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Pierre Morel-A-L'Huissier
Question N° 63340 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 10 novembre 2009

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les crimes commis par les forces de sécurité de Guinée le 28 septembre dernier. Une commission d'enquête internationale a d'ores et déjà été mise en place et Human Rights Watch a appelé l'Union africaine (UA), la CEDEAO, l'Union européenne (UE) et les Nations unies à apporter tout leur soutien à la commission d'enquête internationale sur ces événements et à exhorter les autorités guinéennes à garantir qu'une enquête indépendante, équitable et publique soit menée. Il souhaiterait connaître quel rôle entend jouer la France dans ce dossier.

Réponse émise le 13 avril 2010

Le 28 septembre 2009, l'armée a violemment réprimé une manifestation pacifique organisée par les Forces vives dans le stade de Conakry. Ce massacre a été unanimement condamné par la communauté internationale. La France a immédiatement suspendu sa coopération militaire et mis en place une assistance médicale aux victimes. Puis, le 30 octobre, notre pays a suspendu toute sa coopération institutionnelle déployée auprès des autorités gouvernementales (une dizaine d'assistants techniques placés auprès de l'administration guinéenne) ainsi que le financement du projet d'aménagement de l'autoroute urbaine Tombo-Gbessia à Conakry. Toutefois, afin de ne pas pénaliser la population guinéenne, nos projets de coopération bénéficiant directement aux populations ont été maintenus. Le 3 décembre, l'aide de camp de Dadis Camara, Aboubacar Sidiki Diakité dit « Toumba », a tenté d'assassiner le chef de la junte. Dadis Camara a été évacué et hospitalisé à Rabat. Puis, il a gagné le territoire burkinabé le 12 janvier 2010, après que le général Konaté, ministre guinéen de la défense, a promis, dans un discours tenu le 6 janvier à la Radio télévision guinéenne, d'ouvrir la voie à un retour du pouvoir civil en Guinée. Sous l'impulsion du facilitateur désigné par la CEDEAO pour définir un processus de sortie de crise en Guinée, le président Compaoré, le capitaine Dadis Camara et le général Konaté ont signé, le 15 janvier, la « déclaration conjointe de Ouagadougou » qui définit les modalités de la transition guinéenne : gouvernement d'union dirigé par un Premier ministre issu des Forces vives ; non-candidature aux prochaines élections des membres du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), du chef d'État de la transition, du Premier ministre de transition, des membres du Gouvernement et des membres des forces de sécurité et de défense en activité ; tenue d'élections dans un délai de six mois. Avec la signature de cet accord politique, la nomination d'un nouveau Premier ministre, le 20 janvier, et enfin, la nomination d'un gouvernement d'union nationale, le 15 février, la Guinée s'est engagée sur la voie de la transition démocratique. L'élection présidentielle devrait se tenir le 27 juin 2010. Pour marquer notre soutien au général Konaté et au Gouvernement qui doivent organiser les élections, nous avons repris notre coopération civile et militaire. La France a beaucoup contribué à la mobilisation de la communauté internationale en faveur du retour de la démocratie en Guinée. À notre initiative, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a adopté une déclaration présidentielle le 28 octobre 2009. Il s'agissait du premier texte que les Nations unies adoptaient sur la Guinée (condamnation du massacre du 28 septembre, nécessité de lutter contre l'impunité, appui à la facilitation du président Compaoré, soutien à la création d'une commission d'enquête internationale par le secrétaire général des Nations unies. Le 27 octobre 2009, à Luxembourg, le Conseil de l'Union européenne (UE) a décidé d'arrêter des mesures restrictives dirigées contre les membres du CNDD et les personnes qui y sont associées, responsables de la répression violente du 28 septembre. Ces mesures consistent en un embargo sur les armes et une interdiction de visa destinée à les empêcher d'entrer sur le territoire de l'UE. Elles visent 42 individus identifiés comme étant membres du CNDD et associés à lui dans la répression du 28 septembre. Le 22 décembre 2009, l'UE a amélioré son régime de sanctions en élargissant la