Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans la perspective de la 10e conférence des parties d'octobre 2010, sur les négociations européennes et internationales relatives à la mise en place d'un régime international sur l'accès et le partage de l'utilisation des ressources génétiques. Ce futur régime est fondé en application de la convention sur la biodiversité biologique, adoptée en juin 1992, en particulier ses articles 8(J) sur la protection des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques et 15 sur l'accès à ces ressources et le partage des avantages. Elle rappelle qu'à son initiative la réforme de la loi de 1960 portant révision du statut des parcs nationaux a intégré, en son article 9, relatif au parc amazonien de Guyane, une disposition permettant d'assurer la plus grande transparence et la plus forte légitimité démocratique aux modalités d'attribution des autorisations d'accès et d'exploitation des ressources génétiques, dans le cadre des compétences institutionnelles. Néanmoins, la Guyane, pays fournisseur de ressources génétiques et de savoirs traditionnels qui y sont associés, n'est pas toujours dotée d'un cadre législatif et réglementaire permettant de mettre en oeuvre des mesures et des sanctions appropriées à l'encontre d'actes de biopiraterie, c'est-à-dire d'actes par lesquels les opérateurs accèdent de manière illégale aux ressources génétiques ou font usage sans consentement préalable de ces ressources ou des savoirs associés. Elle souhaite que les personnes détentrices de parcelles de savoirs traditionnels soient solidaires autour d'un objectif commun de préservation et de maintien des connaissances traditionnelles guyanaises et des éléments d'innovation (au sens de l'article 8j de la convention sur la diversité biologique) et mises en réseau afin de définir la stratégie globale, à l'échelle de la Guyane ou du plateau des Guyanes, de protection de ces savoirs. Sachant qu'elle défend la participation étroite des autorités guyanaises aux négociations internationales, elle lui demande s'il est envisagé que ces autorités participent aux négociations internationales et s'il est prévu d'y associer les personnes détentrices de savoirs traditionnels pour les questions qui les concernent directement. Il voudra bien lui fournir le calendrier de travail jusqu'à la conférence des parties d'octobre 2010. Elle lui demande de l'informer sur les positions relatives à la nature du régime et de lui indiquer les mesures envisagées concernant les différentes composantes du futur régime international en matière d'accès et de partage, juste et équitable, de l'utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels. Sur la nature et le contenu du certificat qui, in fine, devrait être délivré localement, elle souhaite qu'il lui présente le système de certification de conformité à la législation nationale relative à l'accès aux ressources et aux savoirs traditionnels.
La France est très impliquée dans les négociations européennes et internationales sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation (APA), qu'elle espère voir aboutir en 2010 par l'adoption d'un protocole à la convention sur la diversité biologique (CDB). La délégation française présente aux négociations est composée des ministères concernés par le futur régime d'APA. Des experts issus de la recherche ou de l'industrie accompagnent le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM), aux groupes de travail internationaux. Les communautés traditionnelles sont présentes lors des négociations, au travers, notamment, de plusieurs associations de communautés au niveau régional. Par ailleurs, lors des dernières négociations de l'article 8j de la CDB (art. portant sur les savoirs, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales), la délégation française était constituée de deux chercheurs du Muséum national d'histoire naturelle, spécialistes des connaissances traditionnelles. Au niveau national, la consultation des communautés traditionnelles françaises est prévue dans le cadre d'une étude sur l'APA, lancée en novembre 2009 par le MEEDDM et confiée à la fondation pour la recherche sur la biodiversité. Cette étude, qui s'inscrit dans le plan d'actions outre-mer de la stratégie nationale pour la biodiversité, vise à évaluer la pertinence et la faisabilité d'un dispositif d'APA en outre-mer et devrait aboutir à des recommandations fin 2010. Elle est réalisée en concertation étroite avec le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et associe notamment la direction régionale de l'environnement (DIREN) de Guyane et l'établissement public du parc amazonien. Concernant le calendrier des négociations internationales, les négociations sur l'APA, débutées en 2004 au sein de la CDB, ont pour objectif d'aboutir à un régime international d'ici la 10èfne convention sur la diversité biologique (COP) de la CDB, programmée en octobre 2010 à Nagoya (Japon). Afin de finaliser les négociations d'ici cette échéance, plusieurs groupes de travail internationaux se tiennent régulièrement : le dernier s'est tenu à Cali (Colombie) en mars 2010 et le prochain se tiendra à Montréal en juillet 2010. L'Union européenne (UE) y est représentée par sa présidence, actuellement assurée par l'Espagne, la