M. Francis Saint-Léger attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation du Darfour. Il désire connaître la position de la France à ce sujet.
1. La crise du Darfour a causé depuis 2003 l'une des plus importantes crises humanitaires au monde, avec 2,3 millions de personnes déplacées, 250 000 réfugiés et probablement plus de 300 000 morts selon l'ONU. Le Darfour ne connaît plus les violences et déplacements forcés de population de masse des années 2003-2004. Mais l'insécurité généralisée, avec l'extension du banditisme, les opérations militaires gouvernementales et des milices, ainsi que celles des rebelles (attaque de la capitale du Soudan, Khartoum, le 10 mai 2008) et les violences inter-ethniques ou tribales, continue de causer un flux permanent de nouveaux déplacés. La perpétuation de cette crise sécuritaire, humanitaire et politique menace l'avenir du Soudan, le plus grand pays d'Afrique, et à travers lui la stabilité de l'Afrique centrale et orientale. La dimension régionale de la crise affecte directement le Tchad aux plans sécuritaire et humanitaire (accueil de réfugiés, violences transfrontalières ayant causé 170 000 déplacés dans l'Est tchadien au printemps 2007), et les relations politiques entre les deux pays (soutiens croisés aux rébellions, offensive de rebelles tchadiens partis du Darfour jusqu'au centre de N'Djamena fin janvier 2008, rupture des relations diplomatiques entre les deux pays après l'attaque de rebelles du Darfour contre Khartoum en mai 2008). Au-delà, ce sont aussi les relations entre le monde arabe et l'Afrique noire qui se jouent avec la crise du Darfour. 2. Devant l'ampleur et les enjeux de la crise, la France a souhaité prendre une part active aux efforts internationaux visant à son règlement. Depuis quinze mois, elle n'a cessé de se placer en initiative, cherchant à créer de nouvelles dynamiques autour des priorités suivantes : 2.1. Rechercher l'unité de la communauté internationale. La réunion ministérielle du groupe de contact élargi, à Paris, le 25 juin 2007, a créé une occasion d'échanges sans précédent entre les principaux acteurs internationaux, dont la Chine. Des consultations permanentes avec nos partenaires américains, britanniques et au sein de l'Union européenne, et régulières avec la Chine, l'Union africaine, la Ligue arabe et les membres du Conseil de sécurité, s'inscrivent dans la même perspective. 2.2. Renforcer la sécurité par le déploiement d'une opération de maintien de la paix robuste et la recherche d'une cessation effective et contrôlée des hostilités. La France a été à l'initiative, avec le Royaume-Uni, de la résolution 1769 du Conseil de sécurité (juillet 2007), décidant l'envoi au Darfour d'une force de maintien de la paix (MINUAD) de 26 000 hommes, pour succéder à l'opération conduite par l'Union africaine (AMIS). 7 % du budget de la MINUAD (sur un total de 1,3 milliard de dollars américains la première année) sont acquittés par la France, conformément aux règles financières en vigueur aux Nations unies pour les opérations de maintien de la paix. Auparavant, la France avait appuyé la force de l'Union africaine avec une contribution de 100 millions d'euros entre 2004 et 2007 (dont 82,5 millions via l'Union européenne) au titre d'une participation au versement des salaires. L'objectif, avec nos partenaires, est d'accélérer l'arrivée des soldats de la paix, la force ne comptant pour l'heure que 10 000 soldats et policiers, en cherchant à lever les réticences des autorités soudanaises et en apportant un appui aux contributeurs de troupes africains, qui constituent l'essentiel de la force à la demande du Soudan (la France contribue à la formation des unités sénégalaises et burkinabés ; cet appui sera complété, au niveau de l'équipement, par la mise à disposition de quinze véhicules d'avant blindés). Des propositions françaises ont été également adressées à la MINUAD en vue de renforcer la surveillance des accords de cessez-le-feu. 2.3. Poursuivre l'appui aux opérations humanitaires, via les ONG et les agences humanitaires des Nations unies (vingt-neuf millions d'euros en 2007-2008, dont la moitié à travers les mécanismes européens). 2.4. Appuyer la recherche d'une solution politique à la crise, en appuyant les efforts de la comédiation ONU-Union africaine : contacts avec les mouvements rebelles, Khartoum et les différents pays de la région pour faciliter le dialogue ; appui à la normalisation des relations entre le Tchad et le Soudan, au travers notamment des mécanismes de l'accord conclu à Dakar en mars 2008. La France a un statut d'observateur au sein du groupe de contact prévu par l'accord. À ce titre, elle a présenté des propositions pour l'établissement de mesures concrètes de confiance entre les deux pays. 2.5. Traiter la dimension régionale de la crise aux plans sécuritaire, humanitaire et de l'aide à la reconstruction des régions affectées du Tchad. À l'initiative de la France, l'opération européenne Eufor Tchad/RCA est déployée dans l'est du Tchad et le nord-est de la RCA. Sous mandat des Nations unies (résolution 1778 du Conseil de sécurité, août 2007), cette force contribue à sécuriser ces zones, en vue de créer des conditions favorables au retour des déplacés et de protéger les populations réfugiées. La France est le principal contributeur à Eufor, qui est en passe d'atteindre sa pleine capacité opérationnelle : fourniture de 2 100 des 3 700 soldats, mise à disposition de 9 hélicoptères et du quartier général du Mont-Valérien. Au-delà de la crise du Darfour, avec la participation d'une vingtaine d'États membres, sous commandement irlandais, Eufor Tchad/RCA est un succès pour la politique européenne de sécurité et de défense. Comme les autorités françaises l'avaient proposé, l'ONU a débuté le déploiement d'une opération de police complémentaire (MINURCAT), présente à l'intérieur des camps de déplacés et de réfugiés. L'objectif est de parvenir à une relève d'Eufor par l'ONU, dans le cadre d'un mandat redéfini, à l'issue de l'engagement européen d'un an, qui s'achèvera le 15 mars 2009. 2.6. Lutter contre l'impunité en soutenant les procédures de la Cour pénale internationale, qui a été saisie de la situation au Darfour à l'initiative de la France (résolution 1593 du Conseil de sécurité - mars 2005). Il n'y aurait en effet pas de paix juste sans justice. À ce jour, la CPI a délivré deux mandats d'arrêt internationaux contre des ressortissants soudanais. La cour ne s'est pas encore prononcée sur la demande de mandat d'arrêt émis par le procureur, le 14 juillet dernier, à l'encontre du président Bachir.
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