M. François Asensi attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des prisons françaises, en matière de prévention des suicides. Dans la nuit du mercredi 23 août, un détenu a mis fin a ses jours à la maison d'arrêt de Villepinte. Ce décès est le troisième dans ces circonstances, depuis le début de l'année. Le suicide de cet homme de 43 ans intervient 24 heures à peine après la présentation par elle des mesures qu'elle entend prendre contre ce problème. C'est une preuve supplémentaire de la situation dramatique dans laquelle est notre pays en matière de politique pénale. Pour l'auteur du rapport remis à elle-même sur la prévention du suicide, la première des causes est la surpopulation. Les conséquences de cette surpopulation sont bien identifiées : les suicides, les problèmes de sécurité, les risques sanitaires, problèmes dont sont victimes les détenus, mais aussi les personnels pénitentiaires. Ainsi, en mars dernier, la maison d'arrêt de Villepinte a connu une grave crise sanitaire, impliquant détenus et personnels de l'établissement, situation pour laquelle il avait alerté la précédente garde des sceaux. Le taux de suroccupation était alors de 155 %. Aujourd'hui, avec 845 détenus, il note un effort de l'administration pénitentiaire pour désengorger la prison de Villepinte, mais un effort encore trop limité. La suroccupation y est encore de 145 %, ce qui ne met pas du tout l'établissement à l'abri de conséquences dramatiques, comme le montre ce 81e cas de suicide dans une prison française. Si la solution passe donc par une inévitable réduction du nombre de détenus qui doit intervenir au plus vite, la seule réponse quantitative au problème ne suffit pas. Il faut également engager un travail qualitatif qui permette de répondre aux deux buts de la peine judiciaire : assurer la protection de la société et engager la réintégration des individus dans la société, en respectant toujours la dignité de la personne. Les manquements à ces objectifs sont pour la société contreproductifs, le taux de récidive de 60 % étant l'un des plus forts d'Europe. S'attaquer frontalement à la question du suicide en prison implique donc d'engager une politique radicalement différente qui prenne en compte le lien avec les familles, la construction d'un parcours de réinsertion, et bien entendu une augmentation conséquente de personnels pénitentiaires, formés à ces problématiques de suicide, ainsi que de nouveaux moyens humains accordés aux UCSA. Aussi il souhaite connaître les modalités concrètes et le calendrier d'application des mesures énoncées par elle. En particulier pour la maison d'arrêt de Villepinte, il attend d'elle une réponse sur le nombre de surveillants qui vont pouvoir bénéficier de la formation sur la prévention des suicides, tout comme il souhaite connaître les solutions mises en place pour lutter contre le sentiment d'isolement des détenus.
Le nombre de suicides dans les prisons françaises constitue une des préoccupations majeures du garde des sceaux, qui a clairement affirmé le 18 août 2009 sa volonté de transparence sur le sujet en rendant publiques, avec une mise en oeuvre immédiate et intégrale, les vingt recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention des suicides. Le ministre d'État a souhaité initier son action sans délai et engager un véritable plan de prévention et d'intervention avec l'ensemble des acteurs de la vie carcérale. Ce plan d'action s'ordonne autour de cinq axes : la formation du personnel pénitentiaire face au risque de suicide (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifiques) ; l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec l'utilisation de matériel adapté (cellules de protection d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones) ; l'humanisation de l'univers carcéral avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone notamment) ; le développement des expérimentations (« codétenus de soutien » et la vidéosurveillance) ; le développement des activités en détention afin de favoriser la reconstruction des personnes incarcérées. Les dispositifs expérimentés sont notamment inspirés de ceux mis en oeuvre par certains pays européens voisins dans lesquels ils ont démontré leur efficacité en termes de baisse du nombre de suicides en détention. Ils sont issus du constat de la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue à risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale ». En effet, afin de compléter les dispositifs mis en place et parvenir enfin à une baisse durable du nombre de suicide en prison, la détection puis la protection mises en oeuvre ne doivent pas être seulement l'affaire du personnel pénitentiaire et du personnel médical. Elles doivent impliquer tous les acteurs de la vie carcérale : bénévoles, intervenants divers, familles et codétenus. Concernant la maison d'arrêt de Villepinte, 75 % des personnels ont déjà suivi la formation liée à cette problématique et seront à nouveau sensibilisés à la prévention du suicide, notamment par la diffusion d'un film élaboré par le professeur Terra qui rappelle les pratiques adaptées en la matière.
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