M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la protection du patrimoine littéraire de la France face aux projets de bibliothèques numériques. Depuis 2004, la société Google a mis en oeuvre un programme international de numérisation de grandes bibliothèques qui concerne à ce jour des millions de livres. Ce projet arrive en France, via un récent accord entre la bibliothèque de Lyon avec le moteur de recherche américain et les discussions entamées ce moteur de recherche avec les autorités françaises et la Bibliothèque nationale de France. Ce contrat autorise Google a s'octroyer « la pleine propriété sans limitation dans le temps » des fichiers originaux qu'il a produit. Or ce projet de bibliothèque numérique globale et gratuite pourrait, selon certains, comporter un certain nombre de risques pour notre patrimoine. L'enjeu est colossal : 1 342 000 documents patrimoniaux, dont 500 000 livres non couverts par le droit d'auteurs, soit l'un des fonds les plus importants de France, particulièrement précieux sur l'histoire de l'édition en occident durant plusieurs siècles. Selon certains juristes en numérisant un fonds entier, ou du moins une partie considérable des collections, le moteur de recherche s'assure un droit de propriété sur une bibliothèque, c'est-à-dire un bien unique constitutif d'une universalité. Il lui demande de préciser sa position à ce sujet.
Conscient de l'enjeu majeur de la numérisation et de l'accessibilité en ligne des fonds des bibliothèques, le ministère de la culture et de la communication est engagé dans la recherche du cadre le plus favorable à une numérisation rapide et efficace de tout le patrimoine des livres français. Afin d'évaluer la pertinence d'un éventuel partenariat entre l'entreprise Google et la Bibliothèque nationale de France pour la numérisation de ses collections patrimoniales et d'étudier plus largement l'opportunité et les modalités d'un accord avec un opérateur privé pour numériser les fonds des bibliothèques, le ministre de la culture et de la communication avait confié le 26 octobre 2009 une mission à M. Marc Tessier. Remis le 12 janvier dernier, le rapport Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit propose la mise en place d'une grande plate-forme de consultation commune d'ouvrages numérisés, fondée sur un partenariat public-privé, pour permettre aux internautes d'accéder au patrimoine écrit francophone et créer une alternative à Google. Prenant en compte la décision du Président de la République de consacrer une part significative de l'emprunt national à la numérisation du patrimoine culturel de la France, la mission suggère d'éventuels accords avec le moteur américain, mais sur « une base paritaire », pour conserver la maîtrise sur les contenus et un droit de regard sur la numérisation, la diffusion et la conservation sur le long terme du patrimoine numérisé national. Tout en étant naturellement préoccupé par les activités de Google en matière de numérisation massive d'ouvrages protégés sans autorisation des ayants droit, le ministre de la culture et de la communication partage pleinement l'ambition de M. Marc Tessier d'inventer un modèle alternatif à celui de Google Livres pour les oeuvres françaises et francophones dans le respect du droit d'auteur. Dans le contexte favorable de l'emprunt national pour la numérisation de contenus, il souhaite favoriser la création d'une grande plate-forme qui à la fois réunira et développera les forces de ce qui existe déjà, notamment Gallica reconfiguré, et offrira des services nouveaux dans le souci de conclure des partenariats public-privé profitables au citoyen et au contribuable.
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