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Marietta Karamanli
Question N° 55719 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 21 juillet 2009

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le respect de la vie privée sur Internet. L'article 9 du code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée. À ce titre, les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée. Aujourd'hui, le rapprochement et le traitement quasi-instantané et automatique sur Internet de données a priori éparses est de nature à porter atteinte à ce droit. Ainsi peuvent porter atteinte à la vie privée le recueil et le regroupement d'un ensemble d'informations relatives à la vie familiale, sentimentale, aux souvenirs personnels, aux orientations sexuelles, à la situation professionnelle ou financière présentes sur le net sans qu'a priori la personne concernée n'ait donné un accord à leur publication... Pour y accéder, il peut suffire de faire une requête à partir d'un moteur de recherche qui va recueillir et agréger ces données, dont chacune en tant que telle peut ne pas porter atteinte à l'intimité, mais dont l'ensemble peut constituer une intrusion dans la vie privée des personnes. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser si une réflexion a été engagée par les pouvoirs publics sur cette question, si les tribunaux ont déjà été saisis d'affaires de cette nature et s'il lui apparaît utile de légiférer en la matière.

Réponse émise le 15 septembre 2009

La protection des données à caractère personnel diffusées sur Internet fait d'ores et déjà l'objet de dispositions juridiques de nature à prémunir ou, le cas échéant, à réparer toute atteinte au droit au respect de la vie privée. Les décisions de justice civiles se prononçant sur des atteintes à la vie privée résultant de l'utilisation de moteurs de recherche pour collecter sur Internet un ensemble de données identifiantes relatives à une même personne sont à ce jour peu nombreux. Une décision du 4 janvier 2002 du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a cependant condamné, sur le fondement des articles 9 et 1383 du code civil, une société d'édition. Celle-ci, alors qu'elle avait pris conscience de la nécessité d'expurger de son site un reportage portant atteinte à la vie privée et au droit à l'image d'autrui, n'avait pas jugé utile de s'assurer qu'un important moteur de recherche ne permet pas aux internautes de continuer à y avoir accès. D'une manière plus générale et sous réserve de l'appréciation des juges du fond, ni la nature du média que constitue Internet, ni les moyens techniques utilisés dans le cadre de celui-ci, tel un moteur de recherche, ne font obstacle à l'application tant de l'article 9 du code civil, relatif au droit au respect de la vie privée que des principes édictés par les articles 1382 et 1383 du même code. Les articles 226-1 et 226-2 du code pénal répriment la captation et la diffusion de l'image ou des paroles d'une personne se trouvant dans un lieu privé, sans son consentement. Les juridictions pénales ont déjà eu à connaître de procédures fondées sur ces articles, dans lesquelles le vecteur de diffusion était Internet. Si l'atteinte particulière à la vie privée susceptible d'être provoquée par l'action des moteurs de recherche ne semble pas caractériser en soi une infraction pénale, la responsabilité pénale des hébergeurs de sites pourrait être engagée sur le fondement de l'article 226-2 du code pénal, si ceux-ci ne retiraient pas de leur site un enregistrement obtenu illégalement par l'un des moyens prévus à l'article 226-1 du même code. Enfin, l'action consistant à collecter et à traiter des données à caractère personnel relatives à une même personne et diffusées sur Internet est strictement encadrée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux liberté. Sa méconnaissance expose l'intéressé au prononcé éventuel par la CNIL de sanctions administratives. Par ailleurs, la CNIL informe sans délai le procureur de la République des infractions dont elle a connaissance, et notamment de celle prévue à l'article 226-22 du code pénal, aux termes duquel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende le fait, par toute personne qui a recueilli, à l'occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou d'une autre forme de traitement, des données à caractère personnel dont la divulgation aurait pour effet de porter atteinte à la considération de l'intéressé ou à l'intimité de sa vie privée, de porter, sans autorisation de l'intéressé, ces données à la connaissance d'un tiers qui n'a pas qualité pour les recevoir. En cas d'atteinte grave et immédiate à la vie privée, le président de la CNIL peut demander, par la voie du référé, à la juridiction compétente d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, toute mesure de sécurité nécessaire à la sauvegarde de la vie privée. Au total, l'arsenal juridique français apparaît de nature à protéger efficacement toute personne dont les données à caractère personnel diffusées sur Internet seraient utilisées en méconnaissance du droit au respect de la vie privée. En tout état de cause, le développement relativement récent des nouvelles technologies de l'information basées sur Internet ne permet pas encore d'évaluer aujourd'hui les effets du droit français et des décisions de justice sur le comportement des internautes indélicats. Légiférer spécialement en la matière semble en l'état prématuré.

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