M. Thierry Lazaro interroge M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur les enseignements qu'il a tirés, dans son domaine de compétence, de la présidence française de l'Union européenne lors du second semestre 2008, ainsi que sur les actions qui ont été initiées dans ce cadre et les premiers résultats obtenus.
La France a mené sa présidence dans un contexte institutionnel, géopolitique, économique et financier complexe. En particulier, le rejet du traité de Lisbonne par les Irlandais en juin 2008 avait d'emblée suscité une crise de confiance parmi les Vingt-Sept. La présidence française n'a pas pour autant revu ses priorités à la baisse. À l'issue du second semestre 2008, l'impulsion qu'elle a donnée a permis à l'Union européenne d'apporter des réponses aux crises et, au-delà, aux enjeux de long terme, favorisant ainsi l'affirmation de l'Europe dans le monde. La présidence française a permis à l'Union européenne de faire preuve de réactivité face aux crises. Face à la crise dans le Caucase tout d'abord, la présidence a réussi à faire prévaloir l'unité de vue des Européens (Conseil européen extraordinaire du 1er septembre), à déployer dans un délai de trois semaines une mission civile d'observation de 300 personnes, à lancer les discussions de Genève prévues par les accords du 12 août et du 8 septembre, à mobiliser les donateurs pour contribuer aussi rapidement que possible à la relance de l'économie géorgienne (conférence du 22 octobre). L'UE a aussi contribué au lancement d'une mission d'enquête indépendante sur les origines et le déroulement du conflit en Géorgie. Dans ce contexte, le dialogue avec la Russie a pu être préservé et à la lumière d'une évaluation approfondie de la relation UE-Russie, les négociations sur un nouvel accord, un temps reportées, ont été poursuivies. Face à la crise financière et économique ensuite, la présidence française a créé les conditions d'une réponse cohérente et coordonnée, avec l'adoption par le Conseil européen des 15 et 16 octobre d'un plan d'urgence pour éviter le collapse du système financier et bancaire, puis, par le Conseil européen de décembre, d'un plan de relance de l'économie européenne, équivalent à environ 1,5 % du PIB européen. Au-delà des mesures d'urgence, la présidence française a promu avec succès l'idée d'une réforme du système financier international. La réunion informelle des chefs d'État et de Gouvernement du 7 novembre à Bruxelles a permis de dégager des lignes de consensus européen qui ont largement inspiré la déclaration adoptée à l'issue du sommet du G20, le 18 novembre à Washington. Face à la « crise institutionnelle » enfin, la présidence a identifié, à l'issue d'un patient travail d'écoute de l'Irlande et de l'ensemble des partenaires, une voie commune vers une entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Les crises n'ont pas détourné la présidence française de ses priorités. Conformément à son programme de travail, la présidence s'est attachée à promouvoir « une Europe qui agit pour répondre aux défis d'aujourd'hui ». Les Vingt-Sept sont ainsi parvenus à des résultats sur les politiques qui répondent aux attentes des citoyens et auxquelles le Président de la République avait donné la priorité : 1. Le paquet énergie/climat. À la suite du compromis agréé à l'unanimité par le Conseil européen, un accord global a été atteint avec le Parlement européen, qui répond à la fois aux exigences de la lutte contre le changement climatique et à celles de la compétitivité économique. En parvenant à cet accord, l'Union européenne a également conforté son rôle d'impulsion dans la négociation sur le régime post-2012, en vue d'un accord global et ambitieux lors de la COP de Copenhague en décembre 2009 ; 2. Le pacte européen sur l'immigration et l'asile. L'Union européenne s'est ainsi dotée d'un cadre agréé au plus haut niveau par le Conseil européen d'octobre, pour une politique commune en matière migratoire, guidée par un esprit de solidarité et de coopération, tant entre les États membres qu'avec les pays tiers d'origine et de transit ; 3. La politique agricole commune. L'accord politique trouvé en novembre sur le « bilan de santé » préserve le caractère protecteur de la PAC (territoires fragiles, gestion des risques, interventions) tout en confortant la dimension économique de cette politique et sa capacité de réaction aux signaux des marchés. Par ailleurs, la réflexion sur les enjeux futurs de l'agriculture en Europe a été lancée ; 4. Le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense. L'analyse partagée des Vingt-Sept sur les menaces et les risques qui pèsent sur la sécurité européenne, dans le cadre de la mise à jour de la stratégie européenne de sécurité et les engagements contenus dans la « Déclaration sur le renforcement de la sécurité internationale » en matière de lutte contre le terrorisme et de lutte contre la prolifération des armes de destructions massives définissent un cadre clair pour l'action de l'UE sur la scène internationale. Sur cette base, un nouveau niveau d'ambition a été fixé dans le cadre des objectifs prévus pour 2010 en termes de renforcement des capacités militaires et de gestion de crise. Au-delà de ces quatre priorités fortes, des avancées significatives ont également été enregistrées dans les autres champs d'activités de l'Union. Dans le cadre défini par le « consensus renouvelé sur l'élargissement », approuvé par le Conseil européen de décembre 2006 et les conclusions du Conseil de décembre 2007, la présidence française a atteint ses objectifs en ouvrant deux chapitres avec la Turquie. Avec la Croatie, les résultats sont très honorables (ouverture de deux chapitres supplémentaires et clôture provisoire de cinq chapitres), même si le blocage slovène sur dix chapitres ne nous a pas permis d'aller aussi loin que prévu. Au-delà de la Croatie, la présidence française a également été particulièrement attentive à la stabilité et au rapprochement européen des Balkans occidentaux (déploiement de la mission civile EULEX au Kosovo). La présidence française a contribué à mettre en oeuvre sa conception d'un multilatéralisme efficace dans les régions dans lesquelles elle était attendue (succès du lancement de l'Union pour la Méditerranée, reconnaissance du statut avancé pour le Maroc, progrès en vue du renforcement des liens avec Israël, mise en oeuvre du partenariat stratégique Afrique-UE de Lisbonne, premier sommet avec l'Afrique du Sud) mais aussi à l'égard de l'ensemble de ses partenaires : les plus proches comme ceux du voisinage oriental (avec l'Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie), comme les grands pays émergents d'Asie (avec l'important sommet UE/ASEM ou encore avec l'Inde) ou d'Amérique latine (notamment à l'occasion du sommet UE/Brésil) et, bien sûr, dans le cadre d'une relation transatlantique au sein de laquelle l'Union veut être une force de proposition. L'Union européenne a apporté la preuve qu'elle peut apporter sa contribution à l'organisation du monde : son initiative de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes et le lancement de l'opération Atalante ou encore le déploiement de la mission EULEX dans tout le Kosovo sont des succès qui répondent à la demande de ses citoyens de la voir s'affirmer sur la scène internationale. Il s'agira dans les mois qui viennent d'entretenir cet élan et, pour la France, de continuer d'être une force de proposition en vue des prochaines échéances : poursuite des négociations internationales sur le changement climatique, rénovation de l'architecture financière internationale, préparation de la revue à mi-parcours des perspectives financières et réflexion sur la place de l'agriculture en Europe, lancement des projets de l'Union pour la Méditerranée.
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