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Christiane Taubira
Question N° 63227 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 10 novembre 2009

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la taxation des transactions financières, à la suite de la séance de signature et de restitution des travaux du groupe de travail sur « les financements innovants et la contribution au développement par une taxation des transactions internationales » qui s'est tenue ce jeudi 22 octobre 2009 au ministère des affaires étrangères, en présence des ministres des affaires étrangères d'Allemagne, d'Italie, du Japon, d'Autriche, du Royaume-uni, du Chili, de la Belgique, de la Norvège, de l'Espagne, du Sénégal et du Brésil. Elle souligne, comme l'a également indiqué le ministre du Royaume-uni, que des règles nouvelles sont nécessaires dans le domaine de la régulation des transactions financières. Elle a bien pris note du souci indiqué par le président du groupe de travail, le ministre des affaires étrangères du Chili, de la volonté politique des membres du groupe de travail d'une globalisation inclusive. Elle note également leur intention de la traduire par une taxe qui s'élèverait à 0,005 % des transactions financières internationales. L'estimation des recettes globales de cette taxe s'élèverait à 30 milliards d'euros par an. Elle souligne que cette nouvelle ressource destinée au développement pour l'accomplissement des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ne doit pas se substituer à la contribution des pays de l'OCDE à l'aide publique au développement (APD), comme l'a indiqué le groupe d'experts. Elle lui demande donc de clarifier si ce sera effectivement le cas alors qu'il a déclaré lors de son audition à l'Assemblée nationale le 13 octobre 2009 que « pour atteindre l'objectif d'une APD à 0,7 % du PIB, il nous faudra être inventifs. C'est ainsi que j'ai proposé à nos partenaires internationaux une contribution sur les transactions financières ». Elle lui demande d'expliciter ce propos, qui semble indiquer que la taxe ferait partie de la contribution à l'APD. Elle lui demande, si tel n'est pas le cas, de lui indiquer quels moyens il compte mettre en oeuvre pour garantir que cette taxe ne se substitue pas à la contribution à l'APD. Les tentations de compenser l'APD par des artifices divers sont fortes : pour l'exercice dernier, la suppression de prêts a été comptabilisée comme des dotations nouvelles à l'APD. Elle lui demande également de lui indiquer si cette contribution sera volontaire ou obligatoire. Elle souligne que les limites au choix d'une contribution volontaire sont connues et rappelle, entre autres arguments, la crainte pour ceux qui s'y conforment de subir les distorsions de compétitivité par rapport à ceux qui s'en exonèrent. Elle lui demande également de lui indiquer quel acteur international sera chargé, concernant cette nouvelle règle internationale, d'une part d'en assurer l'élaboration et, d'autre part, d'en garantir le respect. Elle lui demande de lui indiquer si le groupe d'experts internationaux étudiera des questions aussi essentielles que la définition du développement et ses indicateurs de mesures. Elle suggère la prise en compte de l'éducation obligatoire et gratuite pour les garçons et filles de 6 à 16 ans comme critère pour tous les pays bénéficiaires de cette nouvelle ressource. Enfin, elle lui demande s'il est prévu que le groupe d'experts examine la question des fonds vautours, aux fins de ne pas permettre aux institutions financières privées qui rachètent les créances des pays du sud et qui les font valoir à des prix exorbitants, d'obtenir gain de cause sur le plan judiciaire international.

Réponse émise le 13 avril 2010

Le débat sur la possible instauration d'une contribution sur les transactions financières internationales en faveur du développement a connu une actualité nouvelle à la suite des propositions formulées par la France, dans le cadre du groupe pilote sur les financements innovants, les 28 et 29 mai 2009 à Paris. Ce processus a été engagé à l'initiative du ministre français des affaires étrangères et européennes, le 22 octobre 2009, par 12 pays pionniers (outre la France, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Chili, l'Espagne, l'Italie, le Japon, la Norvège, le Royaume-Uni et le Sénégal) qui ont créé un groupe de travail en vue de proposer, en mai 2010, des recommandations opérationnelles. Ce groupe a démarré son travail d'expertise dans un contexte où les financements innovants en général, et la question des transactions financières internationales connaissent un intérêt sans précédent. En témoignent, en particulier, différentes prises de position de responsables politiques et les discussions en cours dans les enceintes européennes et internationales (G 20, Nations unies), y compris lors des débats sur le financement de l'adaptation au changement climatique. La proposition formulée par le ministre des affaires étrangères et européennes, en mai 2009, vise à dégager des ressources financières pour le développement, mais, à la différence de la « taxe Tobin » qui entendait contrarier la spéculation sur les marchés financiers, elle aurait un très faible taux, de l'ordre de 0,005 %, afin de ne pas freiner ni perturber les marchés et garder une large base taxable. Plusieurs assiettes sont envisageables, qui devront faire l'objet de discussions entre États. Au niveau mondial, cette taxe pourrait par exemple être prélevée sur chaque transaction financière de devises étrangères - tant achat que vente. Plusieurs estimations convergentes permettent de penser qu'une taxe de 0,005 % peut fonctionner techniquement (compte tenu de l'informatisation des transactions), qu'elle pourrait, sous certaines conditions, être neutre économiquement, et qu'elle rapporterait, au plan mondial, entre 33 et 60 milliards de dollars par an. Comme le ministre a eu l'occasion de le rappeler publiquement, notamment à l'occasion d'un article cosigné avec la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (Le Monde, 2 décembre 2009), le produit d'une telle contribution pourrait être affecté à des secteurs comme l'eau, la sécurité alimentaire, l'éducation, la santé. Plus généralement, ce financement innovant aurait vocation à financer les Objectifs du millénaire pour le développement et/ou des biens publics mondiaux comme le financement de l'adaptation au changement climatique. Il appartiendra aux 12 pays du groupe de travail de déterminer, après analyse des coûts et avantages de chaque option, la meilleure solution pour financer le développement à partir des transactions financières internationales. Les pays s'appuieront dans cette perspective sur l'étude confiée à 9 experts internationaux indépendants qui ont débuté leurs travaux et d'ores et déjà procédé à plusieurs auditions. Ils étudieront différentes options techniquement envisageables pour financer le développement par le biais de taxes et de contributions volontaires assises sur les transactions financières, et notamment le mode de fonctionnement de ces mécanismes, leurs conditions de mise en oeuvre, leurs effets (bilan coûts/avantages, risques ou non de distorsions), et leur cohérence avec les instruments de financement du développement existants et l'objectif recherché (mobilisation de ressources supplémentaires pour le développement). Ils aborderont tant les options de taxes sur les transactions financières, y compris une taxe sur les transactions de change, que des mécanismes volontaires de solidarité assis sur les transactions financières internationales (cf. les initiatives du secteur bancaire en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises et de finance éthique). Les travaux en cours correspondent pleinement à la philosophie des financements innovants qui ne visent pas à se substituer à l'aide publique au développement traditionnelle mais à apporter des ressources nouvelles, stables, pérennes, en complément de l'aide publique traditionnelle, par une meilleure répartition des ressources issues de la mondialisation économique. Les 12 pays membres du groupe de travail n'ont pas arrêté le type de mécanisme le plus adapté au financement du développement ni sa nature. Le groupe devra également déterminer les secteurs possibles d'affectation des ressources levées en vue de financer les Objectifs du millénaire pour le développement et les autres objectifs de développement internationalement agréés (dont l'adaptation au changement climatique). Enfin, la question des fonds vautours ne fait pas l'objet en tant que telle d'une analyse de la part des experts dont le mandat porte sur les transactions financières internationales au sens strict. Sur ce sujet, la France a, à plusieurs reprises, fait part de sa vive préoccupation concernant ces créanciers privés qui mettent en oeuvre des stratégies contentieuses à l'encontre des pays pauvres très endettés, en rachetant une partie de leur dette souveraine à leurs créditeurs avec une très forte décote, dans le but d'en demander le paiement ultérieur par voie judiciaire. Lors des échéances internationales à venir (G 8, G 20, sommet ONU sur les OMD, suivi de la conférence de Copenhague), la question de la contribution des transactions financières au développement devrait figurer parmi les points clés sur lesquels la communauté internationale devra trouver un accord.

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