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Guénhaël Huet
Question N° 60063 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 6 octobre 2009

M. Guénhaël Huet appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les lacunes du régime juridique des autopsies judiciaires et les dysfonctionnements auxquels ce défaut d'encadrement est susceptible d'aboutir. Chaque année, de 10 à 15 dossiers portant sur la restitution de corps après autopsie arrivent sur le bureau du médiateur de la République. Constatant la récurrence des litiges, celui-ci a alerté, au mois de juin, les ministres de la justice, de la santé et de l'intérieur. Il existe en effet un vide juridique sur les autopsies judiciaires, qui ne font l'objet d'aucune disposition particulière dans le code de procédure pénale : si la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique a mis en place un encadrement des autopsies médicales, elle ne prévoit rien pour les autopsies judiciaires. C'est donc chaque praticien et chaque hôpital qui décide de sa pratique. Ainsi, faute de cadre légal et de formation suffisante, le corps est souvent restitué dans des conditions déplorables - parfois même pas recousu - choquantes pour les proches et qui ajoutent à la douleur du décès. De même, il n'existe pas de dispositions juridiques relatives au principe et aux délais pour la restitution du corps, pas plus que concernant le devenir des prélèvements d'organes, souvent détruits sans que la famille n'en soit informée. Il lui demande donc quelles mesures elle entend prendre afin de doter l'autopsie judiciaire d'un statut juridique respectant la dignité de la personne humaine tout comme la douleur des familles.

Réponse émise le 15 décembre 2009

S'il est exact qu'il n'existe pas, dans le code de procédure pénale, de dispositions inspirées de celle de l'article L. 1232-5 du code de la santé publique relatives aux autopsies médicales, les autopsies médico-légales ne sont pas pour autant entourées d'un vide juridique. Elles sont en effet soumises aux dispositions des articles 60, 77-1 et 156 à 169-1 du code de procédure pénale qui, même si elles ne leur sont pas spécifiques, encadrent rigoureusement les autopsies médico-légales en tant qu'examens techniques ou scientifiques et expertises ordonnées durant l'enquête et l'instruction. Surtout, les dispositions de l'article 16-1-1 du code civil, issu de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, qui consacre le respect dû au corps humain après la mort, ont une portée générale et impliquent, pour les médecins légistes et les personnels hospitaliers qui les assistent, de prendre toutes mesures utiles à la mise en oeuvre de ce principe fondamental, en ce compris la restauration du corps. S'agissant du délai de restitution du corps, un équilibre doit être recherché entre les nécessités de l'enquête judiciaire et la volonté légitime des proches de recueillir le corps dans les plus brefs délais : conformément à l'arrêt Panullo et Forte du 30 octobre 2001 de la Cour européenne des droits de l'homme, cet équilibre doit prendre en considération la nature et les circonstances des faits, les investigations qui doivent être accomplies et la situation personnelle et familiale du défunt. En tout état de cause, l'appréciation du moment exact de la restitution ne paraît pas pouvoir être encadré par un texte législatif ou réglementaire dont le caractère général ne pourrait prendre en considération la complexité extrême des situations rencontrées dans un nombre résiduel d'affaires. Il importe par ailleurs de souligner la qualité remarquable du travail accompli par la très grande majorité des médecins légistes et des personnels hospitaliers, ainsi que les efforts déployés par les parquets pour apporter avec délicatesse toutes les explications nécessaires aux proches des défunts. En dépit de cela, la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a tenu à adresser le 20 août 2009 des instructions à l'ensemble des procureurs généraux et procureurs de la République, afin de résoudre les difficultés, certes résiduelles, rencontrées par les proches des défunts lors de la restitution du corps à la suite d'une autopsie médico-légale. Dans ses instructions, la ministre d'État demande notamment aux procureurs de la République de veiller à ce que, d'une part, la délivrance du permis d'inhumer et, donc, l'autorisation de restitution du corps aux proches interviennent dans les plus brefs délais, et d'autre part, toutes dispositions soient prises pour remettre en état les corps avant d'être présentés et restitués aux proches. Les parquets et parquets généraux sont également invités à développer une concertation étroite avec les autorités hospitalières et sanitaires de leur ressort, afin de dégager, dans le respect des compétences de chacun, des bonnes pratiques, notamment sur la question de l'accès au corps et de sa restitution après autopsie judiciaire. S'agissant des prélèvements réalisés sur le corps du défunt aux fins d'analyse, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 3 avril 2002 (Bull. crim. n° 75) qu'ils ne constituaient pas des objets susceptibles de restitution au sens de l'article 99 du code de procédure pénale. Toutefois, consciente des enjeux humains majeurs qui entourent ces demandes de restitution de prélèvements, la chancellerie a décidé, dans le cadre des réflexions d'un groupe de travail interministériel sur les scellés animé par la direction des affaires criminelles et des grâces, d'examiner de façon approfondie l'opportunité de légiférer en la matière. Les travaux sont toujours en cours.

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