M. Patrick Beaudouin appelle l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal. Les dispositions relatives à l'éviction du conjoint violent résultent initialement de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, complétée et précisée par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs organisent le cadre juridique de cette mesure. Elles permettent d'envisager l'éviction du conjoint à tous les stades d'une procédure pénale relative à des violences commises par une personne contre son (ex-)conjoint, son (ex-)concubin ou son (ex-)partenaire lié par un pacte civil de solidarité, afin de mettre un terme à la situation dans laquelle c'est l'époux victime qui doit quitter, souvent en urgence, le domicile conjugal. Elles ont aussi pour objectif de responsabiliser le conjoint violent, et de prévenir les passages à l'acte. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer dans quelle proportion des affaires de violence conjugale l'éviction du conjoint violent est prononcée. Il souhaiterait également savoir quelles mesures sont mises en oeuvre pour assurer l'exécution effective de ces décisions. Au regard du bilan des dispositions pénales, il lui demande s'il serait opportun d'envisager l'extension aux couples non mariés du dispositif prévu par l'article 220-1 du code civil, introduit par la loi du 16 mai 2004 relative au divorce, extension qui avait été évoquée à plusieurs reprises au cours de la discussion parlementaire.
Il résulte des chiffres du ministère de la justice et des libertés que les juridictions ordonnent de plus en plus la mesure d'éviction. Du 2e trimestre 2006 au 2e trimestre 2009, sur les 74 735 affaires pour lesquelles une mesure d'interdiction du domicile du conjoint violent pouvait être prononcée, 9 880 mesures d'éviction ont été ordonnées, soit 13,2 % des affaires (contre 10 % en 2006). La répartition de ces mesures selon le cadre juridique permet de constater que les mesures d'éviction du conjoint sont prononcées pour 32,9 % d'entre elles dans le cadre d'alternatives aux poursuites, pour 29,3 % dans le cadre d'un contrôle judiciaire et pour 34,5 % suite à une condamnation. Il convient de préciser que si la mesure d'éviction elle-même n'est pas prononcée, cela n'exclut pas que d'autres mesures, telles que l'interdiction de paraître en tout lieux ou l'interdiction d'entrer en relation avec la victime, puissent être ordonnées, notamment dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Ces mesures conduisent également l'auteur des violences à devoir quitter son domicile. Le non-respect de la mesure d'éviction a des conséquences variables suivant le cadre dans lequel la mesure est ordonnée. Ainsi, dans le cas d'une alternative aux poursuites, l'auteur s'expose à l'exercice de poursuites devant le tribunal correctionnel. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, l'auteur peut être placé en détention provisoire. En cas d'obligation d'un sursis avec mise à l'épreuve, il encourt la révocation de ce sursis et le placement en détention. Dans le cas d'un suivi socio-judiciaire, l'auteur encourt le prononcé d'une peine d'emprisonnement fixée initialement par le tribunal. Le non-respect de la mesure d'éviction par l'auteur des violences est en général porté à la connaissance des services de police ou de l'autorité judiciaire par la victime elle-même. En l'état du droit actuel, il n'existe pas de dispositifs électroniques permettant de s'assurer que l'auteur ne s'approche pas du domicile dont il a été évincé. Seul le placement sous surveillance électronique mobile pourrait correspondre à un tel dispositif. En effet, il permet la programmation de « zones d'exclusion » dans lesquelles le condamné a interdiction de se rendre et ainsi de vérifier que celui-ci ne s'approche pas du domicile de la victime. Cette mesure ne peut toutefois être ordonnée que dans un cadre post-sentenciel (libération conditionnelle, surveillance judiciaire suivi socio-judiciaire, surveillance de sûreté). Cependant la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit la possibilité du placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre pré-sentenciel dès lors que la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans d'emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. S'agissant de la possibilité d'ordonner l'éviction du conjoint violent au plan civil, en application de l'article 220-1 du code civil, le ministère de la justice et des libertés envisage d'étendre la saisine du juge aux affaires familiales sur ce fondement à tous les couples, même non mariés, qu'ils vivent en concubinage ou aient conclu un pacte civil de solidarité. Le ministère de la justice et des libertés travaille ainsi à améliorer la prise en charge des auteurs de violences en vue d'écarter tout risque de récidive et de mieux protéger les victimes sur la durée.
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