Commission européenne et l'Allemagne en tant que présidente de la COP de la CDB. Concernant la nature du régime, les parties ont commencé à négocier sur un projet de protocole à la CDB, lors du groupe de travail de Cali en mars dernier. De nombreuses parties sont en faveur d'un protocole juridiquement contraignant dans sa totalité (groupe africain, groupe des pays « hyperdivers » dont le Brésil et les pays andins, groupe de l'Amérique latine et des Caraïbes, Norvège). D'autres parties soutiennent un protocole de nature mixte, c'est-à-dire partiellement contraignant (UE, Suisse, Nouvelle-Zélande, Thaïlande). Concernant les mesures envisagées sur les différents éléments du futur protocole en matière d'accès et de partage, il est prévu que chaque législation nationale définisse d'une part, des procédures d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et, d'autre part, des mesures visant à encourager le partage des avantages issus de leur valorisation. L'état des positions pour chaque élément du protocole peut être présenté comme suit : le champ du régime international d'APA : alors que les pays en développement défendent l'élargissement de la portée du régime, notamment aux dérivés, aux produits et aux ressources biologiques, les pays développés plaident pour un champ limité aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, en accord avec les articles 15 et 8j de la CDB. L'UE maintient que les dérivés et produits doivent rester en dehors du champ du régime. Elle reconnaît cependant que les fournisseurs et utilisateurs, en négociant leur contrat, devront déterminer si les dérivés ou produits développés sur la base des ressources génétiques seront couverts par l'obligation de partage des avantages ; l'accès : conformément à la position européenne, la France soutient la mise en place de conditions minimales d'accès agréées au niveau international, afin que les législations nationales assurent la sécurité juridique et la transparence d'accès aux ressources génétiques. Elle soutient également des procédures d'accès simplifiées et standardisées pour la recherche non commerciale ; le partage des avantages : alors que les pays en développement insistent sur les conditions contraignantes qui doivent régir le partage des avantages, en laissant la souveraineté aux États de décider des conditions d'accès, les pays développés, quant à eux, considèrent que l'accès et le partage des avantages doivent être l'objet d'un traitement égal dans la négociation. Conformément à la position de L'UE, la France appuie la mise en place de clauses modèles sectorielles. Il s'agirait de clauses optionnelles mises à disposition des parties à un contrat, dans le respect du principe de liberté contractuelle. La France n'est cependant pas favorable à des contrats standardisés ; la conformité aux dispositions nationales d'accès : afin d'anticiper les cas d'utilisation de ressources génétiques frauduleusement acquises, l'UE a soumis à la table des négociations son interprétation de l'acquisition frauduleuse (à noter que le terme de « biopiraterie » n'a pas été retenu dans les négociations car cette notion implique une intention délictueuse du contrevenant). L'UE conditionne des engagements juridiquement contraignants sur l'acquisition frauduleuse des ressources génétiques au respect de normes minimales d'accès par le pays fournisseur. Pour cette raison, il a été proposé qu'une partie puisse décider de ne pas mettre en oeuvre des sanctions lorsque le cadre national sur l'APA d'un pays fournisseur ne garantit pas les principes de sécurité juridique, de clarté et de transparence. Concernant le système de certification de conformité à la législation nationale relative à l'accès aux ressources et aux savoirs traditionnels associés, la France considère qu'un certificat de conformité reconnu à l'échelle internationale pourrait constituer un outil pertinent pour mettre en oeuvre le régime international d'APA, sous réserve qu'il soit simple et non bureaucratique ; les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques La France, conformément à la position de ME, reconnaît le lien entre ressources génétiques et connaissances traditionnelles. Concernant l'accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques, elle pourrait accepter de se référer au consentement préalable donné en connaissance de cause des communautés. La France insiste pour que la question des connaissances traditionnelles tombées dans le domaine public et celle relative à l'acquisition frauduleuse des connaissances traditionnelles soient traitées en priorité au sein de l'Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle (OMPI). Cette organisation dispose d'un mandat de négociation pour adopter un instrument juridique de protection des connaissances traditionnelles d'ici à 2011. Enfin, le MEEDDM a, en étroite collaboration avec le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et le ministère des affaires étrangères et européennes, organisé le 12 mars dernier une journée d'information et de sensibilisation sur l'APA, auprès de la société civile (entreprises, ONG, associations, etc.). Cette réunion a permis un échange fructueux avec l'ensemble des acteurs présents.
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