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Jean-Claude Viollet
Question N° 58794 au Ministère de l'Alimentation


Question soumise le 22 septembre 2009

M. Jean-Claude Viollet attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation très préoccupante des producteurs de lait. Cette situation n'est certes pas nouvelle puisqu'en 2008 déjà, le prix du litre de lait, qui variait jusque là de 30 à 33 centimes, chutait entre 21 et 23 centimes, bien en dessous du coût de production. Cette dégradation trouvait pour l'essentiel son origine dans le fait que l'Europe, dont la politique de quotas cumulée à une régulation des marchés avait, dans les années 1980, permis de régler les problèmes d'excédents tout en stabilisant les prix, avait, en outre, mis fin, en 2003, au soutien des marchés, tout en conservant les quotas. Cette évolution devait conduire à un marché totalement déprimé, avec des stocks reconstitués, malgré les quotas, engendrant une grande volatilité du prix du lait à la production, qui devenait alors la seule variable d'ajustement. Après l'accord intervenu le 1er décembre 2008 sur le prix du lait pour les mois de novembre et décembre 2008, ainsi que pour le premier trimestre 2009, il était clair qu'il fallait aller plus loin, en travaillant avec l'ensemble des acteurs de la filière sur les modalités d'une contractualisation garantissant aux producteurs, sur la durée, des volumes et des prix déterminés sur la base d'indicateurs fiables. Tel était le sens de l'amendement adopté lors de l'examen, par l'Assemblée nationale, des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » pour l'année 2009, qui créait un nouvel article L. 632-14 du code rural, permettant au Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) d'élaborer et de diffuser des indices de tendance des marchés laitiers, sur lesquels pourraient s'appuyer les centres régionaux pour fixer les valeurs entrant dans le prix de cession du lait aux collecteurs et aux transformateurs. L'accord conclu le 3 juin 2009, qui inscrivait les relations entre producteurs et industriels dans un cadre contractuel, devait assurer cette visibilité et cette stabilité dont l'ensemble de la filière avait besoin, une enquête sur les prix et les marges auprès des entreprises de transformation et de la grande distribution devant permettre toute la transparence nécessaire. Au surplus, le Gouvernement s'engageait dans un plan d'accompagnement pour les exploitations les plus fragilisées, dont les modalités devaient être négociées avec les organisations professionnelles, et à un versement anticipé des aides directes européennes. Toutefois, la crise persistant, et de nombreux producteurs s'estimant aujourd'hui menacés dans la survie même de leur activité, ce qui les a conduits à s'engager dans une « grève du lait », il lui demande de lui indiquer l'état de mise en oeuvre des différents engagements déjà pris jusqu'à ce jour par le Gouvernement, pour que notre agriculture ne soit pas emportée par la crise majeure qu'elle traverse, et de lui préciser quelles autres mesures, plus structurelles, sont envisagées pour une juste valorisation de la production laitière de notre pays, seule à même de garantir, dans la durée, la pérennité de la filière.

