M. Marc Joulaud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le caractère violent et infamant du clip de « Moha du 72 » diffusé depuis des mois sur Internet. On voit notamment dans ce clip des personnes faisant semblant d'uriner sur un bureau de police de quartier et insultant la police. Ce clip vidéo, ouvertement outrageant envers la police, a fait l'objet d'un dépôt de plainte du directeur départemental de la sécurité publique. Cette plainte a été classée en raison, d'une part, du fait que seule la plainte du ministre de l'intérieur pouvait permettre l'ouverture des poursuites et, d'autre part, de la prescription des faits. Ainsi aujourd'hui ce clip vidéo est toujours en ligne et continue à être visionné par des centaines d'internautes. Il lui demande s'il est envisageable de permettre que la plainte préalable en matière d'injure ou de diffamation envers les corps constitués et les administrations publiques puisse être déposée dans le cas de la police nationale, par le directeur de la sécurité publique et non seulement par le ministre de l'intérieur. Plus généralement il demande si le délai de prescription des infractions commises par voie de presse pourrait être revu lorsque cette infraction a été commise sur Internet. Il souhaite connaître sa position sur ce sujet et les éventuelles mesures qu'elle entend prendre pour remédier à une telle situation.
La garde des sceaux rappelle à l'honorable parlementaire que, après un arrêt du 15 décembre 1999 dans lequel la Cour d'appel de Paris avait considéré que ces infractions étaient des délits continus, par arrêts des 31 janvier 2001, 16 octobre 2001 et 27 novembre 2001, la Cour de cassation a réaffirmé que le délai de prescription de l'action publique en matière d'infractions de presse commises sur Internet court à partir du jour où « le message a été mis en place pour la première fois à la disposition des utilisateurs ». La loi pour la confiance dans l'économie numérique du 23 juin 2004 prévoyait de faire une distinction en matière de prescription suivant le support utilisé pour commettre l'infraction de presse. Ainsi, si le message était uniquement diffusé par le biais d'Internet, ou s'il avait d'abord été diffusé sur Internet, la prescription trimestrielle de l'action publique prévue à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ne commençait à courir qu'à partir du moment où la mise en ligne du message litigieux avait cessé. Cette disposition a été jugée contraire à la constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2004-496 du 10 juin 2004. Le conseil Constitutionnel a estimé que si, par elle-même, la prise en compte de différences dans les conditions d'accessibilité d'un message dans le temps, selon qu'il est publié sur un support papier ou qu'il est disponible sur un support informatique, n'est pas contraire au principe d'égalité, toutefois, la différence de régime instaurée, en matière de droit de réponse et de prescription, par les dispositions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique. Le Sénat a voté, en première lecture, le 4 novembre 2008, la proposition de loi déposée par M. le sénateur Marcel Cleach visant à allonger de trois mois à un an la prescription des délits de presse lorsqu'ils sont commis sur Internet, avec cette réserve que lorsque le message diffusé en ligne ne sera que l'exacte reproduction d'un article ou de propos diffusés par la presse écrite ou audiovisuelle, le délai de prescription sera maintenu. En outre, il faut noter que la jurisprudence relative à la réédition qui fait courir un nouveau délai de prescription semble s'appliquer aux infractions de presse commises sur Internet. En effet, plusieurs décisions juridictionnelles ont consacré la notion de réédition sur internet lorsque les propos sont remis où maintenus en ligne mais accompagnés de nouvelles informations ou présentés sur un nouveau support technique. La juridiction a en effet considéré que lors de chaque nouvelle mise en vente, une information différente était proposée aux internautes en matière de nombre d'objets proposés et de prix. Aussi, la juridiction correctionnelle a-t-elle considéré, dans la décision précitée, que chaque mise à jour d'un site Internet constituait une infraction nouvelle, distincte de l'offre initiale, qui permettait de faire courir un nouveau délai de prescription trimestrielle. Par ailleurs, la garde des sceaux indique à l'honorable parlementaire que, si l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, qui subordonne la mise en oeuvre de l'action publique en matière d'injure ou diffamation envers une administration publique à la plainte du ministre duquel l'administration relève, peut paraître constituer un frein aux poursuites, cette disposition permet un contrôle par l'autorité hiérarchique des procédures engagées au nom de l'administration. La garde des sceaux rappelle que plusieurs procédures ont été diligentées, sur plainte du ministre de l'intérieur, relatives à des propos diffamatoires envers la police nationale, notamment tenus par des groupes de rap. En outre, lorsque les propos injurieux ou diffamatoires, visent, en premier lieu, les agents des administrations, ceux-ci disposent, en application de l'article 48 3e de la loi du 29 juillet 1881, de la possibilité de déposer plainte de leur propre chef, et même, aux termes du dernier alinéa de l'article 48 de cette même loi, de mettre en mouvement l'action publique. La protection des serviteurs de l'État victimes de propos injurieux ou diffamatoires paraît ainsi convenablement assurée par les dispositions légales.
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