Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bernard Cazeneuve
Question N° 63962 au Ministère de l'Alimentation


Question soumise le 24 novembre 2009

M. Bernard Cazeneuve attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'impact de certaines mesures environnementales pour l'agriculture. Le 1er janvier, la mesure sur le maintien des surfaces en herbes, dans le cadre des BCAE (bonnes conditions agro-environnementales) entrera en vigueur. Sur les exploitations, le stock global de prairies temporaires devra être maintenu et les parcelles en prairies permanentes définitivement figées. Or cette mesure pourrait avoir un impact très important, non seulement sur le fonctionnement des exploitations, mais aussi sur leur développement. La restructuration quasi-inévitable des exploitations, dans un avenir proche, sera obérée du fait de ces parcelles figées. Certains exploitants auraient préféré disposer de davantage de souplesse, notamment pour laisser le libre choix à l'exploitant de rapprocher les prairies de son siège d'exploitation. Par ailleurs, ces surfaces peuvent avoir d'autres utilités environnementales. Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il conviendrait de produire des protéines (légumineuses, protéagineux...) en France, plutôt que de les importer. Cependant, ces mêmes surfaces sont condamnées par le biais des BCAE à rester en prairies. D'autre part, la contribution climat-énergie sera également mise en place au 1er janvier 2010. Pour le moment, il semble délicat, au regard d'une conjoncture particulièrement défavorable, de réussir à baisser la consommation du secteur agricole, tout en préservant les différentes productions. Le ministère a oeuvré pour exonérer de 75 % de cette taxe les agriculteurs puisque ces derniers sont dans l'impossibilité de répercuter ce coût supplémentaire sur leurs produits. Les 25 % restants resteront néanmoins à la charge de la profession. Au regard de ces éléments, il lui demande les dispositions qu'il entend mettre en oeuvre afin de concilier la nécessaire protection de l'environnement avec la survie et le développement de nos exploitations agricoles.

Réponse émise le 2 février 2010

Les conditions de mise en oeuvre du « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) sont issues d'un long processus de concertation mené notamment avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles au premier semestre de l'année 2009. Les derniers arbitrages concernant les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) « herbe » ont été rendus publics à la fin du mois de juillet et publiés dans la presse agricole en août 2009. Ce processus de concertation a abouti à la réorientation de 700 millions d'euros d'aides en faveur des exploitations herbagères par la mise en place de droits à paiement unique « herbe ». Afin de garantir que les exploitations herbagères maintiennent bien leurs surfaces en herbe malgré la mise en place de ce droit à paiement unique (DPU), aide découplée de la nature de la production, des règles d'encadrement, voire d'interdiction de retournement de certaines catégories de prairies ont été introduites à travers une conditionnalité : la BCAE « gestion des surfaces en herbe ». Ces dispositions s'inscrivent dans la réglementation communautaire qui impose aux États membres de respecter un ratio de prairies permanentes (ensemble des prairies naturelles et des prairies temporaires de plus de cinq ans) dans la surface agricole utile par rapport à 2005. En cas de détérioration, les États membres doivent se donner les moyens de limiter l'érosion des pâturages permanents, voire d'en obliger la réimplantation si la baisse atteint 10 %. Ce ratio ne s'est pas dégradé au regard de son niveau de 2005. Au regard de ce constat, les règles de la BCAE relative à la gestion des surfaces en herbe, et plus précisément l'interdiction stricte de retournement des prairies naturelles, ont été modifiées. Cette interdiction conduit en effet à figer excessivement les parcelles agricoles et à bloquer les possibilités de gestion courante des exploitations, notamment de remaniement des parcelles, d'aménagement de l'exploitation et d'entretien des prairies. Avec les assouplissements déjà décidés début octobre, dans un souci de pragmatisme et de pédagogie, les règles de gestion des prairies sont désormais les suivantes : 1. Les prairies naturelles peuvent être retournées selon les mêmes règles que les prairies temporaires de plus de cinq ans, c'est-à-dire à condition d'être réimplantées à l'identique pour une surface similaire sur une autre parcelle de l'exploitation. 2. Une tolérance est accordée dans les surfaces réimplantées pour tenir compte de la réalité des exploitations, et notamment du parcellaire agricole qui n'est pas de taille constante. Le ratio de prairies sera examiné chaque année au niveau départemental pour vérifier que cette tolérance n'entraîne pas de dégradation des surfaces en herbe. 3. Aucune déclaration n'est nécessaire avant de retourner ces prairies. 4. Les prairies temporaires de moins de cinq ans pourront être retournées dans la limite de 50 %. 5. Les exigences seront adaptées pour les jeunes agriculteurs qui s'installent au regard de leurs projets d'installation. 6. Des dérogations seront accordées aux exploitations en reconversion aidée par l'État. 7. Les surfaces qui étaient déclarées en prairies temporaires l'année de référence alors qu'elles étaient en gel l'année précédente ne seront pas retenues dans la référence. 8. Les surfaces en prairies temporaires engagées dans une mesure agro-environnementale de reconversion des terres arables ne seront pas non plus comptabilisées. Ces nouvelles dispositions permettent de redonner de la souplesse de gestion aux exploitations agricoles et de respecter l'équilibre général de la mise en oevre du bilan de santé de la PAC ainsi que les engagements communautaires de la France. En effet, les prairies naturelles piègent et stockent du carbone et sont des réservoirs de biodiversité, ce qui justifie leur maintien ; en cas de retournement, le stock de carbone est relâché rapidement et les conditions nécessaires au maintien d'une biodiversité sont fortement détériorées. Les assouplissements apportés à la BCAE herbe visent simplement, en gardant une superficie de prairies constante, à permettre les adaptations marginales des exploitations, et ainsi à rendre cette mesure applicable sur le terrain ; ils visent également, et paradoxalement, à ne pas pénaliser des exploitations qui, ayant développé des pratiques herbagères, se retrouveraient complètement figées et bloquées dans leur stratégie vertueuse d'un point de vue environnemental. La principale garantie que le bilan carbone national des prairies ne sera pas détérioré réside dans le fait que le ratio de prairies permanentes au niveau national ne doit pas se dégrader. Ainsi, les stocks de carbone dans les sols sont maintenus à l'échelle de la France entière. Les souplesses et les adaptations des règles constituant cette BCAE sont de nature à répondre aux inquiétudes et aux besoins des professionnels agricoles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion