M. Franck Marlin appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la différence d'emploi des armes entre les services de police et de la gendarmerie. En effet, bien que relevant désormais du même ministère de tutelle, les deux services ne sont toujours pas soumis aux mêmes règles sur ce point. Ainsi, les gendarmes peuvent faire usage de leur arme après avoir appelé plusieurs fois « Halte gendarmerie », conformément au code de la défense, tandis que ceux de la police ne peuvent en faire usage que dans le strict cadre de la légitime défense. Comprenant l'incompréhension que cette distinction peut susciter, il lui demande s'il entend aligner l'emploi des armes de la police sur celui de la gendarmerie, dans un souci de cohérence.
Si la police et la gendarmerie nationales exercent, dans leurs activités quotidiennes, des missions presque identiques, leurs secteurs d'intervention, leur organisation, leurs modes d'action et leur régime d'usage des armes diffèrent sensiblement. Hormis les cas d'interventions en milieu pénitentiaire, qui font l'objet d'un régime spécial, l'emploi de la force par la police nationale est fondé sur les règles de la légitime défense (art. 122-5 du code pénal) ou de l'état de nécessité (art. 122-7 du code pénal). Pour le maintien de l'ordre public, l'article 431-3 du code pénal permet par ailleurs aux représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement de faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent. L'article 73 du code de procédure pénale, qui donne qualité aux policiers (comme d'ailleurs à tout citoyen) pour appréhender l'auteur d'un crime flagrant ou d'un délit flagrant, leur permet également de faire usage de la force. Quels qu'en soient les modalités et le fondement juridique, l'usage de la force est soumis au principe de nécessité et de proportionnalité exigé par la jurisprudence de la Cour de cassation comme par celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Des instructions internes à la police nationale rappellent régulièrement les exigences de ce cadre juridique. S'agissant de la gendarmerie nationale, outre les situations évoquées ci-dessus pour l'usage de la force, ses officiers et sous-officiers peuvent déployer la force armée dans les cas énumérés à l'article L. 2338-3 du code de la défense. Ce texte dispose que « les officiers et sous-officiers de gendarmerie ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants : 1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ; 2° Lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ; 3° Lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de « Halte Gendarmerie » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ; 4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt ». La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 février 2003, a réaffirmé le droit élargi des gendarmes de faire usage de leurs armes tout en le subordonnant à un principe d'absolue nécessité. Il est cependant important de souligner que en vertu d'une instruction relative au port de la tenue civile du 25 mars 2008 et d'une jurisprudence constante, les gendarmes voient leur pouvoir limité aux seuls cas où ils opèrent en tenue militaire. Quand ils sont autorisés à agir en tenue civile, ils ne peuvent faire usage de leur arme qu'en état de légitime défense, et sont par conséquent alors soumis à un régime identique à celui des policiers. Le régime d'usage des armes pour les gendarmes fait l'objet de directives internes à la gendarmerie nationale qui rappellent, au-delà du cadre légal, les conditions strictes posées par la jurisprudence nationale et européenne. Les différences d'emploi de la force entre la police nationale et la gendarmerie nationale s'expliquent, notamment, par le caractère particulier et périlleux de l'usage des armes en milieu urbain, zone de compétence de la police nationale, mais aussi par le statut militaire de la gendarmerie nationale et la nature des missions susceptibles de lui être confiées. Toutefois, suite à la loi du 3 août 2009 précitée, un décret relatif à l'emploi de la force pour le maintien de l'ordre public, qui sera prochainement publié, vise à uniformiser les conditions d'emploi des armes dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre public entre forces de police, forces de gendarmerie et forces armées autres que la gendarmerie nationale appelées à participer à de telles opérations. Ce texte prévoit notamment que l'emploi de la force par les représentants de la force publique n'est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l'ordre public et que la force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser. Ce texte précise que, hors les deux cas d'usage des armes prévus à l'article 431-3 du code pénal (voies de fait exercées contre les forces de l'ordre et défense de la position occupée par ces derniers), les représentants de la force publique ne peuvent faire usage des armes à feu pour le maintien de l'ordre public que sur ordre exprès des autorités habilitées à décider de l'emploi de la force. Ce projet de décret prévoit également le type d'armes à feu susceptibles d'être utilisées par les forces de l'ordre selon la situation dans laquelle elles se trouvent au regard de l'article 431-3 précité. Les conditions d'emploi des armes deviennent donc identiques entre policiers et gendarmes dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre.
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