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Jean-Paul Bacquet
Question N° 55096 au Ministère de la Coopération


Question soumise le 14 juillet 2009

M. Jean-Paul Bacquet appelle l'attention de M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie sur l'importance qu'il y aurait à renforcer l'enseignement du français dans l'ensemble des pays anglophones et lusophones d'Afrique, notamment au Nigeria. Bien que de culture anglophone, ce pays a, en effet, développé un système institutionnel proche du modèle français confortant ainsi son ancrage dans le processus démocratique. Il y aurait donc lieu d'y développer l'apprentissage et l'usage de notre langue, sachant que la population du Nigeria représente, à elle seule, environ le quart de la population africaine. Par ailleurs, une telle action, si elle était amplifiée permettrait également d'accroître les échanges avec ce partenaire économique de la France, dans lequel d'ores et déjà près de 120 sociétés françaises sont présente. Il lui demande, en conséquence, quelles initiatives il entend prendre pour développer toutes formes de coopération avec le Nigeria, notamment dans le domaine linguistique.

Réponse émise le 13 octobre 2009

Comme le rappelle l'honorable parlementaire, le Nigeria, est, avec l'Afrique du Sud, l'un des deux « géants » du continent africain. Conséquence du poids démographique, politique et économique de ce pays, et plus encore de son rôle en Afrique de l'Ouest francophone et dans ses institutions régionales, la langue française jouit d'un statut de langue étrangère prioritaire. Le français est perçu comme langue de culture, d'intégration panafricaine, de pénétration économique, et jouit d'un statut favorable chez les élites. La puissance régionale du Nigeria est illustrée par la présence à Abuja du siège de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest - CEDEAO), qui fait l'objet d'un programme spécifique de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour la formation de ses fonctionnaires au français et le renforcement des services d'interprétation et de traduction et des départements en charge de la communication. Langue étrangère principalement enseignée dans le 1er cycle du secondaire, le français a vu son enseignement devenir obligatoire dans les écoles secondaires à partir de la rentrée 1998. Cette décision du ministre fédéral de l'éducation a donné à notre langue une position forte dans le système éducatif après l'anglais, langue officielle, et les langues vernaculaires (yoruba, haoussa et igbo), qui ne sont guère enseignées. Le fort besoin de langue française exprimée par le Nigeria doit être entendu et satisfait, dans un contexte où le renforcement de nos relations bilatérales avec ce pays stratégique constitue une priorité. Le ministère des affaires étrangères et européennes, dont la politique est mise en oeuvre par ce secrétariat d'État, a pris, depuis plusieurs années déjà, toute la mesure de ce défi. Conformément aux orientations du document cadre de partenariat - accord bilatéral entre la République française et la République fédérale du Nigeria définissant les grands axes de coopération -, l'affirmation de la dimension culturelle du développement et la promotion de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été définies comme des axes d'intervention prioritaires (80 % de l'enveloppe soit 709 000 euros). Un montant de 60 000 euros est consacré au fonctionnement des alliances et des CEF/ECF (Espaces campus France). Notre coopération dispose d'atouts forts : depuis plus de vingt-cinq ans, la France entretient au Nigeria un réseau d'établissements actuellement au nombre de 12 : 9 Alliances (et 4 annexes) et 3 centres de formation et de documentation (Centre for French Teaching and Documentation-CFTD) de statuts divers, auxquels s'ajoute un centre culturel français ; les quatre établissements scolaires à programme français homologués par le ministère de l'éducation nationale français, dont 2 conventionnés avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger) qui constituent un facteur d'incitation à la venue de collaborateurs français dans le pays ; le nombre élevé d'établissements d'enseignement secondaire et supérieur dans lesquels le français est enseigné ; la bonne image de la France ; le professionnalisme, le dynamisme et l'enthousiasme des acteurs de la coopération éducative qui opèrent dans des conditions souvent difficiles ; des associations de professeurs de français relativement structurées et dynamiques ; la résilience remarquable des enseignants de français nigérians (environ 5 000) ; un immense vivier d'apprenants potentiels. Nos moyens bilatéraux se concentrent sur trois priorités : la demande de français, les élites universitaires, et le débat d'idées. Concernant plus particulièrement la demande de français, nous avons la volonté d'y répondre efficacement à partir : d'une démarche partenariale grâce à la mise en oeuvre d'un Fonds de solidarité prioritaire et la consolidation des centres régionaux franco-nigérians pour l'enseignement français et la documentation ; de la consolidation et l'amélioration de l'image du réseau des Alliances en tant qu'outil de coopération linguistique et culturelle ; d'une ouverture plus sensible de notre réseau scolaire vers la société nigériane insuffisamment représentée dans nos établissements. Concernant la démarche partenariale d'aide-projet mis en oeuvre à travers le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), le FSP « Appui à la rénovation de l'enseignement du français dans le système éducatif nigérian », qui s'est clos en 2007, a permis de faire progresser significativement le nombre d'apprenants de français dans le système éducatif, de mettre en place de nouveaux programmes, de réformer la formation des professeurs de français de l'enseignement secondaire (plus de 600) et d'étendre le système de formation continue. Un nouveau FSP « Appui au développement de l'enseignement du français dans le système éducatif », signé en juin 2008, a pris le relais, consacrant 1,7 million d'euros (sur trente-six mois) à la promotion de notre langue au sein du système éducatif nigérian. Il vise la mise en oeuvre d'un transfert maîtrisé de compétences aux institutions