Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont appelle l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la demande faite aux producteurs de fruits et légumes français de rembourser les aides octroyées par l'État entre 1992 et 2002, au motif que la Commission européenne considère qu'elles constituaient une entrave à la libre concurrence et qu'elle brandit la menace de sanctions financières. Cette annonce a été d'autant plus mal perçue par cette filière qu'elle intervient au moment même où le secteur des fruits et légumes connaît de grandes difficultés et que les aides allouées étaient destinées à la seule gestion des marchés en crise. Face à l'exigence de la Commission européenne, deux problèmes apparaissent, l'un national et l'autre européen ; sont en effet soulevées, d'une part, la question des modalités de remboursement car nul n'est en mesure de préciser les agriculteurs capables de procéder au remboursement et, d'autre part, celle de la non-harmonisation du coût horaire de la main d'oeuvre en Europe qui entraîne un concurrence déloyale entre pays producteurs. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures entend adopter le Gouvernement pour que les producteurs de fruits et légumes ne soient pas fortement pénalisés par l'appréciation portée par l'Europe sur les soutiens accordés par l'État à ses agriculteurs, sa réaction mettant en exergue l'abandon regrettable des outils de régulation des marchés agricoles. Elle insiste également sur la nécessité de prôner, à l'occasion des prochaines négociations de la réforme de la PAC, une amélioration de la répartition des aides européennes et de la formation des prix.
Dans un contexte marqué par la libéralisation des marchés, les conséquences sur le marché intérieur de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union européenne, ainsi que par la faiblesse de l'organisation commune de marché (OMC) fruits et légumes, les gouvernements successifs ont apporté entre 1992 et 2002 des subventions directes aux filières des fruits et légumes, sans les notifier à la Commission européenne. Les échanges d'informations entre la Commission européenne et le gouvernement français ont duré de 2002 à 2009. Dans une décision du 28 janvier 2009, la Commission européenne a déclaré les aides illégales et incompatibles avec le droit communautaire. Les autorités françaises ne contestent le montant des remboursements. En ce qui concerne la procédure contentieuse, un recours en annulation de la décision a été déposé par les autorités françaises devant le tribunal de première instance des Communautés européennes le 8 avril 2009. Les professionnels français ont déposé également deux recours début juin et fin août 2009. Cette procédure, longue (entre trois et quatre ans), suit son cours. Concernant la procédure administrative, dans sa décision de janvier 2009, la Commission européenne a enjoint aux autorités françaises de procéder au recouvrement immédiat des aides illégales, au risque, en cas de non-exécution, d'un recours en manquement devant les autorités juridictionnelles européennes. Un report sur l'exécution de la décision avait été obtenu au 29 juillet 2009. Les autorités françaises ont lancé une procédure d'expertise du dossier. Si elles n'avaient pas apporté à la Commission des gages d'un début d'exécution de la décision, un double risque aurait été encouru : 1. un risque financier. La France aurait pu être condamnée dans le cadre d'une procédure de manquement à une amende et à des astreintes de plusieurs dizaines de millions d'euros jusqu'à exécution de la décision. La condamnation était certaine au regard de la non-notification des aides. Pour mémoire, lors d'une procédure précédente (« poissons sous-taille »), la France avait été condamnée dans le cadre d'une procédure en manquement. Elle avait dû s'acquitter d'une amende et d'astreintes (78 millions d'euros), pour finalement exécuter la décision de la Commission européenne ; 2. un risque politique. Une réponse négative des autorités françaises aurait ouvert une crise politique majeure non seulement avec la Commission européenne mais également avec les autres États membres de l'Union européenne. Elle aurait affaibli notre crédibilité à quelques mois de l'ouverture de la négociation sur la Politique agricole commune (PAC). Pour les mois à venir, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a obtenu de la Commission européenne un délai supplémentaire pour le lancement de la procédure. Il ne s'agira dans un premier temps que d'une poursuite de l'expertise pour identifier les bénéficiaires et clarifier le montant à recouvrer. Les autorités françaises ont ainsi remis le 29 septembre 2009 un rapport d'étape qui vise à informer la Commission des travaux d'expertise en cours. La remise de ce document intervient dans le cadre des relations suivies qu'entretiennent la Commission et le gouvernement français dans la gestion de ce dossier. L'action des autorités françaises est guidée par le double objectif de défendre les intérêts de la filière fruits et légumes en travaillant à la réduction des sommes à recouvrer, dont le montant est contesté, et de respecter les engagements européens de la France, en veillant à lui éviter une procédure en manquement qui l'exposerait à une lourde amende. Le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche veut également agir dans un esprit de responsabilité pour apporter des solutions de long terme à une filière en situation de crise grave et préserver la position de la France en Europe.
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