Réponse émise le 8 décembre 2009

Après une période favorable en 2007, les marchés laitiers se sont retournés à partir du second semestre 2008. Depuis le début de l'année, la situation est restée dégradée, même si la mise en oeuvre, à la demande de la France, des dispositifs communautaires de régulation des marchés des produits laitiers a permis de stabiliser les cours, voire de favoriser une amélioration depuis quelques semaines. Au niveau national, des efforts importants ont été consentis pour soulager la trésorerie des producteurs. Ainsi, 60 millions d'euros ont été affectés depuis le mois de juin à des aides en trésorerie, destinées notamment aux jeunes agriculteurs et aux récents investisseurs (prise en charge d'intérêts d'emprunts et de cotisations sociales...). Le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a obtenu que les banques débloquent dès le mois de septembre, 250 millions d'euros pour consentir des prêts de trésorerie aux jeunes agriculteurs et aux récents investisseurs, à des taux préférentiels et dont le remboursement ne commencera qu'en 2011. Les assureurs et la mutualité sociale agricole se sont également engagés à reporter leurs appels à cotisation, au cas par cas. Par ailleurs, 70 % du montant des aides directes versées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ont pu être versés dès le 16 octobre 2009, au lieu du 1er décembre 2009. Les producteurs laitiers pourront également bénéficier du plan exceptionnel de soutien à l'agriculture française qui a été annoncé par le Président de la République le 27 octobre 2009 à Poligny. Ce plan prévoit des prêts bancaires à hauteur d'un milliard d'euros et un soutien de l'État de 650 millions d'euros : 60 millions d'euros seront mobilisés pour alléger les charges financières des agriculteurs, avec la prise en charge d'une partie des intérêts des prêts de reconstitution de fonds de roulement ou de consolidation. Par ce soutien, le taux d'intérêt réel des prêts de trésorerie et de consolidation sera réduit à 1,5 % sur cinq ans, et à 1 % pour les jeunes agriculteurs ; 200 millions d'euros permettront de prendre en charge une partie des intérêts de l'annuité non bonifiée 2010 et d'accompagner les agriculteurs les plus en difficulté ; 50 millions d'euros permettront la prise en charge des cotisations à la mutualité sociale agricole. Depuis le 9 novembre 2009, les agriculteurs ont accès au dispositif. Ces mesures s'inscrivent en particulier dans le cadre spécifique des aides d'État au secteur agricole dans le contexte de la crise économique mondiale. Ainsi, pour la période 2008-2010, le plafond d'aide auquel les agriculteurs peuvent prétendre a été doublé et s'élève à 15 000 euros. Ce relèvement a été obtenu suite à la demande de la France. Enfin, les producteurs laitiers pourront bénéficier des mesures suivantes annoncées par le Président de la République à Poligny : 50 millions d'euros seront consacrés à la prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti, au cas par cas ; 170 millions d'euros permettront le remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel ; enfin, 120 millions d'euros seront utilisés pour le remboursement, dès le premier trimestre, de 75 % du montant de la taxe carbone 2010. Au niveau européen, dès le début de la crise laitière, la France a plaidé, conjointement avec l'Allemagne, pour une politique volontariste pour faire face à l'urgence et pour réguler les marchés : les mesures de gestion des excédents sur les marchés (achat publics sur les marchés du beurre et de la poudre de lait écrémé, aide au stockage privé de beurre, aides aux exportations) ont été activées et adaptées par la Commission. La période d'intervention sur les marchés du beurre et de la poudre a été prolongée et l'aide au stockage privée avancée au 1er janvier et prolongée exceptionnellement. Ces mesures ont contribué à la stabilisation des marchés en 2009 : au total, 83 222 tonnes de beurre ont été achetées au titre de l'intervention dans VUE, dont 16 654 tonnes en France, 135 633 tonnes au titre du stockage privé, dont 24 134 tonnes en France, et 282 587 tonnes de poudre de lait, dont 62 098 tonnes en France ; une enveloppe de 300 millions d'euros supplémentaires a été obtenue pour aider les producteurs de lait dès le début de l'année 2010. C'est un effort important, représentant un accroissement de l'aide européenne prévue pour 2010 de 50 %. Les modalités précises de mise en oeuvre de cette aide restent à définir, mais les producteurs français devraient bénéficier d'environ 50 millions d'euros à ce titre. Enfin, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, vingt-deux pays européens se sont engagés dans une nouvelle régulation européenne des marchés. Un groupe à haut niveau a été chargé de proposer des perspectives à moyen terme, selon les axes suivants : donner aux producteurs, au niveau européen, les moyens juridiques de s'organiser de façon efficace afin de rééquilibrer le dialogue entre producteurs et transformateurs et afin de donner aux uns comme aux autres la visibilité dont ils ont besoin. Au niveau national, une réflexion analogue est conduite en concertation avec l'interprofession, en vue de déboucher sur un nouvel encadrement législatif et réglementaire des relations entre producteurs et industriels ; améliorer les instruments de gestion des marchés existants afin de les rendre plus efficaces et réactifs, et développer de nouveaux outils d'encadrement des marchés, pour éviter les comportements spéculatifs ; renforcer la transparence dans le secteur laitier, en permettant une meilleure information des acteurs du secteur sur les évolutions de marchés, et en permettant une meilleure information des consommateurs, à travers l'étiquetage sur la nature des produits et les lieux de production ; rendre le secteur plus compétitif grâce à l'innovation et la recherche. Ce groupe se réunit chaque mois. Il doit rendre ses conclusions au plus tard en juin 2010. La France a demandé à la commission de formuler au plus vite des propositions. Le Conseil européen des chefs d'État et de Gouvernement a confirmé ces orientations les 29 et 30 octobre 2009.

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