M. Joël Giraud attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur le problème de la prolifération du campagnol terrestre dans le nord du département des Hautes-Alpes. Apparu en Franche-Comté depuis une trentaine d'années, le campagnol terrestre a récemment entamé son implantation dans le secteur du Lautaret. En se nourrissant de la flore sauvage, il provoque des dégâts considérables. L'enjeu s'avère être à la fois économique, écologique et scientifique. En effet, les impératifs environnementaux interdisant le recours aux pesticides, les agriculteurs subissent directement un important préjudice, d'où l'intérêt du développement de solutions alternatives, par exemple favoriser la présence des rapaces et d'autres prédateurs du rongeur. Compte tenu de la présence, dans la zone de prolifération, du jardin alpin au col du Lautaret (Hautes-Alpes), datant de plus d'un siècle, géré par l'université Joseph Fourier de Grenoble en relation avec le CNRS, il serait envisageable de mettre en place un pôle de recherche destiné à la mise au point de techniques de lutte contre la prolifération du campagnol terrestre en milieu alpin. Cette démarche serait susceptible d'être menée conjointement avec des partenaires européens. Il le remercie de lui préciser, en rapport avec les autres ministres concernés de l'agriculture et des affaires étrangères, quelles solutions peuvent être retenues par le Gouvernement afin d'enrayer la pullulation du campagnol terrestre et de compenser le préjudice subi par les agriculteurs.
Le campagnol terrestre (Arvicola terrestris) est un « rat des champs » dont les pullulations provoquent des dégâts économiques (dans les prairies et vergers, principalement), dans plusieurs pays d'Europe. En France, ce rongeur est présent dans de nombreuses régions. Or, depuis trente ans, on assiste à une homogénéisation des milieux en zones de montagne et de moyenne montagne par monoculture d'herbe. Le déséquilibre engendré par cette simplification des écosystèmes se traduit par la prolifération cyclique de quelques espèces bien adaptées à ces milieux, en particulier le campagnol terrestre, dont le seuil de nuisibilité en prairie est atteint à partir d'environ 200 individus à l'hectare. L'expérience accumulée dans ces zones herbagères d'altitude a conduit à dégager quelques principes majeurs sur lesquels il convient de se fonder pour prévenir la fréquence et la sévérité des pullulations de campagnols terrestres. À titre préventif, la lutte contre le campagnol terrestre n'est efficace pour protéger les prés, que lorsque ces animaux n'y sont présents qu'à de basses densités. Il faut noter que sur les zones très touchées, il n'existe plus de solutions à mettre en oeuvre pour stopper les dégâts. Cette observation conduit à inciter les agriculteurs à surveiller attentivement leurs prés et à intervenir, dès que la présence de campagnols terrestres y est repérable, c'est-à-dire bien avant que ne se manifeste une pullulation. Un système de surveillance de l'évolution des populations de campagnols terrestres et d'alerte aux agriculteurs s'avère donc nécessaire dans les régions menacées. Les agriculteurs doivent être les premiers acteurs dans la lutte et la recherche de solutions durables pour gérer cette problématique récurrente ; leur information, leur formation et l'encadrement de leurs actions de prévention sont essentiels. Associée à une lutte précoce, la création d'un contexte défavorable au démarrage et à l'extension des pullulations peut être obtenue par la mise en oeuvre de dispositions de natures très diverses, notamment au moyen de la diminution des surfaces en herbe d'un seul tenant par le rétablissement de haies, au demeurant favorables aux principaux prédateurs de ce rongeur : les rapaces, les petits mustélidés et les renards. Depuis 1978, la mise en oeuvre de la loi relative à la protection de la nature a permis d'inscrire de nombreux prédateurs du campagnol terrestre, en particulier tous les rapaces, sur les listes d'espèces protégées ; dans la dynamique du Grenelle de l'environnement, certaines espèces protégées bénéficient même d'un plan national d'action. Pour d'autres prédateurs, comme le renard, les préfets ont la possibilité de moduler, en fonction de la situation sur le terrain, leur arrêté annuel établissant la liste des animaux nuisibles dans chaque département. Lorsqu'une pullulation arrive, ce sont les stratégies d'affouragement qui deviennent alors déterminantes. Ces conclusions ont été obtenues par une longue et étroite coopération entre les services du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM) (donc de la chasse et de la protection de la nature) et le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui assume la responsabilité principale pour les questions d'économie agricole et de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux. Des efforts conjugués de recherche et de développement, menés par diverses équipes françaises, ont déjà été réalisés, en Franche-Comté notamment. Ces équipes ont bénéficié du soutien financier du MEEDDM. En effet, lors de la pullulation de 1998, les empoisonnements de campagnols par de la bromadiolone avaient provoqué une mortalité considérable parmi le gibier (sangliers en particulier, mais aussi chevreuils, lièvres, lapins) et beaucoup d'animaux d'espèces protégées. Le MEEDDM est favorable au développement de ces recherches qui ne peuvent que bénéficier de la participation d'autres équipes européennes dans un cadre communautaire.
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