M. Jacques Le Nay attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la réforme de la procédure pénale évoquée par M. le Président de la République au cours d'une audience solennelle de la Cour de cassation du 7 janvier 2009, déjà évoquée, d'ailleurs, en 1949 par le professeur Donnedieu de Vabre. Une telle réforme devrait, toutefois, s'accompagner d'un renforcement des droits de la défense et notamment de la possibilité, comme le réclament les associations d'avocats, de faire appel à des enquêteurs de droit privé. C'est ainsi que, dès le 29 avril 1997, le conseil national des barreaux évoquait cette possibilité dans un rapport adopté par l'assemblée générale du 28 novembre 1998. Après l'affaire d'Outreau, dans sa séance du 14 mars 2006, le barreau de Paris adoptait un rapport qui, à son tour, évoquait cette possibilité en réclamant des garanties. De telles garanties sont également souhaitées par l'Union fédérale des enquêteurs de droit privé, à savoir le contrôle de l'autorité judiciaire pour éviter des déviances, contrôler la légitimité des investigations, éviter de nuire à l'instruction officielle, et enfin donner aux enquêteurs des pouvoirs dont ils sont actuellement dépourvus. À l'évidence, la profession d'enquêteur de droit privé, qui a été réglementée depuis le loi du 18 mars 2003, est appelée à jouer un rôle social et à intervenir, non seulement dans le cadre des procédures civiles et commerciales, mais également, dans un futur devenu proche, dans le cadre du droit pénal où elle intervient, déjà, dans les litiges relevant de la contrefaçon, des fraudes aux assurances, ou encore pour chercher de nouveaux éléments permettant la révision d'un procès. Or actuellement, le code de procédure civile ne permet pas, juridiquement, de saisir un enquêteur de droit privé pour faire rechercher, sous le contrôle d'un magistrat, notamment dans le cadre des mesures d'instruction, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, limitant les mesures d'instruction à la désignation d'un " consultant ", d'un " constatant " ou d'un " expert ". Le code de procédure pénale ne permet pas davantage un recours aux enquêteurs privés, contrairement à l'Italie où la loi permet aux personnes démunies de bénéficier de l'aide judiciaire pour s'adresser à ces techniciens spécialisés dans la recherche de preuves. Une réforme des procédures civiles et pénales s'avèrerait donc souhaitable pour permettre la désignation sous le contrôle des magistrats, d'un enquêteur de droit privé agréé par l'État et figurant sur une liste tenue par l'autorité judiciaire. Il lui précise que, faute de texte spécifique, certains enquêteurs privés sont nommés en qualité de " constatant " ou " d'expert ", notamment en matière civile et commerciale, par exemple dans des problèmes relevant de la concurrence déloyale, de la fraude aux assurances ou encore dans le cadre des procédures collectives. Au surplus, le statut des enquêteurs de droit privé, issu de la loi du 18 mars 2003, avait pour objet de moraliser et de professionnaliser cette activité mais a omis d'apporter des garanties complémentaires essentielles pour la protection du public. En conclusion, il souhaiterait connaître son avis sur les points évoqués et les intentions de la chancellerie pour : protéger le titre d'enquêteur de droit privé dans la loi du 12 juillet 1983 modifiée ; ajouter, dans ce même texte, l'obligation législative de respecter le secret professionnel ; modifier le code de procédure civile pour ajouter, dans les techniciens pouvant être nommés par le juge, les enquêteurs de droit privé agréés par l'État ; créer une liste des enquêteurs de droit privé agréés par l'autorité judiciaire, comme il existe déjà des enquêteurs de personnalité, enquêteurs privés désignés par les juridictions pénales ; permettre aux avocats, sous le contrôle du juge, de faire appel aux enquêteurs de droit privé agréés par l'État dans le cadre des procédures pénales aux fins de renforcer les droits de la défense ; permettre, sous conditions, l'accès des personnes démunies aux enquêteurs privés par leur prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle. Enfin il lui demande s'il ne serait pas souhaitable de créer une commission, associant les professionnels concernés, pour réfléchir aux différents problèmes évoqués qui visent à améliorer le fonctionnement de la justice et à redonner confiance dans une institution qui constitue l'un des piliers essentiels de notre démocratie.
Le comité de réflexion sur la justice pénale présidé par M. Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des Communautés européennes, a remis son rapport au Président de la République le 2 septembre 2009. Ce comité, qui avait pour mission de réfléchir à une rénovation et à une remise en cohérence du code de procédure pénale, formule douze propositions afin de réformer cette procédure. Il est ainsi proposé de rénover en profondeur la phase préparatoire au procès pénal en transformant le juge de l'instruction en un juge de l'enquête et des libertés, en créant un cadre d'enquête unique dirigée par le procureur de la République et en renforçant les droits des mis en cause et des victimes. Le comité envisage également un nouveau déroulement de l'audience pénale avec un président davantage arbitre du débat judiciaire et des interrogatoires menés par le ministère public et les parties. Enfin, une modernisation de la procédure criminelle est souhaitée à travers un renforcement des garanties entourant le procès d'assises et un allègement de la procédure en cas de reconnaissance de sa culpabilité par l'accusé. Sur les bases de ce rapport, une large consultation va être menée par le ministère de la justice afin de poursuivre cette réflexion et de permettre la finalisation d'un avant-projet de loi début 2010 et la présentation au Parlement d'un projet de loi à l'été 2010. Quelles que soient les orientations retenues, cette réforme de la procédure pénale devra renforcer la protection des libertés individuelles et les droits des victimes, tout en accroissant la simplicité et l'efficacité de la justice pénale. À cet égard, la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, veillera à ce que les contreparties procédurales ou statutaires susceptibles d'être justifiées par la suppression du juge d'instruction soient examinées avec une attention toute particulière. Toutefois, il n'est nullement envisagé de privatiser l'enquête pénale qui doit être menée par les pouvoirs publics, et principalement par les services de police et de gendarmerie. Sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il appartiendra à ces services de conduire, à charge et à décharge, les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Il n'est dès lors pas prévu de modifier dans le cadre de cette réforme les dispositions relatives aux enquêteurs privés.
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