario, la diversification est plus importante et s'opère dans un cadre très concurrentiel qui peut permettre de stimuler davantage l'innovation en termes techniques ou organisationnels, au profit des compagnies et des constructeurs. Ces études relèvent d'une démarche d'analyse prospective. Elles ont permis de cerner une partie des enjeux de la construction aéronautique civile et d'anticiper des scénarios d'évolution possibles pour éclairer les acteurs de la filière dans leurs prises de décision. Elles seront notamment exploitées au sein du comité stratégique de filière, mis en place en septembre 2010 et coprésidé par les ministres chargés de l'industrie et des transports, ce comité devant notamment proposer une stratégie à moyen terme pour la filière. Ces études permettront, par ailleurs, de guider les choix d'investissement du fonds stratégique d'investissement, afin de développer et préserver en France les activités stratégiques pour la filière. Enfin, elles éclaireront les décisions en matière de recherche et développement qui seront prises dans le cadre du programme des investissements d'avenir et des pôles de compétitivité. Parmi les six instituts de recherche technologique labellisés à ce jour, un institut concerne ainsi les matériaux composites et un autres les technologies aéronautiques de demain.
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