liste initiale de 42 à 71 noms. En outre, un régime de gel des avoirs a été adopté. Nos partenaires africains (CEDEAO et Union africaine) ont également adopté, les 17 et 29 octobre 2009, des sanctions contre la junte (embargo sur les armes, interdictions de visa, gels d'avoirs). Le lancement d'une transition en Guinée pourrait conduire l'Union européenne à réviser prochainement la liste des personnes visées par l'interdiction de visas. La gravité des actes perpétrés par les forces armées à Conakry le 28 septembre 2009 appelait un geste fort de la part de la communauté internationale. Celui-ci s'est notamment manifesté, avec l'appui de la CEDEAO et de l'UA, par la mise en place d'une commission d'enquête internationale des Nations unies. Composée de trois commissaires, tous africains mais non de la sous-région (originaire d'Algérie, du Burundi et de Maurice), dont deux femmes, et présidée par un ancien président de la Cour internationale de justice, cette commission a bénéficié du soutien du Haut commissariat aux droits de l'homme. Elle a séjourné à Conakry durant presque deux semaines et a remis son rapport final sur les événements du 28 septembre au secrétaire général des Nations unies, le 16 décembre 2009. Ce rapport établit les faits de façon précise et détaillée. Il se limite à établir un bilan humain indicatif car la commission considère que le nombre de victimes des exactions est très probablement plus élevé (il confirme les cas de 156 personnes tuées ou disparues, 109 victimes de viols et autres violences sexuelles, y compris mutilations sexuelles et esclavage sexuel, usage de la torture, traitements cruels, inhumains et dégradants, arrestations et détentions arbitraires assorties du dépouillement systématique des manifestants à la sortie du stade) et qualifie juridiquement les crimes perpétrés de « crimes contre l'humanité ». Ce rapport détermine les responsabilités : 1) la responsabilité de l'État guinéen pour les violations des droits de l'homme commises par ses agents militaires, gendarmes, policiers et miliciens et 2) les responsabilités pénales individuelles pour violations du droit pénal international (à titre principal : le capitaine Moussa Dadis Camara, « président » de l'État guinéen au moment des faits, le lieutenant « Toumba » Diakité, alors aide de camp du président et chef de sa garde rapprochée, le commandant Moussa Tiegboro Camara, à l'époque ministre chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme). En conséquence, la commission établit des recommandations parmi lesquelles, notamment, la création en Guinée d'un bureau national du haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), la mise en oeuvre d'une réforme de l'armée et du système judiciaire guinéens afin de mettre un terme à l'impunité, et la saisine de la Cour pénale internationale pour les personnes sur lesquelles pèsent de fortes présomptions de crimes contre l'humanité. Afin que la publication de ce rapport figure dans un texte des Nations unies, nous avons pris l'initiative de l'adoption d'une nouvelle déclaration présidentielle au CSNU. Celle-ci a été adoptée le 17 février 2010. Par cette seconde déclaration, le Conseil de sécurité se félicite de la constitution d'un gouvernement d'union nationale, demande à toutes les parties prenantes en Guinée de mettre en oeuvre intégralement la déclaration conjointe de Ouagadougou, de prendre une part active à la transition en vue du retour à l'ordre constitutionnel normal moyennant la tenue d'élections dans un délai de six mois, et appelle la communauté internationale à soutenir les nouvelles autorités guinéennes, s'agissant de la réforme globale des secteurs de la sécurité et de la justice. La déclaration salue les travaux de la commission d'enquête internationale (S/2009/556), prend note avec satisfaction de la soumission du rapport de la commission (S/2009/693) au CSNU et souligne que les États sont tenus de se conformer aux obligations qui leur incombent en matière de lutte contre l'impunité. La mobilisation de la France en faveur de la Guinée et de la lutte contre l'impunité ne faiblit pas : nous soutenons ainsi l'adoption d'une résolution du Conseil des droits de l'homme (CDH) sur la situation des droits de l'Homme en Guinée au cours de la 13e session du CDH.

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