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Philippe Nauche
Question N° 54834 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 14 juillet 2009

M. Philippe Nauche attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation des conservatoires de musique situées dans des villes moyennes et financées essentiellement par elles. L'article L. 216-2 du code de l'éducation prévoit opportunément que leur rayonnement s'étend bien au-delà de la collectivité qui les gère, et celle-ci fixe parfois des droits d'inscription différents selon que l'élève réside ou non sur son territoire. Dès lors, certaines communes éloignées ayant des habitants désireux de pratiquer l'étude de la musique déplorent à juste titre que ceux-ci doivent non seulement supporter des frais de transport et des temps de trajet conséquents pour suivre les cours, mais qu'ils soient soumis à des droits d'inscription plus importants. En application des articles L. 5221-1 et L. 1311-15 du CGCT, ces communes, sur la base du volontariat, pourraient s'engager par convention à prendre en charge le différentiel des droits d'inscription afin que leurs habitants bénéficient du même tarif que les habitants de la ville où se situe l'école ou le conservatoire de musique. Aussi, il lui demande si une telle disposition, qui serait de nature à favoriser l'accès à la culture à un nombre plus important de personnes éloignées de ces villes moyennes, lui semble applicable.

Réponse émise le 9 novembre 2010

La jurisprudence du Conseil d'État admet, sous certaines conditions, les différences de traitement entre les usagers d'un service public. Pour être légales, les différences de traitement doivent être fondées sur la situation différente des usagers vis-à-vis du service et sur des considérations d'intérêt général liées au fonctionnement même du service public (Conseil d'État, section, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques). Deux décisions postérieures du Conseil d'État (Conseil d'État, 5 octobre 1984, commissaire de la République de l'Ariège ; et Conseil d'État, 13 mai 1994, commune de Dreux) précisent qu'il est possible de pratiquer des différences tarifaires fondées notamment sur le lieu de résidence pour les services publics locaux facultatifs, comme les cantines scolaires et les écoles de musique. De plus, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a également conféré une portée communautaire au principe d'égalité, dans un arrêt du 16 janvier 2003, en condamnant la République italienne pour avoir conservé un avantage tarifaire discriminatoire, dans le domaine de la culture, aux résidents de la commune âgés de plus de soixante ans. La CJUE a précisé que seules quatre raisons peuvent permettre de faire exception au principe d'égalité : l'ordre public, la sécurité publique et la santé publique, ou une raison impérieuse d'intérêt général. Une discrimination tarifaire fondée sur des différences de situation objectives, rationnelles et suffisamment nettes, directement en rapport avec l'objet ou le but de la décision qui l'établit, comme l'exige le juge national, ne serait ainsi pas contestée par le juge communautaire, dans la mesure où elle est fondée sur des considérations d'intérêt général. Les activités des écoles ou conservatoires de musique sont non seulement des services publics facultatifs mais également des services publics administratifs, de par leur objet et l'origine de leurs ressources. En effet, ce type d'activité bénéficie généralement de deux sources complémentaires de revenus, à savoir l'imposition des contribuables locaux et les redevances imposées à l'usager pour bénéficier du service. Du fait du financement par l'impôt local, il est donc possible d'instaurer des tarifs différenciés entre les habitants d'une commune et les autres usagers du service. S'agissant de la possibilité de faire supporter ce coût supplémentaire non par les usagers mais par la commune, l'article L. 5221-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ne peut trouver à s'appliquer. Les dispositions de cet article prévoient en effet que les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou les syndicats mixtes peuvent conclure entre eux une entente sur les objets d'utilité communale ou intercommunale, en passant des conventions à l'effet d'entreprendre ou de conserver, à frais communs, des ouvrages ou des institutions d'utilité commune. Ce dispositif vise à fixer un statut pour une structure créée dans un intérêt commun et non à la participation financière d'une collectivité territoriale pour l'utilisation d'un équipement collectif appartenant à une autre collectivité territoriale, en l'occurrence une école de musique. De même, dans le cas d'espèce, il est difficilement envisageable de recourir aux dispositions de l'article L. 1311-15 du CGCT. Ces dispositions prévoient que « l'utilisation d'équipements collectifs par une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte fait l'objet d'une participation financière au bénéfice de la collectivité territoriale, de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte propriétaire de ces équipements ». Ainsi, les collectivités territoriales qui utilisent un équipement, propriété d'une collectivité tierce, sont tenues de verser une contribution financière, correspondant à une quote-part des frais de fonctionnement de l'équipement, à la collectivité mettant à leur disposition ses installations. Néanmoins, pour le présent cas de figure, ce n'est pas la collectivité en tant que personne publique qui est directement l'utilisatrice de l'équipement, mais les habitants de cette collectivité. Une interprétation stricte des dispositions de l'article L. 1311-15 ne permettrait donc pas d'y recourir. Afin que le dispositif de l'article L. 1311-15 puisse être applicable, il est donc nécessaire que la commune soit considérée comme utilisatrice de l'équipement. Celle-ci doit, par conséquent, passer une convention avec la collectivité territoriale propriétaire, afin de prévoir que ses habitants pourront également bénéficier de l'école de musique. Cette convention devra prévoir explicitement la prise en charge, par la collectivité territoriale utilisatrice, du différentiel des droits d'inscription pour ses habitants utilisant l'école de musique, qui bénéficient ainsi du même tarif que les habitants de la collectivité territoriale gestionnaire de l'école de musique. Il est également possible, pour favoriser l'accès à la culture d'un plus grand nombre, de faire gérer l'école de musique par un établissement public de coopération intercommunale. Dans le cas où les communes concernées sont membres d'une communauté de communes, cette dernière peut se doter d'une compétence en matière d'équipement culturel ou, dans le cas où elle détient déjà cette compétence, définir l'école de musique d'intérêt communautaire. Dans ce cas, l'école de musique est mise à disposition de l'EPCI et un tarif uniforme est instauré pour les habitants des communes membres.

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