M. Jean-Louis Gagnaire interroge M. le Premier ministre sur la suppression de fait de l'institution du Défenseur des enfants. Deux projets de loi présentés au conseil des ministres du 9 septembre dernier proposent de supprimer l'institution du défenseur des enfants dont les missions seraient attribuées au défenseur des droits. La création du défenseur des droits est l'application directe de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Toutefois, son périmètre de compétence n'avait pas été défini à cette occasion. La dissolution de l'autorité indépendante du défenseur des enfants est une surprise pour tous, y compris pour l'institution elle-même, ses représentants n'ayant jamais été consultés par l'exécutif malgré les demandes formulées dès la présentation du projet de création d'un défenseur des droits. L'action de l'institution indépendante est aujourd'hui extrêmement précieuse pour de très nombreux enfants, par exemple les enfants battus, menacés de mariage forcés, non scolarisés par leurs parents, victimes de proxénètes ou plus simplement non écoutés dans le cadre du divorce de leurs parents. Au-delà de la méthode, on peut s'interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à vouloir supprimer cette institution au moment même où le comité des droits des enfants des Nations-unies en demande le renforcement. Le projet du Gouvernement aboutira inévitablement à un recul important des capacités dont se dote la société pour faire respecter les droits fondamentaux des enfants pour deux raisons essentielles : D'une part, l'absence d'institution spécifique dédiée à la défense des enfants aboutit à un manque de visibilité de cette mission. La visibilité de la fonction est pourtant une condition nécessaire de sa consistance et de son efficacité. Avec le projet gouvernemental, la défense des enfants perd le statut d'institution pour devenir une simple mission. D'autre part, le projet de loi supprime la référence à la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) sur laquelle était fondée l'institution de défenseur des enfants aux termes de la loi du 6 mai 2000. La future institution ne pourra donc plus se saisir des cas les plus complexes dans lesquels les enfants subissent une situation non nécessairement illégale mais contraire à leur intérêt supérieur. La législation nationale ne pourra donc plus être éclairée par des notions juridiques issues des traités internationaux. Par exemple, la future institution ne pourra plus contester la présence d'enfants dans les centres de rétention administrative. La défense des enfants serait ainsi vidée de son autorité morale et contrainte à exercer sa mission dans le cadre beaucoup plus réduit de l'examen de la conformité avec la loi. Ses interventions mais aussi ses propositions seraient inévitablement très sensiblement affaiblies. Il lui demande donc quelles sont les raisons qui ont amené le Gouvernement à présenter des projets de loi diluant l'institution du défenseur des enfants dans les missions du futur défenseur des droits. Il attire son attention sur la nécessité de maintenir une autorité administrative indépendante spécifiquement chargée des enfants et de lui permettre d'exercer ses missions à partir des engagements internationaux de notre pays et non seulement sur la base de la législation nationale.
La création du défenseur des droits représente une avancée considérable en matière de protection des droits et libertés car son statut constitutionnel lui donne une autorité morale renforcée. Il jouira d'une compétence élargie et de moyens d'action et d'investigation accrus. La logique de cette création est de regrouper dans cette entité les institutions diverses qui s'occupent des droits et libertés. Pour autant, il n'est pas question de faire disparaître leurs domaines d'action spécifique. L'inclusion des compétences du défenseur des enfants dans le champ d'intervention du défenseur des droits, par le projet de loi organique adopté par le conseil des ministres le 9 septembre 2009, reprend l'une des préconisations formulées par le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Edouard Balladur. Le défenseur des droits pourra consacrer à la défense des enfants des moyens et des pouvoirs plus étendus que ceux dont le défenseur des enfants dispose aujourd'hui. Non seulement,il pourra formuler des recommandations, alerter les pouvoirs publics sur des situations particulières, proposer des modifications de la législation ou sensibiliser l'opinion publique, mais il disposera également de pouvoirs d'injonction, de saisine de l'autorité disciplinaire compétente et d'intervention en justice. Il bénéficiera de moyens d'investigation importants, comprenant un droit d'accès à des locaux même privés, les entraves à son action étant en outre pénalement sanctionnées. La réforme opérée permettra également au défenseur des droits d'intervenir dans toutes les hypothèses, que la méconnaissance des droits des enfants soit le fait d'une administration ou d'une personne privée. Elle mettra ainsi fin au partage de compétences existant aujourd'hui entre le Médiateur de la République et le défenseur des enfants et accroîtra la lisibilité de la défense des droits des enfants. Enfin, le Gouvernement est attentif à la préservation de la spécificité, de la sensibilité et de la visibilité de la mission de défense des enfants au sein de la nouvelle institution du défenseur des droits. Le projet de loi organique prévoit des dispositions en ce sens et des modalités particulières de saisine et d'action pour faciliter la défense des droits de l'enfant. Il rappelle également son rôle dans l'information de l'autorité judiciaire des situations susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative. Par ailleurs, le transfert des personnes travaillant pour le défenseur des enfants vers les services du défenseur des droits permettra d'éviter toute perte d'expérience ou interruption dans le suivi des dossiers. La création du défenseur des droits permettra ainsi une meilleure protection des droits et libertés, plus lisible et plus efficace, y compris pour les enfants. À ce titre, en application des articles 55 et 71-1 de la Constitution, le défenseur des droits veillera au respect de l'ensemble des droits et libertés, tels qu'ils résultent des textes tant de droit interne que de droit international applicables en France, et notamment de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New ork le 26 janvier 1990 et ratifiée par la France le 7 août de la même année. Mme Versini, actuel défenseur des enfants, a été reçue par le ministre d'État afin de lui indiquer les intentions du projet du Gouvernement. Par ailleurs, à l'occasion du 20e anniversaire de la convention, M. le Président de la République a reçu, le 20 novembre les représentants des principales associations actives en matière de protection de l'enfance. Au cours de cette réunion, le chef de l'État a indiqué qu'il souhaitait que soient organisés au premier semestre 2010 avec ces associations, les conseils généraux et les réseaux des travailleurs sociaux, des états généraux de l'enfance. Ceux-ci constitueront un moment privilégié pour compléter la réforme, de façon à renforcer la défense des droits de l'enfant dans notre pays.
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