M. Bernard Brochand attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la nécessité de la création d'un cinquième risque de la protection sociale pour la prise en charge de la dépendance. En effet, la dépendance est souvent regardée comme un risque qui ne toucherait que la frange la plus âgée de la population, laquelle, selon les projections de l'INSEE, devrait doubler d'ici à 2050 : 16 % de la population française aura alors plus de 75 ans. Néanmoins, la dépendance est un risque qui concerne l'ensemble de la population, depuis la petite enfance jusqu'à la retraite. Or le système actuel, caractérisé par la complexité de ses dispositifs et par l'enchevêtrement des compétences entre les acteurs qui en assurent la gestion, n'est pas à la hauteur de ce défi, alors qu'il implique pourtant déjà 19 milliards d'euros pour le seul financement de la perte d'autonomie des personnes âgées. À ce titre, la création d'un véritable cinquième risque de la protection sociale est un des enjeux majeurs auxquels nous devons faire face. Dans cette perspective, le rapport de la mission commune sur la dépendance rendu par les sénateurs M. Philippe Marini et M. Alain Vasselle le 8 juillet 2008 a mis en avant la prévoyance individuelle en tant que principe de base pour le financement de ce 5e risque. En effet, la création d'une cotisation obligatoire permettrait tout à la fois de responsabiliser les assujettis et de leur garantir un certain nombre de droits. Pourrait s'y ajouter une assurance complémentaire facultative. En effet, si le nombre des souscripteurs à un contrat d'assurance contre le risque de dépendance (individuels ou dans un cadre collectif) est de 2,5 à 3 millions, la performance doit cependant être relativisée au regard des 13 millions de retraités. A fortiori, il existe un véritable problème de sensibilisation du public, notamment du public jeune, à l'égard d'un risque dont la réalisation est aléatoire et éloignée dans le temps. En outre, la création d'un cinquième risque présenterait l'avantage de soulager les budgets des collectivités territoriales, en particulier les départements, qui supportent aujourd'hui 20 % du coût de la prise en charge de la dépendance. Enfin, si la prise en charge dépendance représente un coût important, elle représente avant tout un investissement productif, par la construction et la gestion des infrastructures nécessaires à l'accueil, le logement, et la prise en charge des personnes dépendantes. Au vu de l'ampleur du défi que nous pose le risque de la dépendance, il souhaiterait par conséquent qu'il lui indique la position du Gouvernement sur cette question et en particulier les mesures concrètes qui seront prises à la suite du rapport précité ainsi que le délai dans lequel elles le seront.
Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la dépendance et au financement du cinquième risque. La perte d'autonomie, qu'elle soit liée au grand âge ou au handicap, touche aujourd'hui un nombre croissant de familles et les perspectives démographiques montrent que les enjeux les plus importants sont à venir. Le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans passera de 1 500 000 aujourd'hui à 2 000 000 d'ici à 2015, du fait de l'augmentation de l'espérance de vie et notamment de l'augmentation de la durée de vie en bonne santé. À partir de 2025, l'arrivée au grand âge des générations issues du baby-boom donnera une dimension encore plus importante à la question de leur prise en charge. Or, les quatre risques couverts par la sécurité sociale - maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille et vieillesse - n'ont pas été conçus pour apporter une réponse adaptée à ce défi. Entre les prestations liées à l'état de santé et celles liées à une perte de revenu, un maillon fait défaut dans notre système de protection sociale. Les hypothèses techniques sur lesquelles travaille le Gouvernement en ce qui concerne le financement de la dépendance sont celles annoncées en mai 2008. La première est celle d'une garantie sur la prise en charge par la solidarité nationale. L'évolution des besoins sociaux doit être accompagnée d'une meilleure répartition des financements au sein de notre système solidaire de protection sociale. Le champ de la politique publique en faveur des familles devra s'élargir pour répondre à de nouvelles exigences de solidarité entre les générations. Le redéploiement progressif de l'offre de court séjour vers les établissements et services d'aval, notamment médicosociaux, fait partie des axes forts de restructuration de l'hôpital dans les années qui viennent. La seconde hypothèse est le développement d'un véritable partenariat public-privé avec les organismes de prévoyance individuelle et collective pour la prise en charge de la perte d'autonomie liée à l'âge. Il sera fait appel aux acteurs de la prévoyance pour s'investir aux côtés des pouvoirs publics dans la prise en charge de la perte d'autonomie. Cela implique notamment de mener une réflexion sur les référentiels communs, les mécanismes de reconnaissance de la dépendance, le droit à l'information des personnes en âge de s'assurer et une gouvernance commune associant l'ensemble des acteurs à ces enjeux. C'est l'objet des groupes de travail techniques animés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la direction de la sécurité sociale et la direction générale du Trésor et de la politique économique. La troisième hypothèse technique concerne la meilleure prise en compte des capacités contributives des personnes, en particulier de leur patrimoine. Ce sujet ne constitue qu'une piste de travail. Toute participation des bénéficiaires ne pourrait être que volontaire en contrepartie d'une prestation améliorée. Enfin, concernant la mise en place d'une convergence des champs de vieillissement et du handicap, la création de la CNSA en février 2005 a déjà permis de rassembler les financements consacrés à la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées quel que soit l'âge des personnes concernées. Cependant convergence ne signifie pas confusion et réponse identique quel que soit l'âge, mais approche qui ne privilégie pas l'âge en tant que tel, mais considère prioritairement l'expression des besoins de vie concrète des personnes. À ce titre, si des convergences certaines existent entre les besoins des personnes handicapées et ceux des personnes âgées, qui par ailleurs n'ont pas les mêmes parcours de vie et ne sont pas confrontées à des risques de même nature, ces convergences se concentrent principalement sur la nécessité d'une prise en charge individualisée et sur la mise au point de méthodes d'évaluation des besoins et d'élaboration des plans d'aide relativement proches. Conformément à la volonté du Président de la République, il y aura en 2010 un rendez-vous sur le grand âge et la perte d'autonomie. Il est en effet nécessaire d'aborder les problématiques du vieillissement dans leur ensemble : si, comme c'était le cas dans les années cinquante, la retraite n'est plus un « risque » au sens strict mais une nouvelle période de la vie, la perte d'autonomie liée à l'âge, qui touche une personne sur quatre, représente désormais un risque social nouveau. Il s'agit d'un défi majeur au coeur de grands enjeux de société qui appelle une mobilisation du corps social et un grand débat au sein de la société civile sur la place des aînés dans la société afin de faire émerger les solutions de demain, adaptées à la nouvelle donne démographique de notre pays. Les concertations qui auront lieu sur le cinquième risque permettront d'explorer d'autres pistes qui pourraient être proposées par les acteurs du secteur.
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