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Alain Rousset
Question N° 60179 au Ministère de la Culture


Question soumise le 6 octobre 2009

M. Alain Rousset appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur l'approche défendue par le Gouvernement, pour adapter notre société à la révolution culturelle à laquelle nous invitent les nouvelles technologies du numérique. L'apparition d'Internet a durablement transformé nos vies. Ce nouveau « bien commun » nous permet désormais de réaliser, à partir d'un seul et même endroit, un nombre considérable d'actes quotidiens (achat de biens et de services, recherche d'informations, d'emploi, communication par le texte, la voix et maintenant l'image, formalités administratives, télétravail, etc.). Mais ce « monde immatériel » inquiète. S'il apparaît comme un espace d'entière liberté, la « sphère privée numérique » des internautes se voit assaillie par des entités privées et, très prochainement avec « Hadopi », par la puissance publique. Loin de vouloir faire d'Internet une zone de non-droit, il souligne, qu'à l'instar du « monde matériel », une régulation existe déjà sur Internet. Des lois permettent à la puissance publique de punir des actes délictueux comme l'intrusion, la diffamation, la contrefaçon, etc. À travers les lois dites Hadopi qui viennent d'être adoptées, c'est une toute autre logique qui prédomine. De la nécessaire régulation, nous passons à une répression « automatisée » (d'ailleurs remise en cause par le Conseil constitutionnel). Sous couvert de protéger la création artistique, le Gouvernement instaure une « surveillance généralisée d'Internet » sans pour autant répondre au véritable problème : comment assurer de manière pérenne, le financement de la culture et protéger le droit d'auteur à l'ère du numérique ? Cette problématique ne peut-être résolue sans que soit posée la question du modèle économique et juridique qui structure aujourd'hui le marché de la création artistique. Si l'on prend l'exemple du marché du CD audio, quelques chiffres sont éloquents (source : Observatoire de la musique). En 2008, 5,9 % des références réalisaient 90 % du chiffre d'affaires de ce marché. À cette concentration particulièrement inquiétante, s'ajoute la forte domination de quelques majors puisque quatre d'entre elles représentent 76,6 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs, si le marché du CD enregistre un léger recul ces dernières années, rien n'indique que le téléchargement en soit l'unique responsable. Le prix du CD, la fin du cycle de vie de ce produit ou la contraction du pouvoir d'achat des ménages sont autant de facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène. Lourdes, complexes dans leur mise en oeuvre et déjà techniquement dépassées, les lois Hadopi ne font qu'introduire un nouveau contrôle des informations privées des internautes et semblent finalement autant « déconnectées » du monde numérique que de celui de la création. À défaut d'atteindre leur objectif, elles auront par ailleurs conduit à creuser un fossé entre les artistes et leur public. Afin de permettre une juste rémunération des ayants droit et d'assurer le financement de la création, les députés socialistes ont fait - lors des débats sur ces textes - de nombreuses propositions. Ainsi, ils proposaient que les échanges de fichiers musicaux, protégés par le droit d'auteur et droits voisins à but non lucratifs, fassent l'objet d'une « contribution créative » versée par les abonnés disposant d'un accès haut débit (à raison d'une contribution mensuelle par exemple de 2 euros par mois payée par 16,7 millions de foyers abonnés au haut débit, c'est 400,8 millions d'euros de recettes par an qui pourraient être dégagées au profit de la création artistique). Il existe une autre source de rémunération de la création pour les députés socialistes : les opérateurs de communication électronique qui se servent des contenus d'images et de sons pour développer leurs services. Il apparaît logique qu'ils rémunèrent ceux qui sont à l'origine des contenus qu'ils véhiculent. Ces propositions ont été rejetées par l'actuelle majorité. S'il est fort probable que ces lois ne résoudront pas la question du téléchargement et à défaut du moratoire demandé par les députés socialistes, il estime nécessaire d'avancer sur la question de l'offre légale en ligne (engagement pris lors des accords de l'Élysée du 23 novembre 2008) permettant une juste rémunération de l'ensemble des acteurs ayant contribué à la création d'une oeuvre culturelle et particulièrement des artistes. Aussi, alors qu'il a déclaré qu'Hadopi était « nécessaire mais pas suffisant », il souhaiterait désormais connaître ses intentions en la matière.

Réponse émise le 12 janvier 2010

La loi création et Internet ne repose pas sur une approche répressive de la lutte contre le piratage, mais elle a un rôle pédagogique et préventif. Le coeur de ce mécanisme réside dans les rappels à la loi envoyés aux internautes auteurs de téléchargements illicites : plusieurs avertissements précéderont la sanction, et une étude d'opinion a montré que 90 % des personnes averties cesseraient de pirater à réception du deuxième message. La sanction de suspension de l'abonnement a été pensée comme une force de dissuasion ; seul un tribunal correctionnel, siégeant à juge unique, peut l'appliquer. La loi création et Internet, en protégeant les droits des créateurs, est une condition importante pour rendre possible le développement de l'offre légale, qui est également un des axes majeurs prévus dans les accords de l'Élysée du 23 novembre 2007. Suite à la signature de ces accords, des progrès significatifs ont déjà été accomplis en faveur du développement de l'offre légale de contenus sur Internet. Premièrement, la mise à disposition des films a été accélérée : désormais, ils seront disponible en DVD et vidéo à la demande dès quatre mois après leur sortie en salles, au lieu de six mois et sept mois et demi autrefois. D'autre part, les maisons de disques sont en train de lever les verrous numériques (DRM) qui empêchent à un consommateur d'utiliser sur plusieurs supports une oeuvre qu'il aurait achetée : une partie de ces DRM ont commencé à être levés dès la signature des accords, et les majors se sont accordées pour les lever tout à fait après la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet. Enfin, le 3 septembre 2009, le ministre de la culture et de la communication a confié une mission sur l'offre légale de contenus culturels sur Internet et sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles à M. Patrick Zelnik, accompagné de MM. Guillaume Cerruti et Jacques Toubon. L'objectif de la mission est de permettre aux consommateurs, aussi bien qu'aux acteurs de la création, de tirer tous les bénéfices du nouveau cadre juridique permis par la loi création et Internet, grâce au développement d'une offre légale attractive et de nouvelle sources de rémunération et de financement pour les artistes et les entreprises qui les soutiennent. La mission auditionne pour ce faire toutes les parties prenantes de ce secteur, les représentants des producteurs, des distributeurs, des fournisseurs d'accès à Internet et des consommateurs, pour trouver des solutions qui permettront de rémunérer la création tout en offrant au consommateur une offre diversifiée et facile d'accès. Les conclusions de la mission seront le fondement de propositions qui seront faites au Président de la République et au Premier ministre.

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