nigérianes en matière de formation des enseignants, de production de matériel pédagogique et de pilotage de la politique pour le français (production de statistiques, mise en place d'un système intégré d'évaluation et de certification) ainsi que sur une intervention ciblée dans le seul second cycle du secondaire à travers le soutien à 120 établissements pilotes. Il prévoit la poursuite des actions de formation continue et leur démultiplication à travers l'organisation de stages par les Colleges of education (équivalent de nos instituts universitaires de formation des maîtres - IUFM) ou encore la création du premier master d'enseignement du français langue étrangère (FLE) dans le cadre d'un accord entre l'université de Lagos, le Village français de Badagry et l'université de Franche-Comté (un protocole d'accord a été signé le 28 mars 2009). Un FSP mobilisateur, piloté depuis l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes, complète ce FSP bilatéral. Une nouvelle phase de notre coopération a en effet été lancée en 2005 par la mobilisation des ressources des pays francophones voisins lors de la création du Réseau des centres de français langue étrangère d'Afrique (RECFLEA). Ce programme, mené en partenariat avec l'Organisation internationale de la francophonie, vise à structurer et à renforcer les actions de coopération entre centres concernés (formation conjointe des formateurs, harmonisation des certifications et des cursus, production conjointe de ressources pédagogiques) et soutenir la mobilité des enseignants et des stagiaires. L'objectif est de développer des pôles de compétences spécialisés et complémentaires permettant de construire des parcours de formation régionale répondant à la demande de français en Afrique de l'Ouest. Cette professionnalisation de l'offre de formation décloisonne et met en cohérence l'offre de français et les actions de soutien à l'éducation en français, valorisant ainsi auprès de publics universitaires le rôle de notre langue comme langue de communication, de développement et de solidarité, au service de l'intégration régionale. Ce réseau réunit le Village du Bénin (Centre international de recherche et d'étude de langues CIREL/VB à Lomé), le Centre béninois des langues étrangères (CEBELAE à Cotonou), le Village français du Nigeria (VFN à Badagry) et les centres régionaux pour l'enseignement du français (CREF) du Ghana. Le Village de Badagryau Nigeria a ainsi formé plus de 30 000 étudiants au français lors de la dernière décennie. Il offre aux étudiants de licence de français une période de formation intensive en immersion simulée de neuf mois en troisième année et de deux mois pour les étudiants de français des Colleges of education, futurs professeurs de français dans le secondaire. En outre, un soutien substantiel - environ 250 000 euros par an - est accordé sous forme de subventions aux Alliances françaises dans le cadre de la politique de diffusion de la langue française, des cultures francophones et de la promotion des certifications du ministère français de l'éducation nationale (DELF junior, DELF et DALF) (moins de 900 inscrits en 2005-2006, plus de 2 400 en 2007-2008). L'action menée à travers les FSP et dans le cadre des programmations annuelles est également renforcée par d'autres projets mis en oeuvre, en partie, sur des crédits centraux : en 2009 Pro-FLE, Allons en France (4 lauréats) et Profs en France (30 professeurs). L'honorable parlementaire ayant souligné l'importance de notre partenariat économique avec le Nigeria, il convient de préciser que le secteur privé français s'implique également dans la promotion de notre langue. De nombreuses entreprises françaises organisent - grâce au recrutement direct d'enseignants ou de consultants pour le français - ou financent des cours de français dispensés par les Alliances françaises à leurs collaborateurs nigérians et originaires de pays non francophones. En 2008, les cours en entreprises françaises représentaient 20 % des recettes générées par les activités d'enseignement à l'Alliance française de Port-Harcourt (Total, Geoservices, SPIE, Novotel), avec une nette prépondérance du secteur pétrolier. Il faut également souligner que l'avantage concurrentiel certain représenté par la maîtrise du français permet à nos Alliances d'être prestataire de service pour de nombreuses entreprises nigérianes, notamment les banques (UBA par exemple). Notre coopération linguistique et éducative dispose donc de plusieurs outils et de nombreux atouts. Les résultats sont flatteurs au regard des sommes investies et de l'ampleur du terrain linguistique et éducatif nigérian. Quelques difficultés persistent cependant, parmi lesquelles le nombre encore insuffisant d'enseignants notamment dans le secondaire et le supérieur, et les pratiques trop académiques du corps enseignant. Notre dispositif s'attache cependant à y remédier, et à mettre en oeuvre les ambitions claires pour la coopération française au Nigeria, que ce secrétariat d'État a défini au travers des services centraux de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et notre dispositif local. Elles visent à accompagner les réformes des autorités éducatives pour la généralisation de l'enseignement du français dans le système éducatif, essentiellement par le soutien à la formation initiale et continue des professeurs de français ; à développer une politique spécifique dans le nord du Nigeria, qui imbriquera promotion de la langue française et diversité des expressions culturelles, de nature à venir en appui à notre politique d'influence dans une région stratégique ; et soutenir l'installation du Village de Badagry dans le paysage de l'expertise régionale en matière de FLE ; à développer une coopération linguistique et éducative plus soutenue dans le cadre des certifications (DELF, DALF, français sur objectifs spécifiques, diplômes de français professionnel de la CCIP) afin d'avoir un impact sur les outils, les pratiques pédagogiques ainsi que sur les programmes d'enseignement du français, de nature à renforcer la perception de la langue française comme langue de l'emploi, et de renforcer ainsi notre positionnement économique dans le pays.

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