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Odette Duriez
Question N° 52766 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 23 juin 2009

Mme Odette Duriez attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les modifications apportées par le Gouvernement au décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 qui crée un nouveau fichier de police dénommé EDVIGE (exploitation documentaire et valorisation de l'information générale), devenu aujourd'hui « exploitation documentaire et valorisation de l'information relative à la sécurité publique ». Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, ce nouveau fichier n'est pas le simple prolongement du fichier utilisé jusqu'alors par les renseignements généraux. Auparavant, étaient susceptibles d'être fichées les « personnes majeures qui, par leurs actions violentes, sont susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'État » (décret de 1991). Avec EDVIGE « modifié », seront désormais susceptibles d'être fichées les personnes « dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ». La notion « d'actions violentes » disparaît. La notion de sûreté de l'État est remplacée par la notion beaucoup plus vague de sécurité publique. Fait sans précédent, le fichage peut concerner les mineurs dès l'âge de 13 ans. D'autre part, l'utilisation du fichier est désormais ouverte aux enquêtes administratives préalables à l'exercice de certaines fonctions ou missions prévues par l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995. Le fichier EDVIGE « modifié » fait ainsi passer la société française d'un système de fichage strictement encadré à l'ère de la présomption de culpabilité sur chaque citoyen. C'est une dérive dangereuse éloignant la société française de la conception républicaine de l'état de droit. La multiplication des motifs d'inscription au fichier, l'ouverture aux mineurs, même si un « droit à l'oubli » a été inséré au-delà de la date anniversaire de la majorité légale en France, repoussé à 21 ans lorsque le mineur a fait l'objet d'un enregistrement entre 16 et 18 ans, la multiplication et la nature des informations pouvant y être enregistrées et le flou des notions sur lesquelles est fondé le fichier sont parfaitement inacceptables et constituent une atteinte sans précédent aux libertés individuelles et à la protection de la vie privée. Le fichier pourra ainsi contenir les données « à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes ». Le Gouvernement a choisi d'élargir considérablement les capacités de fichage de la population sans débat public. La CNIL (Commission nationale informatique et libertés), qui rendra ses observations, a souligné déjà l'absence de durée de conservation des données, le très jeune âge à partir duquel une personne peut-être fichée et la possibilité de collecter des informations personnelles relatives à l'origine ethnique, raciale et à la vie personnelle. Elle lui demande donc d'abroger dans les plus brefs délais un décret totalement incompatible avec la conception républicaine de l'état de droit.

Réponse émise le 21 septembre 2010

Le Gouvernement a abrogé le décret du 27 juin 2008 portant création du traitement EDVIGE par le décret n° 2008-1199 du 19 novembre 2008. Toutefois, afin de permettre aux services de renseignement de la police nationale de remplir leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public le Gouvernement a élaboré deux décrets. Ces textes, élaborés en tenant compte de la large concertation de 2008 et des préconisations du groupe de contrôle sur les fichiers, ont chacun reçu un avis favorable de la CNIL et du Conseil d'État. Ces décrets, publiés au Journal officiel le 16 octobre 2009, portent respectivement création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique, d'une part, et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique, d'autre part. Ils garantissent un équilibre entre les impératifs liés à la protection des libertés individuelles et collectives, d'une part, et la nécessité pour les forces de l'ordre de disposer des informations nécessaires au maintien de la sécurité publique, d'autre part. La notion d'actions violentes n'a pas été reprise dans les nouveaux décrets dès lors que certaines activités, dont la gravité est indéniable justifient la collecte de renseignements, même en l'absence de violence physique. Il en va par exemple ainsi de la cybercriminalité, de l'économie souterraine ou du trafic de stupéfiants. Par ailleurs, eu égard à leur implication croissante dans des actes portant atteinte à la sécurité publique, mais également pour tenir compte de l'évolution de leur personnalité avec l'âge, il est nécessaire d'autoriser le recueil des données concernant les mineurs d'au moins 13 ans dans le traitement relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique. Comme pour les majeurs, l'enregistrement des données les concernant ne se fonde pas sur de simples suspicions mais résulte de la constatation d'activités qui indiquent que l'intéressé peut porter atteinte à la sécurité publique. S'agissant du traitement relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique, les données enregistrées ne peuvent concerner que les mineurs de plus de seize ans, âge à partir duquel ils peuvent faire l'objet d'une procédure de recrutement professionnel. La mise en oeuvre des deux traitements est entourée de garanties renforcées. Ainsi, le champ des données collectées a-t-il été restreint et le recueil des données dites « sensibles » strictement encadré. À ce titre, ne peuvent pas figurer dans le traitement des données à caractère racial, sexuel ou de santé. De même, dans les domaines politique, philosophique, religieux ou syndical, ce ne sont pas les opinions des personnes mais leurs seules activités qui peuvent donner lieu à enregistrement et ceci, uniquement dans les cas où leur comportement pourrait porter atteinte à la sécurité publique ou s'avérer incompatible avec les fonctions auxquelles elles postulent. Les nouveaux décrets prévoient une durée de conservation de dix ans pour les données relatives aux majeurs contenues dans le traitement de prévention des atteintes à la sécurité publique et de cinq ans pour celles contenues dans le traitement relatif aux enquêtes administratives liées à la sécurité publique. Les données relatives aux mineurs sont quant à elles automatiquement effacées au bout de trois ans dans le traitement de prévention des atteintes à la sécurité publique. Par ailleurs, l'accès aux traitements est strictement réservé à des services limitativement énumérés ou à des fonctionnaires spécialement et individuellement habilités. La traçabilité des consultations est assurée dans le cadre des deux traitements susmentionnés afin de prévenir tout détournement de leurs finalités. Les deux décrets posent également l'interdiction de toute interconnexion, rapprochement ou mise en relation avec une autre base de données.

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