M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'inquiétante augmentation des procédures pénales relatives au délit d'outrage. En effet, le nombre de procédures judiciaires relatives aux délits d'outrage a presque doublé en dix ans passant de 17 700 en 1996 à 31 800 en 2006, provoquant l'indignation de nombreuses associations et entretenant le malaise entre la population et les forces de l'ordre. Selon l'article 433-5 du code pénal, constituent un outrage puni de six mois de prison et de 7 500 euros d'amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. À l'occasion d'un reportage diffusé le 10 septembre dernier et diffusé sur France 2 réalisé pour l'émission « envoyé spécial », de nombreux exemples de poursuites pour outrage ont été présentés. Si certains apparaissent justifiés, d'autres, en revanche, peuvent prêter à de nombreuses réflexions. Ainsi, au cours du reportage, un agent des forces de l'ordre était interrogé. En neuf ans, il a affirmé avoir déposé une trentaine de plaintes pour outrage. Ce cas particulier démontre néanmoins les dérives possibles de ce système. En effet, comment ne pas douter de la sincérité de certaines procédures dès lors que les sommes issues des condamnations sont reversées aux agents des forces de l'ordre au titre du préjudice moral. Ainsi, par exemple, dans le cas particulier qui était alors présenté dans cette émission, comment ne pas croire que cet agent peut avoir abusé de ses prérogatives ? Afin de lever tout doute quant à l'éventuelle motivation pécuniaire des poursuites engagées, ne conviendrait-il pas de réformer ce système pour que les sommes réparatoires allouées à l'issue d'une condamnation ne soient pas directement octroyées à l'agent concerné mais soient versées à un organisme de type oeuvres sociales de la police nationale ou de la gendarmerie ? Il souhaite donc connaître le nombre d'abus constatés depuis dix ans ainsi que les moyens mis en oeuvre pour les repérer et les éviter. Par ailleurs, afin de lever toute suspicion quant la motivation pécuniaire de telles procédures, il désire savoir s'il entend proposer une réforme du délit d'outrage pour que, a minima, les sommes octroyées pour préjudice moral ne soient pas versées aux agents mais à un organisme social de la profession.
En réponse à la question relative à la croissance du nombre des condamnations prononcées pour outrage, le ministre de l'intérieur ne peut que se référer aux chiffres donnés par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, dans sa réponse à la question posée sur le même thème (n 60442, réponse publiée au JO du 27 avril 2010 page 4774). Entre 1996 et 2008, les condamnations pour outrage sont passées de 14 046 à 23 942. Il convient cependant de noter que ce nombre ne fait pas de distinction entre les outrages proférés contre des personnes chargées d'une mission de service public (instituteurs et professeurs, chauffeurs de bus...), qui sont punis d'une amende de 7 500 EUR, et les outrages au préjudice des personnes dépositaires de l'autorité publique, dont font partie les fonctionnaires de police et les gendarmes, et qui sont punis d'une peine de six mois d'emprisonnement et 7 500 EUR d'amende. Comme tout citoyen, un agent dépositaire de l'autorité publique doit être protégé contre les atteintes qui peuvent être portées à son intégrité physique ou morale. Cette protection est même d'autant plus nécessaire que ce dernier est régulièrement confronté à des situations potentiellement violentes et donc plus exposé à la violence, physique comme verbale, que d'autres personnes. En tout état de cause, les décisions, portant tant sur le plan pénal que sur les intérêts civils, accordant une indemnité au titre du préjudice moral, sont prononcées par des juridictions indépendantes qui, après avoir établi que les faits sont constitués, les répriment au vu des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur, conformément à la loi, et accordent aux victimes des dommages et intérêts au regard du préjudice qu'elles estiment établi. Imposer aux policiers ou gendarmes, victimes d'outrage, le versement obligatoire à un organisme social de la profession des sommes qui leur sont octroyées au titre de leur préjudice moral serait contraire au principe juridique de l'intégrale réparation des préjudices, comme à celui de l'égalité des citoyens devant la loi. Par ailleurs, le Gouvernement constate que, dans la pratique, de nombreux agents versent d'ores et déjà les sommes octroyées au titre de leur préjudice moral à un organisme social de la profession. Il n'entend donc pas modifier l'état de la réglementation sur cette question.
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