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Danielle Bousquet
Question N° 63057 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 10 novembre 2009

Mme Danielle Bousquet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le décret n° 2009-1250 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique et sur le décret n° 2009-1249 du 16 octobre 2009 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique. En effet, ces deux décrets, publiés au Journal officiel du dimanche 21 octobre 2009, créent des fichiers qui permettent la conservation de données concernant des mineurs. De plus, le second fichier contiendra des informations relatives aux signes physiques particuliers, à l'origine géographique et aux activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales des personnes inscrites dans les bases de données. Ces deux fichiers comportent un risque manifeste pour les libertés publiques. Un rapport d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale préconisait pourtant que seule la loi devait pouvoir autoriser la création d'un fichier de police. Les auteurs du rapport proposaient donc de modifier l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978, afin que les fichiers, ou toute catégorie de fichiers intéressant la sécurité publique et ceux qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté, ne soient autorisés que par la loi. Elle lui demande donc de lui indiquer si le Gouvernement entend mettre en oeuvre les propositions du rapport d'information sur les fichiers de police afin de garantir les libertés publiques.

Réponse émise le 21 septembre 2010

La réforme des services de renseignement du ministère de l'intérieur, qui a conduit à réorganiser les anciennes missions de renseignement intérieur et d'information générale, rend nécessaire la création de traitements de données à caractère personnel afin de permettre à ces services de remplir leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public. Pour répondre à ce besoin, le Gouvernement a élaboré deux décrets prévoyant la création de deux applications distinctes répondant à des finalités différentes. Publiés au Journal officiel le 16 octobre 2009, ces projets ont reçu un avis favorable de la CNIL et du Conseil d'État. Le premier de ces traitements concerne les personnes dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Le second vise à recueillir des données concernant des personnes faisant l'objet d'enquêtes administratives en application des dispositions du premier alinéa de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995. Ils garantissent un équilibre entre les impératifs liés à la protection des libertés individuelles et collectives, d'une part, et la nécessité pour les forces de l'ordre de disposer des informations nécessaires au maintien de la sécurité publique, d'autre part. S'agissant plus précisément des points abordés dans la question écrite, le recueil des données dites « sensibles » est strictement encadré. Ainsi, ne peuvent pas figurer les données à caractère racial, sexuel ou de santé. Dans les domaines politique, philosophique, religieux ou syndical, ce ne sont pas les opinions des personnes mais leurs seules activités qui peuvent donner lieu à enregistrement et ceci, uniquement dans les cas où leur comportement pourrait porter atteinte à la sécurité publique ou s'avérer incompatible avec les fonctions auxquelles elles postulent. La mise en oeuvre des deux traitements est par ailleurs entourée de garanties supplémentaires. Par exemple, le décret portant création du traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique détermine un régime spécifique concernant les mineurs. Eu égard à leur implication croissante dans des actes portant atteinte à la sécurité publique, mais également pour tenir compte de l'évolution de leur personnalité avec l'âge, il est nécessaire d'autoriser le recueil des données concernant les mineurs d'au moins 13 ans mais en instaurant à leur égard un véritable « droit à l'oubli ». Comme pour les majeurs, l'enregistrement des données ne se fonde pas sur de simples suspicions mais résulte de la constatation d'activités qui indiquent que le mineur peut porter atteinte à la sécurité publique. La durée maximale de conservation des données concernant ces mineurs est fixée à trois ans à compter de l'intervention du dernier évènement ayant donné lieu à un enregistrement dans le traitement. Elle est donc plus brève que la durée maximale de conservation applicable aux personnes majeures, qui est de dix ans, et constitue un véritable droit à l'oubli. Les données enregistrées dans le traitement relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique ne peuvent concerner que les mineurs de plus de seize ans, âge à partir duquel ils peuvent faire l'objet d'une procédure de recrutement professionnel. S'agissant du rapport de la mission d'information parlementaire relative aux fichiers de police, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales partage les préoccupations exprimées par les parlementaires et attache la plus grande attention à concilier le respect des libertés publiques et les exigences de sécurité et de maintien de l'ordre public. Il a d'ailleurs engagé un vaste travail de recensement et de régularisation éventuelle auprès de la CNIL des traitements de police. Toutefois, bien que partageant l'objectif de renforcement du contrôle du Parlement quant à la mise en oeuvre des traitements de police, le Gouvernement n'est pas favorable au recours systématique à la loi pour autoriser la création d'un fichier de police, en considérant qu'il revient au Gouvernement de décider de la création des fichiers de police, soit directement par voie réglementaire, soit à l'occasion de l'examen d'un projet de loi. Or l'adoption des préconisations du rapport parlementaire l'aurait conduit à solliciter l'adoption d'une loi pour la création de tout nouveau fichier de police, ce qui apparaît comme une contrainte excessive au regard des enjeux opérationnels. Cela étant, le Gouvernement est favorable à un renforcement de l'encadrement législatif relatif aux fichiers de police spécifiquement s'agissant de la définition par la loi des finalités au regard desquelles des bases de données peuvent être constituées dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle il a accueilli favorablement l'article 29  bis de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit déposée par M. Jean-Luc Warsmann, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 2 décembre 2009. Cet article dresse une liste exhaustive des finalités pouvant être poursuivies par les traitements de police, créés par le pouvoir réglementaire. Une fois ce nouveau cadre législatif définitivement adopté, le Gouvernement devrait à nouveau solliciter le Parlement s'il souhaitait la constitution de bases de données poursuivant une finalité autre que l'une des treize fixées à ce jour à l'article 29 bis susmentionné.

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