Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lionel Tardy
Question N° 60536 au Ministère de la Coopération


Question soumise le 13 octobre 2009

M. Lionel Tardy attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie sur la nécessité d'aider les pays en voie de développement à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces pays n'ont pas les moyens de mettre en place des mesures efficaces de lutte contre les émissions de CO2, car cela nécessite d'importants investissements et pourrait avoir un effet négatif sur leur situation économique générale. Il apparaît nécessaire de leur apporter une aide spécifique sur ce sujet. Il souhaite donc connaître les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour flécher une partie de l'aide au développement vers la lutte contre le réchauffement climatique.

Réponse émise le 9 février 2010

1. Remarques préliminaires : 1.1. L'action de la France en matière de coopération dans le domaine de la lutte contre le changement climatique est assurée en partie par le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie (SECF) et s'inscrit dans le cadre plus large de la négociation internationale sur le climat qui est coordonnée par le ministre d'État Jean-Louis Borloo, avec le concours de plusieurs ministères et secrétariats d'État. 1.2. Parmi les PED, les grands émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.) ont beaucoup plus de moyens que les PAys les moins avancés (PMA) pour réduire ou infléchir leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), qui sont, pour certains de ces pays très importantes dans le bilan Carbone mondial (Chine, premier émetteur au monde, mais aussi Brésil, Indonésie, etc.). L'accès à l'énergie des PMA est très limité, comme leurs émissions de CO2 induites. En conséquence, la question de la coopération en matière de lutte contre le changement climatique concerne, bien que de manière très différenciée, à la fois les grands émergents et les PMA. 1.3. De par son champ de compétence, l'action du SECF couvre prioritairement les pays de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), par définition « non-émergents ». 1.4. En réponse à la remarque de M. Tardy qui note que les importants investissements des PED liés à la lutte contre le changement climatique auraient un « effet négatif sur l'économie générale », on peut faire remarquer a contrario que la plupart des pays émergents et développés y voient au contraire des opportunités de développement économique qu'ils ne sauraient manquer de mettre en oeuvre sans s'exposer à une distanciation économique et technologique rédhibitoire au cours des prochaines années. C'est également le sens de la position européenne. Cette position doit être vue à l'aune des enjeux classiques du développement et de l'aide au développement s'agissant des autres PED, et des PMA en particulier. Ainsi pour les pays émergents, il s'agit d'accroître leur efficacité énergétique et diminuer leur intensité carbone, permettant d'accroître l'accès à l'énergie, même à produit intérieur brut (PIB) constant, tout en économisant cette énergie en place (gisements de pétrole, charbon, etc.) et, ce faisant, en protégeant l'atmosphère, ainsi moins polluée par du carbone ou par tout autre GES. Pour les pays industrialisés, cela leur permet de relancer leur économie et de sauver leur dispositif industriel par l'exportation (éventuellement aidée) de techniques de productions plus propres d'énergie (captage à la source du CO2, stockage de carbone par CCS) ou de biens et services (matières premières, ciment, acier, mais pas seulement). 1.5. Cet équilibre des enjeux concernant à la fois les investissements énergétiques, la question de la dépollution de l'atmosphère et l'accès plus efficace à l'énergie, fonde le processus international en cours qui vise l'élaboration d'un traité international sur la base de l'accord de Copenhague. 1.6. La France a défendu de manière constante, en amont et durant la conférence de Copenhague, le principe d'un traité qui prévoit une aide spécifique aux PMA, essentiellement pour l'adaptation aux effets du changement climatique et l'accès à l'énergie. C'est le sens du « projet pour le monde » qui comprend un volet plan « justice climat » (en annexe de ce projet) promu par la France. 2. Le projet français « justice climat » : pour répondre aux deux objectifs de réduction des émissions mondiales et de réduction de la pauvreté, le « projet pour le monde » proposé par la France s'articule autour de différentes stratégies de croissance bas-carbone distinctes selon 4 groupes de pays, mais qui permettent à tous de faire le choix d'une croissance plus robuste et plus faiblement carbonée, gage d'une compétitivité future. 2.1. Les pays les plus pauvres et les plus vulnérables bénéficient du plan « justice climat » pour les aider à réaliser leurs objectifs urgents de croissance, de développement durable et de réduction de la pauvreté. Le plan justice climat, intégralement financé par la solidarité internationale, doit permettre de lever les fonds immédiats, prédictibles et additionnels par rapport à l'aide publique au développement. Le fonds « justice climat » comprend trois fenêtres distinctes : Afrique : objectif : faire de l'Afrique le premier continent équipé à 100 % d'énergies renouvelables en moins de 20 ans ; en faire un contributeur à l'accroissement des puits de carbone au niveau mondial grâce à la préservation des forêts et la reforestation ; lutter contre l'érosion côtière et fluviale ; coût : 305 milliards de dollars sur 20 ans ; petits États insulaires vulnérables : objectif : lutter contre les conséquences du dérèglement climatique ; coût : 30 milliards de dollars sur 20 ans ; autres PMA (pays moins avancés) et régions vulnérables des pays en développement : objectif : développement et rénovation d'infrastructures et amélioration de la gestion des catastrophes naturelles ; développement des énergies renouvelables et des équipements à basse intensité carbone ; préservation de la forêt et reforestation ; coût : 75 milliards de dollars sur 20 ans. Au total, le plan justice climat nécessite un financement de 410 milliards de dollars sur 20 ans, soit 20,5 milliards de dollars par an. Les ressources pourraient provenir d'un mécanisme de financement innovant (comme par exemple d'une taxation sur les transactions financières) ou d'une contribution universelle acquittée par l'ensemble des États à l'exception des PMA. 2.2. Les pays en développement faiblement émetteurs de GES (ceux dont le PIB par habitant est inférieur à 1 500 $ et les émissions inférieures à 2 tonnes par habitant) bénéficient d'un soutien à l'accès aux énergies décarbonées. Ces pays ne prennent pas d'engagement contraignant mais participent aux objectifs généraux de réduction des GES en élaborant des plans nationaux de réduction de leurs émissions (« NAMA ») pouvant faire l'objet d'un financement public. Pour cela, un fonds spécifique est mis en place, doté de 80 milliards de dollars sur 20 ans et ciblé sur les stratégies de décarbonation de l'énergie, d'accès aux énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. Réunis, le plan justice climat à destination des pays les plus vulnérables au changement climatique et le fonds spécifique à destination des pays en développement faiblement émetteurs de GES représentent donc un besoin de financement de 490 milliards de dollars. 2.3. Les pays émergents, qui connaissent une forte croissance économique, disposent de ressources domestiques significatives, ont un large accès au marché carbone et à ses flexibilités et dont les émissions sont supérieures à l'objectif commun de 2 tonnes de CO2 par habitant, s'engagent dans une croissance moins intense en carbone. Ils contribuent à l'objectif commun d'un pic mondial des émissions en 2020 et s'engagent sur un pic de leurs propres émissions à l'horizon 2030. Leurs plans nationaux d'actions pour le climat sont assortis de mesures (« NAMA ») de limitation des émissions à court-moyen terme permettant une déviation substantielle de leurs émissions par rapport à la tendance. Les mesures et actions de leurs plans nationaux d'actions (« NAMA ») sont financées en partie par les ressources nationales, les marchés carbone et mécanismes de flexibilité, et par la coopération financière et technologique internationale. 2.4. Les pays industrialisés prennent des engagements contraignants pour réduire leurs émissions d'au moins 80 % en 2050 par rapport à 1990 grâce à des objectifs intermédiaires à court et moyen terme. Les pays industrialisés membres du protocole de Kyoto souscrivent de nouveaux engagements de réduction à l'horizon 2020. Un tableau précise les engagements souhaités pour différents pays (ex. : Union européenne : - 20 à - 30 % en 2020 par rapport à 1990). Les pays industrialisés non membres du Protocole de Kyoto sont invités à le rejoindre ou à prendre des engagements juridiques internationaux comparables à l'horizon 2030, cohérents avec l'objectif de long terme de réduction de 80 % en 2050 par rapport à 1990. L'articulation de ces objectifs qui recouvrent les éléments clés de la position de l'UE sur les engagements que devraient prendre les pays développés pour la période post-2012, doivent prendre en compte l'étape intermédiaire de « l'accord de Copenhague ». Celui-ci stipule que les pays développés prennent l'engagement de réduire leurs émissions d'ici 2020, leurs objectifs (pour la première fois à l'échelle de l'économie toute entière) étant répertoriés dans un tableau annexé à l'accord à remplir par les parties d'ici le 31 janvier 2010 et l'engagement des parties au Protocole de Kyoto de renforcer leurs objectifs dans ce cadre, avec un système de vérification (MRV) « rigoureux, robuste et transparent ». 3. Après Copenhague : l'épreuve du feu. L'accord obtenu à Copenhague, bien qu'en deçà des attentes initiales, a cependant permis de consacrer quelques propositions clés européennes, comme le principe d'un double dispositif de financement, à court terme avec le « fast-start » (avant 2012), et à plus long terme (à l'horizon 2020). La France a été très largement à l'origine avec ses partenaires allemands et britanniques du contenu financier de l'accord de Copenhague. « Sur le fast-start ». L'accord prévoit ainsi la mise en place de « ressources financières additionnelles, prévisibles et adéquates équilibrées entre atténuation et adaptation, avec un engagement des pays développés pour un financement de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012, notamment pour les pays les plus vulnérables (PMA, SIDS et Afrique) ». Ce financement « fast-start » est réservé pour moitié aux actions d'atténuation, alors que les besoins prioritaires des PMA et AOSIS concernent avant tout l'adaptation aux effets du changement climatique et l'accès à l'énergie propre. L'engagement des pays développés, et en leur sein, de la France et ses partenaires de l'UE, recouvrent globalement les objectifs du plan justice climat. « Sur le long terme » : le principe d'un financement climat plus important des PED par les pays développés (100 milliards de dollars par an à compter de 2020) est acté, les sources génériques de financement sont citées (public, privé, bilatéral et multilatéral, mention aux financements innovants). La mise en place d'un fonds vert climat de Copenhague est actée par l'accord.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion