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Pierre Forgues
Question N° 63485 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 10 novembre 2009

M. Pierre Forgues attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les incohérences du projet de loi portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale. Le préambule du statut de la CPI dispose « qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Par conséquent, la France, qui a ratifié le statut de Rome le 9 juin 2000, se doit au préalable de définir dans son droit interne les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, conformément au statut de la CPI, mais également l'imprescriptibilité de ces crimes, afin que les juridictions pénales françaises puissent se déclarer compétentes pour connaître des crimes les plus graves, comme ceux prévus à l'article 5 du statut de la CPI. Or le projet de loi adopté en première lecture par le Sénat le 10 juin 2008 ne contient aucune disposition relative aux crimes de guerre et à leur imprescriptibilité, et ne reconnaît pas non plus aux tribunaux français de compétence territoriale élargie pour les crimes visés par le statut de la CPI, contrairement à d'autres pays de l'Union européenne. Par conséquent, il souhaiterait connaître ses intentions concernant l'élaboration d'un texte qui soit conforme aux principes généraux du droit pénal international, afin que l'isolement de la France à l'échelle de l'Union soit rompu.

Réponse émise le 5 janvier 2010

En adoptant la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998. En effet, cette convention n'impose aux États qui y sont parties ni la création d'incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de ladite cour, ni l'instauration de l'imprescriptibilité de ces crimes, ni la reconnaissance d'une compétence territoriale élargie. Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi, adopté à l'unanimité par le Sénat, comportant toutes les dispositions nécessaires permettant au droit pénal français d'incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment pour les crimes et délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies. En ce qui concerne la question de l'imprescriptibilité, le projet de loi instaure un délai étendu de prescription propre aux crimes de guerre en portant celle-ci de dix à trente ans pour tenir compte de leur gravité, sans toutefois banaliser l'imprescriptibilité, qui doit demeurer une règle exceptionnelle réservée dans notre droit aux crimes contre l'humanité, conformément aux recommandations du Parlement dans son récent rapport. En ce qui concerne la question de l'instauration d'une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français, il convient de mesurer l'avancée indiscutable qui a été réalisée. Bien qu'aucune disposition du statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre prévus par le statut sans qu'un lien personnel ou territorial rattache les faits, les auteurs ou les victimes de ces crimes à leur propre territoire ou à leurs ressortissants et alors même que la France n'a jamais instauré une telle compétence sans y être expressément engagée par une convention internationale, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle. Depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l'auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette Cour. En outre, en application des dispositions votées par le Sénat, la France pourrait juger elle-même de tels criminels, dès lors qu'ils résideraient habituellement sur le territoire français. La législation française est donc, dès à présent, en parfaite conformité avec les obligations résultant du statut de Rome de la Cour pénale internationale.

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