M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer sur le versement programmé de 44 millions d'euros aux compagnies pétrolières pour compenser la baisse des prix des carburants dans certains départements d'outre-mer. La décision, contenue dans le décret n° 2009-862 du 13 juillet 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, provoque nombre de réactions tant elle apparaît choquante dans le contexte économique actuel et au regard des « superprofits » réalisés par les entreprises du secteur, notamment l'entreprise Total qui a enregistré un bénéfice de près de 14 milliards d'euros. En outre, elle intervient au moment même où les cours du pétrole connaissent une relative stabilité après avoir baissé de manière très significative par rapport à l'année 2008. Les baisses qui avaient été accordées avaient donné suite aux fortes pressions sociales qui ont agité les départements d'outre-mer à la fin de l'année 2008 et qui sont à l'origine des mouvements sociaux du début de l'année. Le décret d'avance ouvert par le Gouvernement profitera ainsi essentiellement à la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), filiale du groupe Total, afin d'éviter, dit-on, une nouvelle hausse des prix des carburants. Par ailleurs, la somme de 44 millions d'euros pourrait bien s'alourdir davantage puisqu'il ne s'agit pour l'instant que d'une compensation d'une partie de la diminution des profits de ces compagnies dont la santé financière n'est nullement remise en cause par la crise. Ainsi, alors que tous les rapports rendus à ce jour sur la question du prix des carburants dans les départements d'outre-mer démontrent l'existence de dérives profitant essentiellement aux compagnies pétrolières et l'augmentation déraisonnable des marges dans le secteur de la distribution (+ 77 % à La Réunion de 2001 à 2009), il est plus que justifié de s'interroger quant à la valeur morale de ce cadeau compensatoire. Aussi, considérant que cet argent public payé par le contribuable aurait légitimement pu financer des projets dont les territoires ultramarins ont tant besoin (logement, lutte contre le chômage, lutte contre la précarité, santé, éducation, formation professionnelle...) plutôt que d'alimenter les profits déjà abondants des compagnies pétrolières, il lui demande si elle entend proposer à Monsieur le Premier ministre de renoncer à cette décision qui, en outre, ne contribue pas à l'amélioration de l'état d'ores et déjà dégradé des finances publiques.
Dans les départements d'outre-mer, les prix des carburants sont administrés par les préfets, qui fixent leur niveau maximum à différents stades de leur formation (sortie raffinerie, dépôts, prix de gros, prix de détail), conformément à des décrets pris en application du code de commerce ou de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. Dans l'exercice de ces pouvoirs d'administration des prix et suite aux différents mouvements sociaux qu'ont connus les départements d'outre-mer fin 2008 et début 2009, les préfets des départements français d'Amérique ont été amenés à fixer ces prix à des niveaux qui ont été contestés par les opérateurs pétroliers comme ne reflétant pas la réalité de leurs coûts et ne respectant pas en ce sens les décrets en vigueur. Par ailleurs, les cours internationaux du pétrole ont subi, entre ce début d'année et aujourd'hui, une hausse importante (que n'a compensée que partiellement le renchérissement de l'euro face au dollar), pendant que, dans le même temps, le Gouvernement tenait aux Antilles-Guyane son engagement de ne pas modifier les prix des carburants avant d'avoir pu tirer les premiers enseignements des rapports et analyses diligentés auprès de ses missions d'inspection et de l'Autorité de la concurrence. Face à cette situation, le Gouvernement a souhaité se donner la possibilité de négocier avec les compagnies concernées une indemnisation de ce préjudice en tenant compte du droit applicable, mais également des conclusions du rapport d'inspection administrative dont le Gouvernement dispose depuis avril 2009. Dans ce cadre, des conventions transactionnelles ont été signées avec les opérateurs pétroliers pour une somme totale de 43,5 millions d'euros couvrant la période décembre 2008 à fin mai 2009. Pour la période suivante, les entreprises ont présenté des demandes d'indemnisation. Le Gouvernement n'a pas encore arrêté sa position à ce sujet.
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